Ghislaine Maxwell : l’éminence grise et le pivot logistique du réseau criminel de Jeffrey Epstein <!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Raufer publie « Jeffrey Epstein L'âme damnée de la IIIe culture » aux éditions du Cerf.
Xavier Raufer publie « Jeffrey Epstein L'âme damnée de la IIIe culture » aux éditions du Cerf.
©JOHANNES EISELE / AFP

Bonnes feuilles

Xavier Raufer publie « Jeffrey Epstein L'âme damnée de la IIIe culture » aux éditions du Cerf. 10 août 2019, 6 heures 30. Jeffrey Epstein est retrouvé pendu dans sa cellule. Suicide ? Assassinat ? Pour saisir toutes les implications de l'affaire, il faut remonter aux sources. Criminologue reconnu, Xavier Raufer mène l'enquête sur la vie et la mort du criminel sexuel et sur l'emprise qu'il exerçait sur les élites américaines. Extrait 1/2.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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L’entrepreneur français en mannequinat Jean-Luc Brunel, également poursuivi par la justice pour trafic sexuel de mineurs et pareillement retrouvé pendu dans sa cellule le 19 février 2022, dans son cas à la prison de la Santé, a infirmé la date tardive et le caractère accidentel dont Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell ont systématiquement recouvert leur rencontre. En 2002, Brunel a confié à l’un de ses amis, qui a ultérieurement déposé devant la justice américaine, que dès 1988, et à Londres, Robert Maxwell a présenté sa fille à celui qui était déjà l’un de ses partenaires en affaires. Ce qu’accrédite la présence d’Epstein à la soirée funéraire en l’honneur de Maxwell organisée à New York 19 jours après sa mort, le 24 novembre 1991 : pour les personnes qui y ont participé et en ont témoigné devant les juges, lui et Ghislaine se conduisent l’un par rapport à l’autre comme de vieilles connaissances.

Le reste de la chronologie ressort aussi peu fiable. La justice estime que la première fois que, de manière documentée et certifiée, Ghislaine Maxwell a recruté une jeune « masseuse » pour le compte de Jeffrey Epstein est advenue en 1994 à Palm Beach, en Floride. Mais l’incertitude demeure quant aux années précédentes. De même, dans la première enquête que lui consacre Vanity Fair et qui remonte à 2003, Jeffrey Epstein déclare alors à propos de Ghislaine Maxwell : « Elle est ma meilleure amie. » Or, ladite « amie » partage en réalité sa vie comme ses crimes depuis longtemps, en lui servant de « maquerelle en Prada » comme il se murmure à New York. Les découvertes ultérieures, glauquissimes, montreront le caractère vénéneux de leur relation personnelle, toxique pour leur entourage et destructeur pour leurs victimes. L’âge de la victime présumée initiale, 13 ans, suffit à suggérer l’étendue de leur endurcissement continu dans le mal.

Pendant au moins dix ans, de 1994 à 2005, mais sans doute au-delà malgré ses dénégations, Ghislaine Maxwell va être l’éminence grise et le pivot logistique du réseau criminel d’Epstein : elle gère le recrutement des filles, le programme de leur soumission physique et psychologique, les carnets de leurs rendez-vous avec les « amis de Jeffrey ». Elle s’en justifie devant la romancière et styliste Christina Oxenberg, proche par ses origines royales de la Maison d’Angleterre et du prince Andrew, client de ce trafic, en invoquant les besoins sexuels insatiables d’Epstein et la contrepartie qu’elle pense retirer de sa complicité active : en lui procurant de la chair fraîche sur un plateau, il finira bien par accepter de l’épouser. Pathétiques arguties. Comme il le sera révélé, Ghislaine Maxwell n’éprouve aucune compassion envers ses proies qui, pour la plupart, la décriront « brutale, autoritaire, presque inhumaine », cette experte de l’emprise recourant à tous les moyens pour les manipuler, les forcer, les intimider et les museler.

De surcroît, durant la décennie de leur complicité la plus étroite, les affaires douteuses vont bon train pour le duo. Sur cette période, Jeffrey Epstein verse à Ghislaine Maxwell entre 20 millions et 30 millions de dollars en liquidités. Pourquoi ? On ne le saura pas. L’immobilier figure également au bilan. À Londres, Ghislaine possède une villa sur Kinnerton Street, dans le quartier huppé de Belgravia, près de Hyde Park. Elle n’y réside guère, le lieu servant avant tout de maison close intermittente. C’est là que se déroulera, entre autres, le « rendez-vous » entre le prince Andrew et la victime Virginia Roberts-Giuffre. Laquelle déposera y avoir été violée en mars 2001, éléments photos et vidéos à l’appui. L’héritière Maxwell réalisera une forte plus-value en vendant environ 2 millions d’euros en 2021, peu avant son incarcération, cette demeure rendue célèbre par la presse à scandales britannique.

À New York, l’investissement dans la pierre de Ghislaine ressort tout aussi exemplaire des fricotages auxquels s’adonne le clan des affairistes que patronne son amant et maître. En 1992, quelques mois après la mort de son père, elle a acquis une maison de ville à deux pas de Central Park, au 116 East 65th Street, et à quelques encablures de la résidence d’Epstein dans l’Upper East Side : quatre étages reliés par un ascenseur et 12 chambres hors les salles de réception sur 650 m2 de surface habitable. La maison appartenait à l’origine à Lynn Forester. Cette avocate d’affaires, membre éminent de la fondation démocrate Council on Foreign Relations, fera fortune à la tête de la société fiduciaire E.L. Rothschild dont elle épousera, en troisièmes noces, le créateur et propriétaire. C’est elle qui, un peu plus tôt, a présenté les duettistes au couple Clinton et à l’avocat Alan Dershowitz, star du barreau qui négociera en 2006 l’arrangement juridique à l’avantage de Jeffrey Epstein. Pressée de vendre, Forester a bradé le bien en le cédant à une société écran domiciliée au siège d’Epstein et contrôlée par un autre avocat et son comparse, Darren Indyke, qui sera accusé, après la mort de ce dernier, de s’être accaparé une partie de ses avoirs. En 2016, alors que le torchon commence à brûler, Ghislaine revendra cette maison 15 millions de dollars. Le pacte infernal qui lie les deux dépravés n’aura pas empêché mais encouragé les combines, petites ou grandes, qu’ils auront multipliées. 

Extrait du livre de Xavier Raufer, « Jeffrey Epstein L'âme damnée de la IIIe culture », publié aux éditions du Cerf

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