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François-Xavier Bellamy : "Il faut rompre avec une certaine mondialisation qui s’est révélée être la clé d'une forme de dévastation écologique autant que d’un désastre social"
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Projet européen

Le Conseil national des Républicains a lieu ce samedi. Son programme pour les élections européennes y sera dévoilé. Pour la tête de liste du parti, "l'Europe est plus nécessaire que jamais, mais a besoin d'être profondément réorientée dans la manière dont elle se construit pour être efficace."

François-Xavier  Bellamy

François-Xavier Bellamy

François-Xavier Bellamy est normalien, agrégé de philosophie. Il est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue parisienne.

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Atlantico : Le Conseil national des Républicains a lieu ce samedi. Le parti a défini sa ligne sur l'Europe à Menton l'été dernier mais certains -y compris au sein du parti- trouvent que la ligne n'est pas claire : pour vous le projet LR pour les européennes, c'est quoi ?

François-Xavier Bellamy : Le projet LR pour les européennes c'est le seul, je crois, qui peut permettre à l'Europe de retrouver un avenir, en suscitant à nouveau la confiance des citoyens. Nous croyons que sur tous les grands défis qui attendent notre pays, l'Europe est plus nécessaire que jamais, mais a besoin d'être profondément réorientée dans la manière dont elle se construit pour être efficace. C'est la ligne que nous défendrons tout au long de cette campagne.

Cette vision là, sur quels alliés pensez-vous pouvoir compter pour la porter ? Bien sûr, les élus républicains siègent au PPE mais vers quoi ira le PPE demain ?

Nous sommes la force politique, en France, qui a la possibilité de s'appuyer sur le levier le plus important en Europe. Le PPE est la grande force politique qui peut faire avancer l'Europe si nous savons la conduire vers les décisions dont nous avons collectivement besoin. Je pense a quelques exemples très concrets, qu'il faut illustrer à travers le projet très précis et très complet que nous présentons demain au Président du Conseil National, sur la question migratoire, sur la guerre économique qui se joue entre la Chine et les USA, ou pour faire face aux enjeux d'écologie. Nous avons évidemment besoin qu'une réponse européenne plus forte soit apportée, non pas celle d'une technostructure toujours plus lointaine des préoccupations des Français, mais au contraire une réponse qui soit de nouveau efficace au service de nos politiques nationales.

Pour vous, quel est l'enjeu majeur si tant est que vous puissiez départager les deux : la refondation de l'Europe ou la reconstruction de la droite à laquelle vous souhaitez participer activement avec votre engagement ?

L'enjeu c'est de pouvoir refonder l'Europe au service de ce qui me parait essentiel, au service de la France, au service de l'avenir de notre pays. Je crois que pour cela il est nécessaire que la droite sache composer une vision claire, une vision forte, c'est ce que nous allons faire tout au long de cette campagne.

Vous expliquez que le clivage gauche droite ne reposant plus sur l'économie (l'économie administrée pour la gauche, la liberté pour la droite), on en revient au clivage originel, la gauche souhaitant transformer le réel en considérant que l'avenir est par principe meilleur et la droite défendant ce qui mérite d'être sauvé. Pour autant, peut-on sauver ce qui mérite de l'être sans transformer ce monde, sans penser les défis de la mondialisation, de la robotisation ou du retour à l'ère des puissances qui se préoccupent peu de multilatéralisme ?

Bien sûr, c'est la raison pour laquelle nous avons à être créatifs, inventifs et imaginatifs. Pour un exemple concret, la question de notre modèle économique et commercial, nous ne pouvons rester à un statut quo. Cela serait dévastateur, nous voyons bien que le monde a changé, nous voyons que le rêve ultralibéral d'une déconstruction des frontières serait las à très longs feux. Il y a dans le monde aujourd'hui des acteurs économiques qui savent où est leur intérêt, ils jouent leurs cartes avec beaucoup d'agressivité, nous devons sortir de la naïveté. L'Europe doit sortir de sa naïveté dans le monde, et la France doit sortir de sa naïveté en Europe, c'est la raison pour laquelle nous allons proposer une barrière écologique qui sera le moyen de faire en sorte que les producteurs qui importent chez nous, payent le même coût du carbone que ceux qui produisent en Europe. De manière à faire en sorte que notre industrie reste compétitive, et que nous puissions appliquer les standards écologiques que nous appliquons à nous-mêmes à ceux veulent faire du profit sur le marché Européen.

Si on regarde les années qui nous ont menés à la recomposition politique engendrée par la présidentielle 2017, on voit que la gauche comme la droite s'étaient sabordées. la gauche en masquant son renoncement à la question économique et sociale par un déploiement de sociétal et la droite en masquant une forme d'impuissance sur la même question par un discours sur l'identité et les valeurs. Pourtant, on le voit, pour les Gilets jaunes comme dans les revendications du Grand débat, le pouvoir d'achat et la fiscalité restent au premier plan. Comment la droite peut-elle construire un nouveau discours là-dessus ? La baisse des impôts et des dépenses publiques peut-elle suffire à permettre à la France de garantir sa prospérité ?

