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Gérard Longuet : “Emmanuel Macron, c’est la prolongation, avec un visage jeune, du compromis qui fige et qui nous a conduit là où nous sommes : un pays de déficit et d’endettement.”
©DR

Entretien politique

Critiques à l'encontre du programme de François Fillon, rumeurs d'alliance avec François Bayrou, possibilité d'un duel Emmanuel Macron-François Fillon au second tour de la présidentielle, etc. : autant de sujets sur lesquels revient Gérard Longuet dans un entretien exclusif pour Atlantico.

Gérard  Longuet

Gérard Longuet

Gérard Longuet est sénateur de la Meuse, il a notamment été président du groupe UMP au Sénat de 2009 à 2011.

De 2011 à 2012, il a occupé la fonction de ministre de la Défense et des Anciens combattants. 

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Atlantico : François Fillon était cette semaine à Las Vegas pour le CES. Dans quelle mesure ce voyage peut-il lui profiter compte tenu du fait qu’il est le seul candidat cette année à s’y être rendu ? 

Gérard Longuet François Fillon est surtout un homme politique qui a une connaissance parfaite des nouvelles technologies, de la révolution numérique, et ce depuis longtemps. J’ai eu l’occasion de mesurer cela lorsque j’étais ministre de l’Industrie et des Télécoms, poste auquel il m’a succédé d’ailleurs. Honnêtement, nous parlions avec beaucoup de plaisir de ces nouvelles technologies ; son intérêt est réel, profond, constant. Accessoirement, en période de campagne, cela donne une bonne image, mais la vérité, c’est que cette démarche est, chez lui, fondée sur l’intérêt qu’il y porte et la compétence acquise.

Durant cet évènement, François Fillon a fait preuve d’un certain agacement à l’égard d’un journaliste qui a tenté une comparaison avec Emmanuel Macron, et ce à travers une remarque sur le rôle qu’il a pu jouer en matière de technologie. Cette remarque est depuis largement reprise et moquée sur les réseaux sociaux, notamment par Manuel Valls qui s’est fendu d’un tweet dans lequel il affirme que « Grâce à François Fillon, je peux vous écrire ce tweet depuis Evry. Merci à France Télécom, son réseau, ses agents qui ont permis Orange/Free/SFR… ». Que pensez-vous de cette attaque de l’ancien Premier ministre ? 

Elle est sans aucune portée. En matière de télécom, il y a eu une formidable révolution en France, qui s’est faite à partir du choix du numérique dans les années 1980. Cela fut d’ailleurs un choix de Valéry Giscard d’Estaing, avec Gérard Théry, puis Jacques Dondoux ou Marcel Roulet. Puis la dérégulation des télécoms que j’avais d’ailleurs lancée en 1986-1988, et  que François Fillon a, par la suite, poursuivi en tant que ministre de ce secteur, a permis la multiplication des investissements et des initiatives. Monsieur Valls découvre, en effet, que France Télécom existe, mais le développement des télécoms est l’affaire de tout un secteur, et surtout de capitaux privés – essentiellement d’ailleurs car l’Etat n’a jamais mis un sou dans France Télécom ; c’est toujours France Télécom qui a subventionné l’Etat. Manuel Valls tombe mal, il ne connait pas son sujet. 

Les débats télévisés de la primaire de la gauche vont commencer très bientôt. Comment est-ce que François Fillon espère-t-il occuper le terrain au cours de cette période où les médias seront accaparés par ce scrutin ?

Profondément, François Fillon n’a pas l’obsession d’occuper le terrain pour occuper le terrain. Le présentéisme médiatique n’est pas sa tasse de thé. Ce qu’il souhaite, c’est s’exprimer sur des sujets de fond qui correspondent à sa ligne de force: le diagnostic vrai et le devoir de réforme.

Il est évident toutefois que nous regardons avec intérêt les débats du PS. Les deux candidats importants, qui arriveront en tête de la gauche, sont Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, tous deux candidats hors primaire PS ; le candidat du PS sera probablement le deuxième ou le troisième de la gauche, en tout cas, il y a peu de chance pour qu’il soit le premier ; de même, la probabilité pour qu’il soit au second tour est faible. Nous les regardons donc avec une curiosité polie, sans considérer que se soit un élément essentiel, car si la gauche, et notamment Manuel Valls, avait des solutions, nous le saurions.

Depuis sa victoire, François Fillon est critiqué à gauche, mais également par Emmanuel Macron et son propre camp, pour son approche jugée très libérale de la question sociale et des politiques de santé. Que pensez-vous de ce jugement ? 

François Fillon pense profondément que c’est l’esprit de liberté qui peut relancer l’économie française et permettre le contrôle des dépenses publiques sous toutes leurs formes. En matière de santé, François Fillon est bien évidemment pour la liberté tant du patient que du praticien. Il y a eu ensuite une caricature simple et grossière d’une réforme du candidat qui sera approfondie comme doit l’être une construction gouvernementale. Cette construction est en cours actuellement et nous aurons ainsi la bonne clarification. En termes de dépenses de santé, nous savons que l’assurance doit faire une large place à la mutualisation car les risques sont à la fois très importants pour les infections lourdes et graves, et très concentrés sur des périodes de la vie et sur les pathologies graves . C’est la raison pour laquelle François Filon regarde avec beaucoup de sagesse et d’humanité la réalité de la dépense médicale qui est malheureusement – et on le sait – plus forte sur des cas précis, et qui mérite une véritable considération.  Mais par exemple, pouvons nous laisser sans solution le véritable détournement du rôle des urgences de bien des hôpitaux ?

