Hausse des prix de l'électricité : pourquoi ça n’est que le début <!-- --> | Atlantico.fr
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Il va probablement falloir s’habituer à une poursuite de la hausse des prix de l’électricité à l’avenir...
Il va probablement falloir s’habituer à une poursuite de la hausse des prix de l’électricité à l’avenir...
©Reuters

Et c’est pas fini

Annoncée par Ségolène Royal pour le 1er août 2015, la hausse des prix de l'électricité grimpera jusqu'à 2.5% en moyenne. Tous les Français ne seront pas touchés, néanmoins : les artisans, les commerçants et les petites entreprises échapperont à cette augmentation. Cette dernière ne satisfait pas pourtant la Commission de Régulation de l'Energie, qui préconisait entre 3.5% et 8%.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : La ministre de l'Ecologie l'a annoncé ce jeudi 16 juillet : les tarifs de l'électricité vont bientôt connaître une hausse moyenne de 2.5%. A partir du 1er aout, bon nombre de Français seront amenés à payer plus. A quoi faut-il s'attendre sur le long terme ? Une baisse des prix est-elle envisageable ?

Florent Detroy : Il va probablement falloir s’habituer à une poursuite de la hausse des prix de l’électricité à l’avenir. Depuis loi Nome de 2010, les prix réglementés en France doivent converger avec les prix de marché. L’important écart entre les deux prix s’est déjà réduit au grès des hausses successives des tarifs, mais les différents gouvernements ont pris soin d’éviter toute hausse brusque. Alors que la CRE recommandait une hausse pouvant aller jusqu’à 8% cet été, le gouvernement l’a ramené à 2,5%. Si les prix français se rapprochent désormais des prix d’autres pays européens, ils vont devoir continuer d’augmenter pour suivre la hausse des couts de production. Entre 2011 et 2014, les couts de production d’EDF ont augmenté de plus de 20%. Et ils devraient continuer d’augmenter à l’avenir. Le prix du KWh nucléaire d’EDF est encore vendu en dessous de son prix de production, à 42€ (tarif ARENH) alors qu’il couterait entre 49€ et 54€ réellement selon des calculs de 2012.  La France va devoir également financer sa transition énergétique, qui n’ira pas sans de considérables investissements dans les EnR et les réseaux.

Comment expliquer que les prix de l'électricité grimpent sans cesse ? L'avènement de différentes sources d'énergies, comme la méthanisation, ne permet-elle pas de diversifier l'offre et donc  de faire chuter les tarifs ?

Il y a plusieurs raisons à la hausse des tarifs de l’électricité. D’abord, l’électricité d’origine nucléaire va être de plus en plus chère. Les prix français comparés aux prix européens étaient bas car le cout de production du KWh d’une centrale était particulièrement compétitif, autour de 40€. A titre de comparaison, le MWh de gaz tourne autour de 70-80€. Mais ces prix sont sur une pente ascendante, alors qu’EDF va devoir réaliser un grand carénage, la modernisation de ces centrales, afin de repousser l’heure de leur fermeture. Ensuite il faut financer la transition énergétique. Ce cout est représenté par la CSPE, qui augmentent depuis sa création à mesure que l’éolien, le solaire ou la méthanisation progressent en France. Il faut rappeler que ces énergies ont encore besoin d’être subventionnées, du moins en France. Enfin d’autres tarifs augmentent, comme le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe) d’ERDF, qui permet de financer l’acheminement de l’électricité. La modernisation des réseaux et le développement des compteurs intelligents type Linky ont amené à une hausse de ce tarif.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) estimait nécessaire que la hausse s'élève entre 3.5 et 8%. Faut-il y voir un aveu d'échec quant à la libéralisation d'un marché de l'énergie ? Pourquoi ?

La baisse des prix a été mise en avant pour soutenir la libéralisation du marché de l’électricité. Or effectivement, les prix ont eu tendance à augmenter jusqu’à récemment en Europe. L’indice des prix sur les marchés de long terme sur la bourse d’échange Powernext a augmenté plus vite que le pétrole entre 2003 et 2008 par exemple. Mais les raisons de la hausse ne sont pas forcément à chercher dans la libéralisation du marché, mais plutôt dans une hausse des couts de production de l’électricité à partir d’énergie fossile. Le pétrole, le gaz, sur lesquels comptaient certains pays comme l’Allemagne ou les Pays Bas pour produire une majorité de leur électricité, ont vu leur prix exploser depuis 2000. La hausse des tarifs a reflété cette tendance, hausse également expliquée par le cout de financement des EnR. Mais cette tendance n’est pas forcément linéaire. Aujourd’hui, les prix de gros de l’électricité sont en baisse, profitant de la baisse du prix du pétrole et du gaz. Elle ne se ressent pas forcément sur la facture d’électricité des consommateurs car les taxes, pour financer le renouvelables par exemple, sont toujours en augmentation.

En France la libéralisation a été à l’origine d’une partie de la hausse des couts de l’électricité, car il a fallu augmenter les tarifs afin d’aider la concurrence, comme Direct Energie, à concurrencer EDF. Aujourd’hui, la France est dans la situation paradoxale d’avoir des prix de l’électricité plus élevés que la moyenne européenne, car les prix sur Powernext sont en baisse. Le MWh de base à l’horizon d’un an tournait début janvier autour de 38 euros, soit 4 euros de moins que l’ARENH, à 42 euros/MWh. Désormais il est plus rentable de se fournir sur les marchés spot européen qu’auprès d’EDF. Pour les tenants de la libéralisation du marché de l’électricité, ainsi que pour les partisans d’une Europe de l’énergie, c’est une bonne nouvelle, même si les tarifs spot ne resteront pas éternellement bas.

Le risque d'un manque de financement de l'énergie est-il réel, si les taxes ne grimpent pas conformément à l'avis de la CRE ? Pourquoi ?

C’est avant tout le grand carénage qui va soutenir la hausse des prix. Il est nécessaire pour prolonger la durée de vie des centrales, et renforcer leur sécurité. Ce dernier point est un effet direct de la catastrophe de Fukushima. Or EDF ne semble pas avoir assez de provisions pour le financer ce carénage, et un relèvement des prix de l’électricité apparaît inévitable. La France doit également respecter ses engagements européens de compter pour 23% d’énergie renouvelable dans son mix énergétique pour 2020. Or la France est encore en retard sur ses objectifs. Ainsi en 2012, le rapporteur écologiste d’un rapport du Sénat sur l’électricité en France évoquait une hausse de 50% des prix pour les particuliers d’ici 2020, du fait notamment d’un investissement de 400 milliards d’euros nécessaire.

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