Fitch et stade de France : la gifle politique n'est pas venue de là où on l'attendait<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron dans les tribunes du Stade de France lors de la finale de la Coupe de France dans la soirée du samedi 29 avril 2023.
Emmanuel Macron dans les tribunes du Stade de France lors de la finale de la Coupe de France dans la soirée du samedi 29 avril 2023.
© FRANCK FIFE / AFP

Carton rouge

Lors de la finale de la Coupe de France remportée par Toulouse face à Nantes, les syndicats souhaitaient profiter de la présence d'Emmanuel Macron dans le stade pour exprimer leur contestation. Hormis des sifflets à la 49e minute de jeu, le football est finalement resté au cœur de l’attention. En revanche, l’agence de notation Fitch a abaissé vendredi d’un cran la note de la France à « AA- », invoquant les tensions sociales récentes liées à la réforme des retraites qui pèseront sur la capacité à réduire le déficit et la dette.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Les dernières interdictions - des casseroles lors des déplacements du chef de l'État aux cartons rouges hier au Stade de France - sont-elles une atteinte flagrante aux libertés ? Que veut dire cette série d’interdictions à l’aune de la crise que nous traversons ?

Maxime Tandonnet : Disons que ces phénomènes sont sans précédent. La finale de la coupe de France est habituellement un événement convivial auquel les présidents de la République ont toujours assisté. On peut parler d’une tradition républicaine. Même sous la IIIe République, déjà, les chefs de l’Etat se montraient à cette occasion. Le climat de tension qui a dominé la préparation de cette finale 2023 est évidemment symptomatique d’un grand malaise. De fait, il ne s’est pas passé grand-chose lors de cette finale. Les sifflés et les huées attendus ne se sont pas produits. Sans doute parce que l’immense majorité du public était constituée de supporter des deux équipes. Pour autant, ce qui est symptomatique, c’est la crainte qui entourait cette manifestation et le niveau impressionnant des mesures prises. Que voit-on finalement : un dispositif policier considérable et un président qui n’est pas descendu sur la pelouse saluer les joueurs, par crainte des quolibets. Tout cela n’est pas très bon signe et donne la mesure de la hantise de l’image et du paraître qui domine les préoccupations du pouvoir macronien. 

Le pouvoir en place est-il contraint d'aller dans le sens d’une restriction des libertés pour les quatre années suivantes ? 

C’est hélas très probable. Au-delà du non-événement que fut cette finale sur le plan politique la situation devient difficilement gérable pour un président et ses ministres qui ne peuvent plus sortir au contact du pays sans être conspués sinon agressés par la foule. L’impopularité ou la défiance, s’est transformée en phénomène de haine populaire. Là aussi, c’est nouveau. Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont été très impopulaire en certaines périodes. Mais le pouvoir n’a semble-t-il jamais fait l’objet d’un tel rejet viscéral. Au-delà de la réforme des retraites et des 64 ans, le pouvoir macronien semble incarner la fracture démocratique, une coterie hors-sol et désincarnée, qui n’est plus au service du peuple mais s’est enfermée dans une logique d’arrogance et de mépris. Dès lors, le risque est de voir une banalisation des restrictions aux libertés publiques en réponse à cette colère viscérale et durablement installée dans le paysage politique. Il faut dire que depuis les mesures liberticides des confinements, couvre-feu, et dirigées contre les « non-vaccinées » le pouvoir politique a pris conscience desa capacité à manier la contrainte, malheureusement pas face à la délinquance et la criminalité, mais contre la France populaire… 

Après la dégradation de la note de la France par l’agence de notation Fitch à « AA- », le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a regretté l'« appréciation pessimiste » de Fitch, estimant que l'agence de notation « sous-évalue les conséquences des réformes », notamment celles des retraites. Cela sonne-t-il comme un échec pour le gouvernement alors même que cette réforme avait été faite pour rassurer les marchés ?

Cette dégradation est un mauvais coup supplémentaire pour l’image du pouvoir politique actuel. Le président Macron et son gouvernement se présentent en réformateurs et prétendent, depuis 2917, « transformer » la France pour la rendre plus compétitive. Ils justifient la brutalité de leur politique (à l’image de la réforme des retraites) et leur extrême impopularité par la nécessité de moderniser l’économie française. La dégradation de la notation de l’agence Fitch révèle ce que tout le monde pressentait plus ou moins. L’image du transformateur procède bien davantage de l’esbroufe que de la réalité. Elle contribue fortement à écorner le mythe macroniste de la « transformation de la France ». Elle met en lumière son bilan désastreux en matière de comptes publics et d’endettement de la France. Dès lors, c’est l’alibi modernisateur du macronisme qui est fortement atteint… Elle souligne aussi l’évidence d’une réforme des retraites (les 64 ans) parfaitement inutile (compte tenu de la règle des 43 annuités). Pour un pouvoir politique aussi obsédé par le paraître, cette notation est particulièrement embarrassante.

Comment Emmanuel Macron peut-il sortir de cette spirale négative ?

L’expérience montre qu’il est très difficile de redresser une image présidentielle fortement dégradée. Les coups de communication du macronisme, à l’image du Grand Débat qui suivit la crise des Gilets Jaunes ou de l’annonce du « Monde d’après » qui fit suite au confinement paraissent largement éventés.Qui peut encore y croire en dehors des plus fidèles courtisans ? Il faut même noter que certains inconditionnels paraissent prendre leur distance à l’image de M. Bayrou qui condamne le manque d’explication de la réforme des retraites. Les velléités d’alliance avec le macronisme dont la droite a fait preuve pendant la réforme des retraites semblent aussi avoir fait long feu. Après la séquence des ronds de jambe, LR saisit toute occasion pour faire oublier sa complicité avec la majorité présidentielle sur les 64 ans. Pour en sortir, il faudrait une rupture démocratique fondamentale montrant que le macronisme est autre chose qu’un grand spectacle tourné vers la sublimation d’un individu et ses courtisans au détriment de la Nation. Il faudrait que le chef de l’Etat montre sa capacité à prendre des risques y compris en sollicitant le suffrage universel par un référendum engageant la poursuite de son mandat ou des législatives anticipées. Mais si le président soigne son image de transformateur de la France, l’expérience montre que son caractère ne le pousse pas à prendre des décisions fortes ou effectuer des choix audacieux.

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