G7 : pourquoi le multilatéralisme prôné par Emmanuel Macron n'a pas grand chose à voir avec le "retour" de l'alliance atlantique promis par Joe Biden<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dirigeants du G7 se sont réuni par visioconférence.
Les dirigeants du G7 se sont réuni par visioconférence.
©Olivier HOSLET / POOL / AFP

Objectifs différents

Au sommet du G7, le nouveau président américain Joe Biden a proclamé le « retour » de l’alliance transatlantique. Emmanuel Macron souhaite, lui, un multilatéralisme plus important. Contrairement aux apparences, ces deux stratégies sont bien distinctes.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Au sommet du G7, le nouveau président américain Joe Biden a proclamé le « retour » de l’alliance transatlantique. Macron, lui,  souhaite un multilatéralisme plus important notamment pour résoudre la crise des vaccins. L’élection de Biden suffit-elle en elle-même à rendre efficient le multilatéralisme ? 

Cyrille Bret : Restaurer le leadership américain : voilà l’objectif cardinal de l’administration Biden en politique étrangère. Sauver le multilatéralisme est un objectif sensiblement différent et il est français. A Washington, Antony Blinken, en charge du Secrétariat d’Etat, souhaite retisser le lien transatlantique;  Jake Sullivan, conseiller national à la sécurité, essaye de raviver les traités de désarmement ; et Robert Mally infléchit la politique américaine au Moyen-Orient en tentant de sauver ce qu’il reste de l’accord sur l’Iran. Mais il s’agit explicitement et consciemment d’un retour à la normale pour la diplomatie américaine autrement dit d’assumer les responsabilités internationales des Etats-Unis en raison de leur puissance. Retisser les réseaux d’alliances en Europe occidentale et en Asie du Nord, revenir dans les enceintes de l’ONU en force, comme à l’OMS, et contrer l’influence chinoise sont les buts. Rendre des couleurs aux institutions multilatérales n’est qu’un des moyens de cette politique. Et il n’est pas prioritaire.

La dissonance avec la position française (et allemande) ne doit pas être sous-estimée. Pour la France, restaurer le multilatéralisme est un objectif en soi. Car pour une puissance à la vision mondiale mais aux moyens plus limités comme notre pays, rien ne peut se faire sans coordination. 

Comme je l’ai écrit bien souvent depuis le 3 novembre dernier, les Européens ne peuvent pas compter sur l’administration Biden pour défendre des priorités européennes ou françaises : il s’agit pour la nouvelle équipe présidentielle de remédier au désengagement trumpien, pas de ressusciter des institutions internationales mal en point.

Macron a ajouté qu'il était optimiste quant à une résolution du différend commercial entre les États-Unis et l'UE. Macron n’est-il pas trop optimiste ? 

C’est une ambition, pas une prédiction. C’est une pression exercée sur le partenaire américain, pas une prévision de commentateur. Les causes structurelles du différend commercial entre Europe et Etats-Unis sont indépendantes de la présidence Trump et de sa volonté d’engager une « guerre commerciale » au nom du protectionnisme. L’administration Biden donnera des signes de bonne volonté mais ce seront des gages, pas des concessions. Facteur aggravant, l’OMC ne fonctionne plus comme sous Pascal Lamy : elle ne règle plus comme par le passé les différends commerciaux. Le multilatéralisme de l’OMC a cédé le pas au bicaméralisme donc à l’épreuve de force. Ultime source de préoccupation : la crise économique frappe les échanges transatlantiques ce qui accroît le niveau de compétition. On imagine mal le secteur aéronautique ou la métallurgie, en difficulté, accorder des concessions au nom de la promotion du libre échange. Cette déclaration est un programme, pas un plan d’action.

Le multilatéralisme ne sera-t-il réellement rétabli que quand des échanges respectueux seront faits entre alliés ? 

Encore une fois ne confondons pas multilatéralisme et réseaux d’alliance. Le multilatarélisme a vocation à régler les différends entre amis et entre ennemis par la négociation, la discussion, le droit et les conventions. Les réseaux d’alliance sont, eux, des unions entre amis. Je me réjouis que le dialogue avec les Etats-Unis soit de nouveau possible substantiel et respectueux. Il existe trop de communautés de valeurs, d’intérêts et de visions entre les Etats-Unis et l’Europe pour qu’un divorce soit prononcé. Mais restaurer le fonctionnement normal de l’OTAN, principale alliance militaire au monde, et relancer le multilatéralisme de l’ONU, du FMI, de la Banque Mondiale ou encore de l’OMC sont des chantiers bien différents. Aujourd’hui la difficulté est que le multilatéralisme encourt le discrédit en raison des stratégies dissidentes des principales puissances. L’OTAN sera fontionnelle dans un an. L’ONU dans dix ans.

"L'ennemi du multilatéralisme au moment où nous parlons, maintenant que nous avons le réengagement américain, c'est la lenteur et l'inefficacité", a déclaré le président français au Financial Times. A quoi fait-il allusion ? Est-ce réellement le seul frein à la gestion de la crise ?

La question des vaccins illustre parfaitement la déclaration d’Emmanuel Macron. Hier, l’Union européenne a annoncé la commande de 300 millions de vaccins supplémentaires alors que le G7, réunissant les puissances économiques occidentales, n’est capable d’annoncer que la commande de 13 millions de doses pour les 6 millions de personnels soignants d’Afrique, continent qui tangente sous peu le milliard d’habitants. La seule institution multilatérale qui fonctionne, comme régulateur des vaccins, comme centrale d’achat des vaccins, comme négociateurs avec le Big Pharma, c’est l’Union européenne. Car elle est efficace quoi qu’en disent ceux qui souhaitent être vaccinés dans la semaine. Le reste du système multilatéral reste à reconstruire.

Je me réjouis que l'administration Biden revienne à une certaine prévisibilité, à une certaine décence et à un réengagement dans les formes de la diplomatie multilatérale. Mais la priorité de ce mandat est et restera la restauration du crédit des Etats-Unis.

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