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G7 : mais quelle idée Donald Trump cache-t-il derrière son invitation des chefs d’Etat et de gouvernement du monde à Camp David ?
©POOL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Stratégique

Au tout début, Donald Trump ne voulait même pas de ce G7, puis il a consenti à une visioconférence compte tenu de la crise sanitaire. Puis maintenant, il voudrait que tout le monde vienne chez lui à Camp David. Personne n’est dupe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A priori, Donald Trump va tout faire pour convaincre les chefs d’Etat et de gouvernement membres du G7 de venir à Camp David près de Washington. Emmanuel Macron a été le premier à répondre qu‘il était prêt à faire le déplacement, mais les autres ne sont guère décidés à obtempérer. D’autant que dans un premier temps, le président américain avait dit tout le mal qu’il pensait de ce type de réunion et surtout leur inutilité.

Sa première idée avait été de l‘organiser chez lui, en Floride. Ensuite, il avait considéré que, compte tenu de la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus, les chefs d’Etat pouvaient très bien se contenter d’une visio conférence.

Le voilà qui refait machine arrière pour proposer une véritable conférence, un G7 en vrai, du 10 au 12 juin prochain... Non pas à Miami comme il en avait été question l’année dernière mais à Camp David près de Washington.

Il a même expliqué que les membres du G7 ne pourraient pas refuser de se retrouver dans ce lieu chargé d’histoire pour tous les peuples occidentaux au moment où le monde traversait une crise sanitaire et économique complètement inédite et d’une violence inouïe. Pour l’heure, à l’exception du président français, aucun chef d’Etat et de gouvernement n’a donné son accord. Justin Trudeau n’a aujourd’hui aucune raison de répondre à Donald Trump. Le Premier ministre canadien n’a évidemment pas oublié le camouflet que lui avait infligé le président américain lors du G7 organisé à Toronto. Très mécontent de la tonalité des débats qui lui étaient hostiles, Donald Trump avait refusé de signer le communiqué final et avait repris son avion avant la fin des cérémonies. Angela Merkel a dit qu‘elle réservait sa décision en attendant de recevoir des garanties sur ce qui sera discuté et décidé. Or, la position de la Chancelière sera très importante parce qu’elle sera en même temps présidente de l’Union européenne qu‘elle va représenter dans toutes les instances internationales pendant tout le semestre. Pour Angela Merkel, l’embarras provient des ambiguïtés du président américain. L’enjeu, pour elle comme pour le président français, est de protéger les chances du multilatéralisme alors que la présidence américaine fait tout pour privilégier les accords bilatéraux.

A moins d’un mois de la réunion de ce G7, personne ne sait par exemple si la tradition d’inviter le président russe et le président chinois sera respectée. Pour le couple franco-allemand, leur présence serait essentielle. La crise du pétrole qui a été provoquée par l'Arabie saoudite et la Russie pour essayer de faire plier Donald Trump sur le Moyen-Orient nécessiterait d’être à l’ordre du jour, et beaucoup de chefs d’Etat aimeraient entendre Vladimir Poutine sur cette question. Par ailleurs, la crise du coronavirus appelle évidemment l’audition et la participation du président chinois Xi Jinping. Pour la Maison Blanche, il n’en est pas question.

En bref, les membres du G7 redoutent d’avoir à rendre service à Donald Trump en se déplaçant pour un G7 qui n’a pas été préparé. Donald Trump a sans doute choisi la Chine et la situation mondiale comme responsable de la gravité de la crise sanitaire qui a ravagé l’essentiel de la planète et qui a notamment dévasté le continent nord-américain.

Le président américain a commencé à expliquer à ses électeurs que cette crise était le résultat d’une mondialisation incontrôlée, avec des délocalisations industrielles qui offraient à la Chine le moyen de déstabiliser l’Amérique. Cette épidémie est une des phases de la guerre qu’il dénonce entre la Chine et les Etats-Unis.