Selon un baromètre Elabe pour BFMTV paru ce mercredi, 81% des Français affirment que le programme de François Fillon doit être « adapté dans la perspective de l’élection présidentielle et des élections législatives de 2017 ». Comment François Fillon et son équipe perçoivent-il cet avis de l’opinion publique ?

Francois Fillon était avant le 27 novembre 2016 un candidat parmi d’autres; depuis il est le président possible. On attend davantage d’un vainqueur d’une primaire rassemblant 4,5 millions d’électeurs que de tout autre ! Il y a donc une exigence d’approfondissement dans tous les domaines : défense, infrastructures, droit du travail, organisation du système éducatif, etc. Il est donc normal que les Français se demandent comment celui qui peut demain gouverner le fera. Lorsque le premier tour de la présidentielle servait de primaires, bien des questions majeures étaient plus ou moins reportées avec un flou artistique entretenu par les candidats – je me souviens de la fracture sociale de Jacques Chirac, qui est une formule plus evocatrice que précise !. Mais cela, c’était le premier tour d’autrefois. Aujourd’hui, nous avons un premier tour beaucoup plus exigeant car celui qui accède au deuxième tour sans être FN a une probabilité très forte de l’emporter ; il est donc normal qu’on lui en demande plus avant le premier tour. 

Un autre sondage Elabe pour Les Echos et Radio Classique paru ce jeudi témoigne d’une perte de vitesse de François Fillon dans la course à la présidentielle – bien qu’il demeure qualifié pour le deuxième tour – tandis qu’Emmanuel Macron poursuit sa percée, celui-ci apparaissant même au second tour face à François Fillon sous certaines conditions. Pensez-vous vraiment qu’Emmanuel Macron constitue une menace pour François Fillon ? 

Aujourd'hui, Emmanuel Macron est un candidat attrape-tout qui s’efforce de rester à gauche tout en racolant au centre. Une épreuve immédiate l’attend toutefois : que porte-t-il comme message ? Quelles réformes proposent-ils ? Son livre, c’est de l’eau tiède, écrit par quelqu’un qui manie la langue habilement mais qui fait preuve d’un immobilisme total et d’un conformisme absolu. C’est la prolongation, avec un visage jeune, du compromis qui fige et qui nous a conduit là où nous sommes : un pays de déficit et d’endettement. 

Depuis plusieurs jours, les médias évoquent la possibilité d’une alliance entre François Fillon et François Bayrou. Qu’en est-il réellement ? 

La question est plutôt de savoir quel rôle François Bayrou souhaite tenir dans la vie politique française. Le centre a participé à la primaire : les uns ont soutenu Alain Juppé, quelques autres ont été fidèles à Nicolas Sarkozy, mais les électeurs du centre ont participé en majorité à cette primaire. François Bayrou, lui, est resté en retrait.  J’estime qu’en ne ralliant pas le vainqueur du premier tour de 2007, François Bayrou a sacrifié ce qui aurait pu être la renaissance de l’UDF, équillibrant la majorité d’alors. Aujourd’hui, certainement il représente une attitude, une ouverture. Mais le problème de la France actuellement, c’est qu’il faut prendre des décisions ; or ces décisions ne sont pas des décisions de compromis. Je crois que la force de François Fillon – et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il l’a largement remporté dans son camp et qu’il doit l’emporter à la présidentielle – réside dans le fait que les Français ont parfaitement intégré une situation dans laquelle le statu-quo est sans espoir. 

Personnellement, quel rôle souhaitez-vous jouer dans la campagne de François Fillon pour 2017 ? 

Je dispose d’une grande liberté de parole car j’ai soutenu François Fillon pour ses convictions  de liberté et de tradition. La France a été secouée par la tragédie des attentats depuis Charlie Hebdo, du Bataclan et des terrasses du onzieme, de Nice, des assassinats de policiers ou du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray. Ils m’ont beaucoup choqué et révolté. Mais collectivement, la France manifeste aujourd’hui beaucoup de sang froid. Elle est à la recherche de sa personnalité pour tenir son rôle dans un univers bouleversé. Ainsi, la tradition, les racines chrétiennes et républicaines tout autant, doivent nous rassembler, nous fortifier. Il y a un retour aux sources dans la recherche, par la communauté nationale, de sa personnalité et de ses raisons d’être solidaire contre le terrorisme. Si l’on donne à cette société forte plus de liberté et moins de dépendance vis-à-vis de l’Etat, si l’on fait confiance aux personnes, aux familles, aux territoires et aux libres initiatives, je suis convaincu alors que nous pourrons nous en sortir. C’est ce message de conviction que je souhaite porter durant cette campagne. 

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