Forum de Davos : face à la menace Trump, la Chine se déplace pour la première fois au grand rendez-vous économique jusque-là chasse gardée de l’Amérique <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Forum de Davos : face à la menace Trump, la Chine se déplace pour la première fois au grand rendez-vous économique jusque-là chasse gardée de l’Amérique
©Reuters

Dada à Davos

La vraie star du forum de Davos cette année, contrairement aux idées reçues, ne sera pas Donald Trump mais bien Xi Jinping. Le président de la République populaire de Chine participera pour la première fois à ce rassemblement bien capitaliste et focalisera l'attention.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

À Davos cette année, tout le monde pensera bien sûr à Donald Trump, si proche de son intronisation le 20 janvier. Et tout le monde écoutera avec la plus grande attention ce que va dire le président chinois, Xi Jinping. Il vient en effet pour la première fois à cette manifestation typiquement capitaliste, et parlera à l’ouverture du Forum.

On s'en doute, le choix de la diplomatie chinoise de participer à Davos ne doit rien au hasard. Et le thème que va traiter le président chinois n’est pas lié au hasard non plus, puisque Davos va s’occuper du « leadership réactif et responsable ». Le Président chinois ne sera pas seul, puisque plusieurs réunions vont parler de la Chine et que nombre d’importants entrepreneurs chinois seront présents (Jack Ma, Alibaba notamment, qui a rencontré Donald Trump et lui a promis – c’est la coutume avec lui - des emplois).

Le thème « leadership réactif et responsable » est bien dans l’esprit de Davos. Il s'agit d'être réactif, bien sûr, mais sans jamais oublier d'être responsable, autrement dit d’inscrire autant que possible ses choix dans une vision à long terme. Il s’agit donc de pratiques et de codes de bonne conduite, parfois de règles, pour obtenir autant que possible une croissance mondiale harmonieuse, écologique et inclusive – bref durable. C’est bien pourquoi Davos est toujours inquiet des ruptures technologiques bien sûr, mais aussi et surtout démographiques, sociales et politiques. Les responsables y préfèrent la solution lente et coopérative des problèmes, et n’ont donc vu venir ni le Brexit, ni Donald Trump – au contraire même.

C’est bien pourquoi aussi la position de la Chine est aujourd’hui décisive, non seulement parce qu’elle est en train de changer en termes économiques, mais aussi géostratégiques. En termes économiques, après des années de croissance par l'exportation qui ont permis son émergence (merci l’OMC !), elle veut réorienter sa production vers la satisfaction de la demande interne. Ayant moins besoin de croissance externe, entre autres parce que l’économie mondiale ralentit, elle attend qu'on lui reconnaisse le statut d' « économie de marché ». 15 ans après être entrée à l'OMC avec le statut d’ « économie en transition » (autrement dit de « non économie de marché »). C’était la condition pour être admise : elle a donc accepté le risque que les autres membres puissent l’accuser de dumping. On l’a vu pour l’acier.

Mais ce statut d’ « économie en transition », accordé pour une durée de 15 ans, s’est arrêté le… 11 décembre 2016. La Chine attend donc que l'OMC reconnaisse son statut d'économie de marché, de même pour l’Union européenne. Ceci va évidemment poser des problèmes de redéfinition du dumping, sachant que la Chine a rempli ses promesses d'alors, s'engage à s'ouvrir davantage et veut procéder à plus de réformes économiques. Le dossier est donc plus encore politique qu’économique. D’où le voyage à Davos.

Quand on pense, en même temps, que le futur président Trump a décidé d'axer sa politique contre « le dumping économique chinois », plus contre « la manipulation du Yuan », plus contre la présence de la Chine dans des îlots qu’elle vient d’équiper, tous les Davossiens vont écouter le président chinois. Il s’agit de savoir, pour lui, ce qu’il en est d’être « réactif » et d’être « responsable », à la fois.

La Chine a une stratégie à très long terme, comme on l’a vu avec sa longue politique de croissance par l’extérieur. Aujourd’hui, elle ne veut plus être politiquement et militairement low profile. Elle entend d’abord sécuriser « sa » région, ce qui implique que la mer de Chine sera la source de tensions avec les Etats-Unis et le Japon (au moins). Elle entend ensuite piloter les pays émergents, notamment à partir des BRICS. N’oublions pas, dans ce domaine, la politique d'alliance de la Chine avec l'Afrique, notamment pour disposer de matières premières et de terres agricoles. Dans ces domaines, on sait que la Chine est critiquée comme pratiquant l’accaparement des terres et menant des politiques non écologiques, notamment en matière de terres rares, indispensables pour trouver les métaux de la nouvelle économie. Mais elle entend aider à construire des voies ferrées qui traversent le continent africain et vient de signer la Cop 21. Que du hasard !  Elle veut en même temps développer des réseaux de transport par train et par mer, depuis la Chine pour arriver en Allemagne.

On comprend que toute la question chinoise sera de présenter cette stratégie en montrant qu'elle suit désormais des objectifs de croissance durable, respectueuse de l’environnement et pacifique. Par la voix de son Président, la Chine dira qu'elle sera réactive, mais avec discernement. Ce ne sera pas forcément la réponse du tac au tac (du tweet au tac !), parce qu'elle a plusieurs façons de répondre et de réagir, preuves de sa patience.

La Chine à Davos, c’est la Chine qui veut, en plus, réduire le risque Trump, histoire qu’on lui permette de continuer et qu’on ne lui parle plus du reste. Merci Davos !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !