Guerre en Ukraine : ces éléments qui montrent que l’opinion russe change en silence<!-- --> | Atlantico.fr
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Leonid Volkov, le directeur de cabinet d’Alexei Navalny, a partagé des données concernant l’évolution de l’opinion publique russe.
Leonid Volkov, le directeur de cabinet d’Alexei Navalny, a partagé des données concernant l’évolution de l’opinion publique russe.
©SERGEI SUPINSKY / AFP

Guerre en Ukraine

Leonid Volkov, le directeur de cabinet d’Alexei Navalny, a partagé des données concernant l’évolution de l’opinion publique russe.

Françoise Thom

Françoise Thom

Françoise Thom est une historienne et soviétologue, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne

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Atlantico : Leonid Volkov, le directeur de cabinet d’Alexei Navalny, a partagé des données concernant l’évolution de l’opinion publique russe ? Que nous apprennent-elles ?

Françoise Thom : Les sondages montrent que le soutien à la guerre est à son apogée en mars (83 % des Russes se disent alors favorables à « l’opération spéciale » en Ukraine, Poutine gagne 12 points de popularité). Un sondage secret mené par le Centre panrusse de recherche sur l'opinion publique (VtsIOM) en juin révèle que 30% des répondantspensent que « les combats en Ukraine » devraient être « arrêtés dès que possible ». 13 % ont du mal à répondre ; 57% des personnes interrogées pensent que la guerre doit se poursuivre. VTsIOM n’a pas renduces données publiques. Sur le site Web du centre, le sondage de juin indique que 72 % des personnes interrogées «soutiennent plutôt » la guerre, 17 % «ne soutiennent pas» la guerre et 11 % ont du mal à répondre à la question.

La mobilisation de septembre a provoqué un retournement de l’opinion publique. Si auparavant la majorité voulait une victoire complète sur l'Ukraine, désormais la plupart des répondants sont enclins à croire qu'il est nécessaire d'entamer des négociations de paix et de mettre fin aux hostilités. Selon un sondage réalisé fin octobre par le centre Levada, 57% des personnes interrogées sont favorables à l'ouverture de pourparlers de paix avec l'Ukraine, et seulement 36% sont favorables à la poursuite des hostilités. En août, ce ratio était de 44% contre 48%. Moins de 30 % des jeunes se disent favorables à la poursuite de la guerre.

Que savons nous plus largement de l'évolution de l’opinion publique russe sur la guerre ?

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Selon un sondagemené par VtsIOM, depuis février 2022, 38 % des Russes âgés de 18 à 35 ans refusent de se considérer comme des citoyens russes. Les « refuseniks » se disent citoyens du monde. La proportion de « cosmopolites » varie selon l'âge : 11 % se considèrent comme tels de 14 à 17 ans, 38 % de 18 à 24 ans, 23 % de 25 à 29 ans et 28 % de 30 à 35 ans. Un autre sondage a montré que 46% des élèves russes des collèges et lycées interrogés souhaitent émigrer de Russie. Avant même le début de l'opération militaire, un Russe sur quatre (22%) voulait quitter la Russie, selon un sondage du Centre Levada .
Détail important, l'audience de la télévision, principal outil de la propagande du Kremlin, est passée d'environ 80% à 62%, ce qui une baisse très importante. Par ailleurs depuis les échecs de l’armée russe en Ukraine, les Russes se détournent des talk-shows ultrapatriotiques au profit de programmes de divertissement

Même si en raison de la nature du régime il est difficile d’avoir des données fiables, l’évolution des réponses à un même sondage, présentant donc les mêmes biais, peut-elle nous permettre de jauger ce que pensent les russes comme l’estime Leonid Volkov ?

Il est difficile de considérer comme fiables les fabuleuses cotes de popularité attribuées par les sondages au président Poutine - 83% d’opinions favorables en août, 77% fin septembre et 79% fin octobre ; 77,9% le 4 décembre. 67 % des Russes estimaient que le pays allait dans la bonne direction en août, 60 % en septembre et 64 % fin octobre.

Nettement plus crédible est unsondage classifié de VtsIOM révélant que la cote de confiance en Poutine a chuté au plus bas en novembre : 37,3 %. La confiance envers Choïgou a plongé depuis le début de l'automne de 16,8 % à 13,2 %.

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Quelles leçons tirer de ces données ? Quelles conséquences ces opinions grandissantes pourraient-elles avoir ? 

Les données des sondages faits en Russie ne sont absolument pas fiables. Si critiquer la guerre ou l’armée russe peut vous valoir la prison, qui va exprimer le fond de sa pensée dans un sondage ? Bien plus significatifs sont les refus de répondre et les fuites de sondages confidentiels ordonnés par l’administration présidentielle, qui indiquent la discrètedissidence de certains fonctionnaires russes. Il est clair que la mobilisation a dissipé une grande partie de l’extase chauvine de mars 2022. Actuellement un autre facteur est en train de faire évoluer l’opinion en profondeur, l’effet des sanctions sur l’économie, qui est maintenant de plus en plus sensible. Mais le matraquage par la propagande fait que les Russes ont désappris à lier la cause et les effets. Le mécontentement dû aux échecs militaires et à la dégradation du niveau de vie ne se traduira pas forcément en une action politique. Le seul danger pour le régime est une scission au sein des élites, au cours de laquelle la fraction dissidente essaierait de se donner un appui populaire en exploitant la grogne longtemps refoulée des masses.

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