François Hollande : "'Moi, président de la République', ça m'est venu comme ça"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Au début je me sentais bien, j'étais un peu embêté quand il m'a traité de menteur", a confié François Hollande à l'issu du débat d'entre deux tours l'opposant à Nicolas Sarkozy.
"Au début je me sentais bien, j'étais un peu embêté quand il m'a traité de menteur", a confié François Hollande à l'issu du débat d'entre deux tours l'opposant à Nicolas Sarkozy.
©Reuters

Inspiré

Dès l'été 2011, l'écrivain Laurent Binet a suivi pas à pas François Hollande dans la bataille de la présidentielle. Il révèle les coulisses du débat de l'entre deux tours côté socialiste. Extraits de "Rien ne se passe comme prévu" (2/2).

Laurent   Binet

Laurent Binet

Laurent Binet est écrivain. Il est l'auteur du livre "HHhH", Goncourt du premier roman 2010, traduit dans vingt-deux pays et salué par Claude Lanzmann, Mario Vargas Llosa ou encore Bret Easton Ellis.

Il a aussi écrit "Forces et faiblesses de nos muqueuses" (2000) et  "La vie professionnelle de Laurent B." (2004), qui témoigne de son expérience d'enseignant dans le secondaire à Paris et en région parisienne.

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2 mai

Silence de monastère dans la loge, tout le monde retient son souffle, chacun, je présume, redoute et guette le mot écorché, le bégaiement malheureux, l'hésitation déplorable ou l'erreur augurale qui scie les jambes d'entrée. Cependant Hollande, vaille que vaille, un peu nerveux peut-être (mais c'est difficile à dire d'où je suis, tant la nervosité ambiante contamine tout l'espace), vient à bout de son intro sans bévue majeure, sans attaque mortelle non plus.

La suite, tout le monde la connaît parce que tout le monde l'a vue même si, comme d'habitude, tout le monde n'a pas vu la même chose : bataille de chiffres, combat de boxe, bagarre de cour de récréation...

Dans la loge, au fur et à mesure que Hollande se montre combatif, on se détend, on bavarde, on se fait rappeler à l'ordre par Valls, on interpelle Sarkozy (surtout Bachelay qui lui parle comme s'il était là : "Le CPE ? T'étais ministre !... Oui, il y a deux exemples (allemands) et toi tu prends le mauvais...") et même Hollande (Pujadas : "Laissez parler M. Sarkozy", Valls "Oui, laisse-le parler !")

Valls surveille Sarkozy comme la lait sur le feu, sur le mode "jusqu'ici, tout va bien" : "Il est fatigué, hein... Il est toujours en défense... Si on passe l'immigration, c'est fini... Il prend beaucoup d'avance, là... Ses chiffres sont faux, il faut tweeter... Il est fou d'être sur ce thème-là (l'éducation)..." Il faut dire qu'il y a aussi un petit enjeu personnel pour lui : chaque fois que Hollande attaque Sarkozy sur la TVA sociale, il s'attend à être mis en cause ("Ah ! là, je sens que j'arrive !"), ce qui advient en effet, au moment où Hollande, sur le pouvoir d'achat, joue sa carte du "à vous entendre, rien n'est jamais de votre faute" : "J'ai fait le calcul, la TVA que vous voulez prélever, c'est 300 euros par an pour un couple de smicards..."

La femme de Luc Vaillant : - D'accord, Manuel ? (rires)

Valls : - C'était une bonne idée, pourtant. (rires) Non mais moi, c'était une TVA de gauche, hein ! (les rires redoublent)

Sarkozy : - Si la TVA antidélocalisation était une si mauvaise idée, on se demande bien pourquoi votre propre porte-parole Manuel Valls en a fait le thème de sa campagne pendant les primaires socialistes...

Valls : - Voilà !

Sarkozy : - ... puisque l'ai entendu votre propre porte-parole Manuel Valls dire que la TVA antidélocalisation était la seule solution, et il avait raison.

Valls : - Ça fait plaisir d'entendre mon nom ! Merci Nicolas !

[...]

Il revient le héros, et tout le monde lui tombe dessus. Comme un sportif après son match, il livre ses impressions à chaud : "Au début, il était crispé. Ensuite, il m'a traité de menteur. Je lui ai ressorti Fukushima. A la fin, il m'a sorti DSK. Oui, moi aussi, je me demandais où j'allais m'arrêter (pour la tirade). [...] au début je me sentais bien, j'étais un peu embêté quand il m'a traité de menteur. (Les fans : Mais tu l'as remis à sa place !... L'attitude, t'étais droit !... Au début, t'étais dans la chaise, plus bas, et ensuite t'étais droit et lui s'est affaissé...) Faut tweeter un max, faut faire gaffe quand même. A la fin, il m'a dit 'bon courage'. Comme s'il passait le relais [...] 'Moi, président de la République' ça m'est venu comme ça. Je pensais qu'il allait m'interrompre mais non, alors je continuais. A la fin, j'avais plus d'idées."

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Extrait de "Rien ne se passe comme prévu", Grasset (août 2012).

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