Pour Donald Trump, le monde a été incapable de s’organiser et de gérer cette pandémie. Le FMI est impuissant et trop coûteux, l‘OMS, l’Organisation mondiale de la santé est pour lui toxique pour les intérêts américains, alors même que l’Amérique en est le principal contributeur. D’où la menace quasi-quotidienne de couper les vivres aux organisations internationales. En bref, l’Amérique peut se débrouiller seule pour gérer ses affaires.

Si le prochain G7 ne sert à Donald Trump qu’à expliquer ses ambitions de casser le multilatéralisme, les autres membres du G7 et notamment l’Allemagne, le Canada, l’Italie et la France ne peuvent pas participer à cet exercice, sauf à se retrouver en porte à faux par rapport à leur tradition, leur valeur de paix et leur culture de l’échange.

Si le G7 ne sert que de tribune internationale à Donald Trump, les chefs d’Etat et de gouvernement membres du club n’ont rien à y faire. Ils pensent tous que la crise sanitaire leur fournit un bon prétexte pour ne pas aller à Washington au début du mois de juin.

Tout se passe comme si cette crise avait poussé le président américain au bout du bout de sa logique de gouvernement. Ça fait déjà trois années que le monde de toutes les chancelleries sait que les propos de Donald Trump n’engagent que ceux qui veulent bien le croire. Le président américain est capable de dire tout et son contraire... sauf qu’il ne faut jamais oublier qu’il a une ambition et une stratégie de gouvernement.

Son ambition, c’est maintenant d’être réélu. Ce n’est pas gagné et pour être réélu, il faut convaincre son électorat et lui annoncer ce qu’il a envie d’entendre. L’électorat de Donald Trump pense que l’Amérique est en risque de perdre son pouvoir magique de donner à chacun sa part de bonheur. Et si l’Amérique est en risque, c’est évidemment de la faute des émigrés sud-américains, de la mondialisation qui a organisé le déménagement d’une grande partie de l’industrie, entraînant des pertes d’emplois, etc. La stratégie de Donald Trump est donc d’émettre un discours qui sonne bien aux oreilles de ceux qui s’inquiètent. « America first» ou « make American great again ». Et ça peut marcher.

Si la stratégie est inapplicable, peu importe, ça n’est pas le sujet. Si la stratégie a des effets pervers et entraîne des dégâts collatéraux dont son électorat pourrait souffrir, il trouvera les boucs émissaires qu’il faut pour éviter d’avoir à se contredire ou a reconnaître des erreurs. Jamais Donald Trump ne se trompe. En revanche, il peut éventuellement dire qu’on l’a trompé. C’est l’accusation qu’il porte contre les Chinois qui n’auraient pas prévenu à temps de la gravité de ce virus... Ou pire quand il est très fâché, il soupçonne le pouvoir chinois d’avoir fabriqué ce virus pour mener une campagne de déstabilisation de l’Occident et notamment de l’Amérique. La théorie du complot a du succès au sein de la Maison Blanche.

Donald Trump a pris la barre du G7 sans dire exactement où il voulait conduire le club des Dirigeants les plus puissants de la planète. Il doit le faire et donner en plus toutes les garanties de sécurité sanitaires possibles.

L'essentiel de son argumentation actuellement est d’insister sur le caractère hautement historique de Camp David. C’est un peu court.

C’est non seulement une des villégiatures officielles des présidents des États-Unis, mais Camp David, situé dans l'État du Maryland, a souvent été utilisé pour des discussions internationales de haut niveau. C'est là qu'avait eu lieu le dernier G7 organisé aux États-Unis, en 2012 sous la présidence de Barack Obama. Le lieu est par ailleurs célèbre pour les accords qui portent son nom. Les accords de paix de Camp David avaient été signés en septembre 1978 entre le président égyptien Anouar El-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin. Donald Trump promet donc d’ouvrir les portes d’un lieu de paix, sans pour autant avoir très envie de la faire.

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