Non mais c'est une condition nécessaire. La droite n'a pas à s'excuser du discours qu'elle a tenu. Au contraire, nous avons été de ceux qui ont dit depuis longtemps, depuis des années, qui ont répété à l'occasion de la dernière campagne présidentielle que nous ne pourrions pas retrouver notre capacité de rayonner dans le monde si nous ne savons pas faire les réformes indispensables pour redonner à nos entreprises l'oxygène dont elles ont besoin.

Je sors à l'instant d'une rencontre avec une dizaine de chefs d'entreprise. Sur ces grands enjeux qui sont cruciaux pour retrouver un modèle de société qui soit durable et prospère, rien n'a été fait lors de ces dernières années. Emmanuel Macron s'est donné une image de grand réformateur mais il dépense en fait plus que François Hollande. Et il n'a absolument rien transformé, ni en matière de baisse de la dépense publique, ni sur la question de la réforme de l'Etat, ni sur la question de la baisse de la fiscalité. Rien n'a été ne serait-ce que commencé, alors que le contexte était pourtant favorable. Je crois qu'il faut plus que jamais que la droite se reconstruise pour offrir demain aux Français l'alternance dont ils auront besoin.

Au-delà du détail de leurs revendications, l'aspiration globale des Gilets jaunes étant en quelque sorte systémique puisqu'ils pensent qu'il sera difficile de parvenir à plus de justice sociale, que faudrait-il changer à l'Europe ou à la manière dont s'est mise en œuvre la mondialisation pour que l'angoisse de déclassement des classes moyennes soit apaisée ?

Tout d'abord il faut rompre avec une mondialisation dans laquelle nous avons pu croire de manière trop irresponsable. On a cru qu'on allait pouvoir demain délocaliser toute la production en Asie et ne faire que des services et du tourisme en Europe. C'est la clé de notre paupérisation, mais c'est aussi la clé d'une forme de dévastation écologique autant que de désastre social. Nous avons besoin de redonner un équilibre à la mondialisation, c'est le beau défi qui attend l'Europe.

Avec les procès qui vous ont été faits au sein de votre propre famille politique, êtes-vous surpris que la droite française peine à assumer que même sans s'enfermer sur ce créneau, il est assez logique que ce soit à elle de porter la sensibilité conservatrice qui existe dans toute les sociétés ?A quoi attribuez-vous cette réticence française au conservatisme ?

Encore une fois, je crois que le terme de conservatisme ne permet pas de comprendre ce qui est nécessaire pour notre action politique. Le conservatisme est une philosophie politique qui a été pensée dans un monde très étranger à la crise globale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Dans la crise actuelle, il ne suffit pas de reste immobile, il faut au contraire se trouver capable d'énergie et d'inventivité. Effectivement, non pas pour transformer le monde et pour transformer la société mais d'abord pour transmettre tout ce à quoi nous tenons.

Une forme de conservatisme imaginatif ?

Non, même pas. Si ce n'est pour la question écologique, qui peut être, en un sens, conservatrice. Mais que reste-t-il à conserver ? Il s'agit aujourd'hui de transmettre un monde qui soit encore vivable, habitable, et c'est ce que la droite doit savoir défendre. Cela passe bien sûr par l'environnement, mais aussi par la capacité à transmettre notre culture, notre civilisation, ces liens communs qui nous attachent les uns aux autres. Et qui nous rend capable de construire une société consciente de son unité.

Un renouveau idéologique se fait à droite. Assez peu libéral. Pensez-vous que la droite ait intérêt à perdre la sensibilité libérale qu'elle a globalement toujours conjugué avec le conservatisme ?

Bien sûr, nous croyons à la liberté, et devons nous en faire les défenseurs. Prenons un exemple simple : la majorité semble susceptible de défendre obsessionnellement la taxe des transmissions. Pourtant, le niveau actuel de taxes sur les droits de succession est d'ores et déjà une mesure profondément attentatoire aux libertés de chacun. Au fond, ce que nous souhaitons n'est pas de fonder une société d'individus atomisés qui ne sont pas liés les uns aux autres par des liens forts qui dépasseraient l'échelle des générations. Au contraire, nous voulons permettre à chacun de construire quelque chose qui puisse devenir l'espace d'une liberté collective. Au fond, la perspective dans laquelle s'installe Emmanuel Macron est profondément étatiste. La fiscalité servirait l'atomisation qui laisserait l'individu isolé face à la toute-puissance de l'Etat. Nous croyons à la liberté. Fidèles au libéralisme d'un John Locke ou d'un Tocqueville, nous croyons que la liberté est la possibilité des personnes de construire un patrimoine, de construire un bien commun à même de les lier les uns aux autres dans le temps. 

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