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Second souffle : Faut-il s’attendre à un changement de stratégie de François Hollande ?
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Tournant de campagne

Le candidat PS est l’invité ce jeudi soir de l’émission politique "Des paroles et des actes". Alors que Nicolas Sarkozy est en progression dans les sondages, François Hollande doit-il développer un discours plus incisif ?

Audrey  Pulvar,Christian de Villeneuve, Franz-Olivier Giesbert,Guillaume Roquette, Michèle Cotta

Audrey Pulvar,Christian de Villeneuve, Franz-Olivier Giesbert,Guillaume Roquette, Michèle Cotta

Audrey Pulvar est journaliste et chroniqueuse pour l'émission On n'est pas couché sur France 2. Elle présente également la tranche 6 h - 7 h de France Inter depuis septembre 2010.

Christian de Villeneuve est journaliste. Il est l'ancien directeur des rédactions du Parisien, du Journal du Dimanche et France Soir.

Franz-Olivier Giesbert est journaliste et romancier. Il dirige l’hebdomadaire Le Point.

Guillaume Roquette est journaliste. Il est Directeur de la rédaction de l'hebdomadaire Valeurs actuelles. Il intervient régulièrement sur la chaine d'information LCI.

Michèle Cotta est journaliste et écrivain. Elle a notamment présidé la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, prédécesseur du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de 1982 à 1986.

 

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Atlantico : François Hollande est l’invité ce jeudi soir de l’émission politique  « Des paroles et des actes ». Un récent chassé-croisé des sondages sur les intentions de vote au premier tour a contesté sa position dominante au premier tour. Doit-il, selon vous, changer sa stratégie de campagne ?

Christian de Villeneuve : Le  sondage IFOP donnant Nicolas Sarkozy en tête au premier tour de l'élection présidentielle est une chance pour François Hollande. Elle lui offre l'opportunité de remettre en cause sa stratégie et de relancer une campagne sans relief : à l'exception d'un impôt à 75 % pour les revenus supérieurs à un million d'euros et la création de 60 000 postes dans l'Education nationale, aucune mesure du candidat socialiste n'imprègne vraiment les esprits. Résultat : un programme flou et un candidat sur la réserve, qui ne se livre pas vraiment. 

On a vu en Espagne, aux dernières élections législatives, que le nouveau Premier ministre avait réussi à se faire élire en s'exposant le moins possible, en présentant le moins d'aspérités possible. Il avait considéré que le bilan des socialistes espagnols était si catastrophique qu'il suffisait simplement de se présenter contre eux pour être élu. Cette stratégie s'est révélée gagnante.

On peut penser que François Hollande et son équipe se sont largement inspirés de cette victoire, pariant sur le bilan controversé de Nicolas Sarkozy et sur le profond désamour des Français à l'égard du candidat sortant.

Audrey Pulvar : J’espérais que l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy ait le mérite d’obliger François Hollande à se montrer plus offensif, cela n’a pas été forcément le cas. J’espère maintenant que la montée de Nicolas Sarkozy aura l’avantage de faire sortir le candidat socialiste de cette gestion à la petite semaine de son avance supposée pour aller vers une vraie bagarre politique où l’on aurait l’impression qu’il donne tout ce qu’il a. C’est important car en face, Nicolas Sarkozy, lui, est à 200%.

Nicolas Sarkozy a réussi sa campagne de 2007 sur le thème de la « droite décomplexée », j’aimerais qu’en France on ait une « gauche décomplexée ». Il existe une nécessité forte pour une offre différente et clairement identifiée à gauche. Il y a encore des gens qui estiment que François Hollande fait une campagne de centre gauche.

François Hollande doit faire des propositions aussi fortes que celle des 75%. Même si avec les socialistes, le pire est toujours possible puisque Laurent Fabius a expliqué ce mercredi que cette mesure ne serait « pas nécessairement destiné à être permanente »…

L’émission de ce jeudi soir est donc importante. Le bon mot de Martine Aubry qui l’avait qualifié de « gauche molle » lui a clairement fait du tort. Deux images lui collent à la peau : cette image de représentant de la gauche molle et l’accord avec EELV où nous avons aussi eu l’impression qu’il n’avait pas décidé de grand-chose. Ce sont les deux sparadraps du capitaine Hollande. Il faut qu’il trouve ce jeudi soir le moyen de démontrer aux Français qu’il n’est pas un homme d’indécision, une girouette qui donne toujours raison au dernier qui a parlé.

