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Flambée de violence entre Palestiniens et Israéliens : qui croit encore à la paix de part et d’autre ?
©Thomas COEX / AFP

Le drame continue

La cinquantaine de morts palestiniens le 15 mai suite à une manifestation à la frontière de Gaza pourrait être perçu comme le symbole du délitement du processus de paix en Israël. Les choses sont cependant plus complexes.

Hagay Sobol

Hagay Sobol

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée, il est vice-président du Think tank Le Mouvement. Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d'Abraham ».

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Atlantico : Face à la nouvelle flambée de violence à la frontière israélienne le jour même où les Etats-Unis inauguraient en grande pompe leur ambassade à Jérusalem, faut-il s’inquiéter de la permanence de l’opposition de deux lignes dures, celle du Hamas et celle du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu ?

Hagay Sobol : Il faut bien comprendre que le Hamas n'est absolument pas un interlocuteur ni pour Israël ni pour l'Autorité Palestinienne. Ils sont même opposé à ces dernier et Mahmoud Abbas, leur ont pris Gaza par la force. Il y a même eu récemment un attentat contre un ministre palestinien organisé par Gaza. Le Hamas cherche juste à prendre le pouvoir quel que soit le moyen. Ensuite on ne peut pas parler du Hamas sans omettre qu'aujourd'hui, il n'est pas financé par l'Iran. En pensant déstabiliser la frontière sud, l'Iran pensait qu'elle pourrait faire ce qu'elle veut en Syrie.

Ensuite les Palestiniens, d'une manière très générale, que ce soit le Hamas ou Mahmoud Abbas ont bien compris que la cause palestinienne était au second plan des agendas. Après avoir été instrumentalisés pendant des années, ils se disent aujourd'hui que leur premier ennemi est l'Iran et qu’Israël apparaît sur ce point comme un bon allié dans cette lutte. On l'a vu très récemment : quand Trump est sorti de l'accord, il a été félicité par tous les voisins sunnites. Au passage, comment pouvait-on penser que cet accord pouvait perdurer alors qu'on l'a fait en petit comité en excluant les voisins directs de l'Iran ? Et en leur demandant de se taire après ? C'est tout bonnement impossible. Cet accord a été fait avec des visées commerciales et dans la grande tradition post-coloniale des puissances telles que la Grande-Bretagne ou la France qui ont découpé cette région. Il ne faut pas oublier qu’Israël est plus ancien que bien des Etats de la région qui ont été créé récemment. Aujourd’hui, ce qu’on observe, c’est que la marche du million est un échec pour le Hamas. Les territoires de l’Autorité palestinienne se sont relativement peu mobilisés, même si c’était un peu plus le cas aujourd’hui. Bien sûr qu’il y a eu des morts et qu’il faut le regretter, mais on n’est pas du tout face à la marche du million qui disait être ce qui doit être. Ils n’ont pas réussi à attaquer Israël parce que leurs tunnels ne fonctionnent pas, que leurs missiles ne fonctionnent pas à cause des technologies israéliennes. Aujourd’hui il n’ont plus finalement que l’utilisation dérisoire de cerf-volants avec des cocktails molotovs. Ce qui montre bien qu’ils sont dans une situation complètement inextricable. Pire que cela, le seul canal qui permettait à Israël d’acheminer quantité de vivres et de marchandises pour alimenter Gaza a été détruit il y a dix jours par des groupes armés palestiniens. 

On sait que ce n’est ni une grande mobilisation, ni une manifestation pacifique. Les films de Tsahal le montre très bien, il y a des éléments armés qui étaient au milieu des populations civiles, ces dernières leur servant de bouclier humain. C’est ainsi qu’ils ont attaqué les barrières de sécurité. 

Enfin on sait qu’il va y avoir des réunions au niveau de la Ligue Arabe, mais cela ne débouchera pas sur des actes. Le Hamas a complètement perdu. Si on vraiment aider les Palestiniens, et on sait qu’il existe une relève, notamment le chef du service de renseignement palestinien, Majed Faraj, il faudrait s’appuyer sur cette nouvelle génération. Majed Faraj a discuté avec les Américains après la proclamation de Trump sur le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem. On voit bien qu’il y a des éléments pragmatiques qui ont bien compris qu’il ne servait à rien aujourd’hui de se radicaliser. 

Ensuite, je serai aussi assez critique vis-à-vis de Netanyahu, qui profite de la situation. Mais qui ne ferait pas la même chose ? En Israël, par ailleurs, les gens le savent. Ils savent qu’il y’a des zones qui ne pourront jamais être israéliennes, parce qu’elles sont occupées par une majorité de Palestiniens. Ce qu’ils attendent, c’est qu’il y ait un interlocuteur raisonnable en face. Si c’est Faraj par exemple, ils pourront négocier avec lui, tout en étant certain d’obtenir une certaine sécurité. Aujourd’hui, les seules personnes qui garantissent la sécurité de Mahmoud Abbas sont les Israéliens. Si les Israéliens se retiraient, Abbas perdrait d’un coup le pouvoir. Et il est vrai qu’Israël n’a pas intérêt à détruire complètement le Hamas, parce qu’ils ne veulent pas aboutir à un scénario à l’irakienne où on peut se demander qui prendrait la suite. On imagine mal que les Palestiniens les plus modérés prennent le pouvoir à Gaza après avoir été libéré par les Israéliens, ce serait inimaginable. 

La paix pourra-t-elle se faire avec Benjamin Netanyahu à la tête d’Israël ?

Je pense qu’il ne faut pas lier le processus de paix à la présence ou non de Netanyahu à la tête d’Israël. Aujourd’hui, ce que l'on observe, c’est qu’il y a plein d’accords qui sont signés que ce soit sur la coopération sur l’eau ou sur des questions économiques. La réalité, c’est qu’en dehors de l’idéologie, cela fonctionne bien. Les échanges sont réels. Le premier marché économique d’Israël, c’est l’Autorité palestinienne. Pareil pour les Palestiniens. Evidemment il y a les problèmes idéologiques. Après avoir, pendant des dizaines d’années, considéré Israël comme un ennemi, après l’avoir enseigné dans les manuels dès l’école, on ne peut pas du jour au lendemain dire que ça y est, tout va bien ! Pareil pour l’Egypte, l’Arabie Saoudite. On est dans une situation ou demain tout peut s’améliorer. Si Mahmoud Abbas arrive à permettre une succession, ce sera différent. Il est aussi bon de rappeler que si  il y a eu nombre de morts en Israël, on n’est pas face à des conflits de haute intensité. Le conflit syrien a fait infiniment plus de morts et de déplacés que le conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, on ne résout certes pas les problèmes, mais de fait on avance ensemble. Et c’est peut-être bientôt que l’économie prendra pleinement le pas sur le reste. Et pour cela on a besoin d’hommes pragmatiques. Et ce pas uniquement à l’échelle locale, mais aussi régionale, parce qued'autres grandes puissances sont impliquées dans ce conflit. 

Il ne faut pas oublier que les guerres actuelles sont avant tout des guerres de débouchés pétroliers. L’Iran n’a pas de portes sur la Méditerranée. C’est pour cela qu’elle avait besoin de l’Irak, de la Syrie, cela explique l’autoroute chiite. Evidemment il y a une question de prosélytisme. Les chiites, qui sont minoritaires, son extrêmement prosélytes. Aujourd’hui, en France, on ne subit que l’islamisme sunnite, mais demain cela pourra être l’islamisme chiite. 

Il ne faut pas penser qu’il ne s’agisse uniquement de l’affrontement de deux peuples, ce n’est pas vrai. Cela a toujours été un conflit de grandes puissances derrière, un conflit économique. Si les Israéliens et les Palestiniens se débrouillaient tous seuls, je suis certain qu’au contraire ils trouveraient une solution. 

Existe-t-il une alternative crédible au dirigeant actuel au sein de l’opposition ou du monde politique israélien ?

Le problème est lié au mode de scrutin, qui est proportionnel, et qui fait que personne ne peut avoir la majorité seul. Netanyahu est très habile pour cela, il se maintient au pouvoir depuis longtemps, mais il manque de vision. C'est un excellent politicien, ce que ne sont pas ces adversaires du Likoud ou de l’opposition. Trump disait à raison qu’il est un très bon négociateur. C’est un homme politique qui n’a clairement pas la stature des premiers dirigeants d’Israël, c’est certain et ceux qui ont voulu l’atteindre ont été extrêmement malhabiles. Ils l’ont attaqué sur des affaires où il n’y avait pas assez de preuves pour l’incriminer et cela l'a, in fine, renforcé. Et même d’autres opposants à Netanyahu l'ont défendu considérant qu’on allait trop loin. En face le parti travailliste est trop divisé et n’a pas de programme. Le centre fait partie de la coalition et tant qu’il y aura un Netanyahu capable d’offrir plus à sa coalition que ceux qui sont en dehors, il restera au pouvoir, c’est le jeu de la démocratie. 

Qu’en est-il du côté de l’Autorité palestinienne ?

Le problème aujourd’hui est la succession de Mahmoud Abbas, qui a 83 ans, qui n’a plus de légitimité parce qu’il a été élu il y a fort longtemps, qu’il n’y a pas eu de renouvellement et qui a tout fait pour supprimer tout ce qui pourrait être une opposition. A commencer par l’ancien Premier ministre palestinien. Salam Fayyad, qui avait fait un travail exceptionnel en dotant l’Autorité palestinienne de véritables institutions. A partir du moment où ce dernier a dit que les fonds qui viennent du monde entier vont être rendus transparents, il s’est fait éjecter par les caciques du partis. Ces derniers ne veulent pas de transparence. Ils protègent l’argent qui va aujourd’hui dans leurs poches. Si on faisait des élections à Gaza, c’est le Fatah qui l’emporterait, si on faisait des élections en Cisjordanie, on pourrait avoir un mouvement considérant qu’il faut « tout sauf les bureaucrates du Fatah ». Aujourd’hui, il ne peut y avoir qu’un homme de l’ombre qui peut émerger. Les autres n’ont plus de légitimité.

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