Franz-Olivier Giesbert : Le sondage qui met Nicolas Sarkozy devant en termes d’intention de vote au premier tour n’est pas confirmé et tant qu’il n’est pas confirmé, le candidat PS ne va pas bouger. On voit bien que jusqu’à présent François Hollande mène la stratégie du grand favori, et quand on mène ce type de stratégie on ne prend aucun risque.

Quand vous êtes dans cette situation et que vous acceptez de prendre des risques, vous êtes en danger. François Hollande devrait donc continuer à ponctuer la campagne, de temps en temps, comme il l’a fait avec sa proposition sur la tranche d’imposition à75%. Mai je ne vois pas son intérêt à changer de stratégie aujourd’hui. Même si je pense qu’il y a un vrai rebond de Nicolas Sarkozy, il n’est pas suffisant pour inquiéter François Hollande.

Guillaume Roquette : La campagne présidentielle est entrée dans une nouvelle phase. François Hollande a présenté un programme cohérent comportant 60 propositions, qui pourraient être déclinées et mises en musique au fil de la campagne, mais la partition générale était déjà écrite. Désormais, il est évident que cela ne suffit plus… Son programme date déjà du 26 janvier. Face à un candidat comme Nicolas Sarkozy qui n’a pas donné de programme, qui se contente d’annoncer des mesures « choc » les unes après les autres, et qui jouit d’un meilleur écho médiatique, François Hollande va devoir mettre les bouchées doubles. Même s’il est très haut dans les sondages, il doit encore faire ses preuves pour obtenir les 20% nécessaires pour gagner au second tour. Il lui faut donc composer avec les grands réservoirs électoraux, et notamment les voix centristes de François Bayrou. Cela sera difficile. Il a un accord politique traditionnel avec son front de gauche et l’aile écologiste, et ne peut donc pas en conséquence transgresser la formulation initiale de ses propositions.

Christian de Villeneuve : L’issue de la présidentielle devrait être très serrée entre les deux candidats. Rien n’est  joué. Les socialistes  français doivent donc s'interroger si ce qui a été vrai de l'autre côté des Pyrénées, en Espagne, l'est aujourd'hui en France. N'ont-ils pas sous-estimé la particularité d'une élection présidentielle qui est une rencontre entre un homme et ses électeurs ? On devrait avoir une réponse très rapidement : soit François Hollande s’ouvre, se dévoile, se découvre, prend des initiatives et alors il a une chance de trouver les Français et de provoquer un nouvel élan, soit il continue cette stratégie de l'évitement et il prend le risque d'être élu par défaut ou... de décrocher dans les prochains sondages.

Michèle Cotta : Jusqu’à présent, le candidat PS avait tout à fait raison de ne pas presser le mouvement mais désormais, une petite relance me semble nécessaire. C’est déjà la fin de la campagne. On sait parfaitement qu’à ce moment-là, il faut une accélération. D’autant plus qu’à partir de la semaine prochaine commence la campagne électorale officielle avec l’égalité de temps de parole à la télévision. De fait, on parlera alors moins de politique. Par conséquent, dans l’émission "Des Paroles et des Actes" de ce jeudi soir, il va devoir sortir de sa réserve vis-à-vis de Nicolas Sarkozy et devenir beaucoup plus « agressif ».

« Surfer » seulement sur l’« antisarkozysme » peut-il suffire à François Hollande ?

Audrey Pulvar : Je ne crois pas que l’ « antisarkozysme » ou l’ « antihollandisme » soit un programme en soi. François Hollande devrait durcir le ton dans son programme, dans ses idées, mais pas forcément à l’égard de Nicolas Sarkozy. L’opposition pour l’opposition n’est pas une stratégie efficace. Ce n’est pas son rôle, c’est le rôle des gens qui l’entourent.

Franz-Olivier Giesbert : Je ne suis pas certain que François Hollande joue seulement sur cela. Il offre un visage de consensus. Sa campagne n’est pas uniquement sur l’ « antisarkozysme », de ce point de vue il a mis du chiraquisme dans son mitterrandisme.

Guillaume Roquette : D’après l’assurance prise par Nicolas Sarkozy dans sa campagne et l’écho qu’il rencontre chez les électeurs de droite, surfer sur l’« antisarkozysme » ne saurait suffire pour François Hollande. Le candidat socialiste va devoir se dévoiler, affiner ses propositions… Si Nicolas Sarkozy ne faisait que de la politique de droite, François Hollande pourrait s’en contenter, mais ce n’est pas le cas. L’exemple type est celui de la taxation des exilés fiscaux, une mesure de gauche, propre à Jean-Luc Mélenchon. 

Michèle Cotta : L’ « antisarkozysme » ne suffit pas. François Hollande ne s’en contente pas d’ailleurs. On oublie qu’il a fait un certain nombre de propositions très intéressantes. Sur l’Education nationale, par exemple. Nicolas Sarkozy ne cesse de répéter que François Hollande est dans le flou. Pourtant, il est beaucoup moins dans le flou que le candidat UMP qui multiplie les grands-écarts entre la droite et la gauche.

François Hollande a-t-il appris des erreurs de ses prédécesseurs socialistes lors des élections présidentielles de 2002 et 2007 ?

Guillaume Roquette : L’échec de Ségolène Royal en 2007 n’est pas un échec programmatique, mais de personnalité. Les électeurs de gauche ont douté de sa personnalité, de sa capacité a endossé le costume présidentiel. N’oublions pas que l’élection présidentielle est toujours un choix de personne. En cela, François Hollande passe le handicap. 

Audrey Pulvar : En 2007, le parti socialiste avait tourné le dos à Ségolène Royal. Les socialistes avaient fait preuve d’une grande irresponsabilité en ne portant pas sa candidature. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Même si les antagonismes sont toujours intacts, les figures du parti font au moins semblant. Cependant, même si la synthèse a toujours été la spécialité de François Hollande, il faut maintenant qu’il assume l’avance qu’il a eue lors des primaires et qu’il affirme sa personnalité sur cette campagne.

Franz-Olivier Giesbert : François Hollande fait beaucoup d’efforts avec le parti, il fait très attention à cela. Ségolène Royal avait d’emblée décidé qu’elle ferait la campagne seule. Lui essaye d’entraîner du monde avec lui, il veut faire attention à tout le monde. C’est un profil très mitterrandien qui se présentait toujours comme l’homme de la synthèse entre la gauche et la droite du parti. Il a également dû tirer les leçons de Lionel Jospin car à l’époque il était absolument traumatisé. C’est le problème avec les socialistes, ils ne sont pas sûrs d’eux. Pour cette présidentielle, c’est différent. 

Guillaume Roquette : Jean-Pierre Chevènement s’est rallié à la candidature de François Hollande : c’est un changement de cap par rapport à 2002. A l’époque, la dispersion des voix à gauche au premier tour avait directement nuit à Lionel Jospin. Les électeurs de gauche ont donc tiré les leçons de 2002, d’où le haut niveau d’intentions de vote pour François Hollande au premier tour, et les faibles scores d’Eva Joly. Le cas de Jean-Luc Mélenchon est intéressant d’un point de vue de la conscience politique d’une gauche plurielle rassemblée. Il appelle d’ailleurs à voter François Hollande au second tour, ces 10% d’intentions ne menacent donc pas directement le candidat socialiste. Et dans tous les cas, l’avance de François Hollande est telle, que le candidat du Front de gauche n’est pas en mesure de compromettre la qualification du candidat socialiste pour le second tour.

Michèle Cotta : Ségolène Royal avait manifestement un charisme que François Hollande n’a pas. Elle déclenchait de la ferveur. Est-ce que cela s’acquiert, est-ce que François Hollande peut encore s’améliorer ? Je ne crois pas. Cela peut finir par se retourner contre lui : s’il perd, c’est qu’il n’aura pas réussi à amorcer cette ferveur ; s’il gagne, c’est qu’il y est parvenu.

En ce qui concerne la stratégie menée par François Hollande, si l’on doit la comparer avec celle de Ségolène Royal, on peut dire qu’il réussit à garder le Parti socialiste de son côté. On peut lui reprocher cette volonté de faire consensus. Mais c’est le 6 mai que nous verrons si cette stratégie s’est avérée payante. Surtout, François Hollande a parfaitement compris la leçon de l’échec de Lionel Jospin en 2002 : il se concentre sur le premier tour et ne vise pour l’instant pas le second.

Propos recueillis par Aymeric Goetschy, Franck Michel et Jean-Benoît Raynaud

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