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Fin du Plan Hiver : 
l'angélisme n'a jamais sauvé les SDF
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Cette bonne vieille rengaine

Ce jeudi a marqué la fin du Plan Hiver qui avait déployé d'énormes moyens afin de mettre à l'abri les sans-abris pendant la saison froide. Les associations sont toutefois montées au créneau pour dénoncer un manque de moyens. Mais ces carences sont-elles avérées ?

Julien Damon

Julien Damon

Julien Damon est professeur associé à Sciences Po, enseignant à HEC et chroniqueur au Échos

Fondateur de la société de conseil Eclairs, il a publié, récemment, Les familles recomposées (PUF, 2012), Intérêt Général : que peut l’entreprise ? (Les Belles Lettres),  Les classes moyennes (PUF, 2013)

Il a aussi publié en 2010 Eliminer la pauvreté (PUF).

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Atlantico : Ce jeudi, le « Plan Hiver » qui a déployé des moyens exceptionnels afin de pouvoir protéger les SDF des températures polaires s’est achevé. Les associations sont montées au créneau pour pointer du doigt le manque de place en centre d’hébergement, mais le maintien de 10 000 places est-il réellement possible ?

Julien Damon : La première remarque qu’il faut absolument faire c’est que tous les ans et ce depuis trente ans, on revient sur ce sujet. Tous les ans, les associations nous font le coup, elles veulent pouvoir garder les places débloquées exceptionnellement pendant l’hiver pour mettre à l’abri les gens. Ce qui fait qu’aujourd’hui la France est le pays d’Europe qui dispose du plus grand nombre de places en centre d’hébergement. Malgré cela, la rhétorique selon laquelle on en ferait jamais assez persiste.

En réalité, on met toujours plus d’argent et de moyens dans un système dont on ne voit absolument pas la performance. Depuis tout ce temps, avec tous ces plans hivernaux qui s’étendent, personnes n’est capable de dire combien de gens sont concernées et combien de places ont été ouvertes. Le système reste fondamental et utile mais il fonctionne en France dans un souk embarrassant.

Dans ce cas, sur quelle base s’appuient les associations pour demander plus de places ?

On ne sait pas grand chose précisément. On ne connaît pas les places dans lesquelles les gens se trouvent actuellement, plus globalement on ne sait pas combien de personnes sont concernées, qu’elles soient à la rue ou dans les centres,  combien de ménages sont placés dans les différents centre depuis la fin de cet hiver. Le système d’information n’existe pas. La réalisation d’objectifs de réduction du phénomène nécessite tout de même des informations fiables et stables.

Cela fait des années que nombres d’experts et d’observateurs le réclament mais rien n’avance. On est dans une intense bureaucratie qui depuis les premiers « Plan hiver » mis en place en 1983/1984, ne fait que s’intensifier de manière quasiment surréaliste.

Aujourd’hui il existe plus d’une centaine de milliers de places d’hébergement. Dans ces places, il y a des CHRS (Centres d’hébergement et de réinsertion sociale) et d’autres types de résidences d’accueil qui sont ouverts toute l’année. D’autres en revanche ne fonctionnent que pendant la campagne hivernale qui chaque année sont ensuite en partie transformées en instances censées accueillir des gens toute l’année. Il y a donc un effet boule de neige, de cavalcade où on passe du temps à augmenter le nombre de places dans les centres d’accueil.

A qui attribuer la responsabilité d’une telle désorganisation ? Aux associations qui connaissent le terrain mais qui n’établissent pas de comptabilité ou au gouvernement qui devrait prendre cela en main ?

Les pouvoirs publics en France sont ceux qui mettent le plus de moyens, le plus d’équipements de service à disposition sur ce dossier. Ils passent par le secteur associatif en lui déléguant la gestion de la plupart des services et des équipements. C’est un service particulier. Il a dans une main une sorte de cocktail molotof qui permet de demander plus d’argent et de places et de l’autre une sébille pour récupérer des subventions publiques. Ainsi ils fustigent à chaque fois un peu plus leurs financeurs.

Un rapport a été rendu par la Cour des Comptes à destination de la Commission de l’Evaluation des politiques publiques de l’Assemblée Nationale qui précisait que de son point de vue il manquait des places. Mais là encore aucune précision. Mon avis, c’est qu’on est dans un jeu politique permanent entre les associations et l’Etat pour en faire toujours plus et éviter une réforme structurelle importante. La solution selon moi serait de décentraliser ce système. Les collectivités territoriales à l’aide des moyens distribués par l’Etat devraient organiser la prise en charge des sans-abri.

Car en l’état, c’est un système complètement absurde. Tous les cinq ans je récapitule les nouvelles inventions à l’échelle des départements pour coordonner la prise en charge des gens dans le besoin et on aboutit à un imbroglio d’une bureaucratie et d’une complexité incroyables. La nouvelle trouvaille étant de créer des SIAO (Systèmes intégrés d’accueil et d’orientation) qui ne produit pas non plus les effets escomptés. Résultat, la nature des débats reste la même.

Le Plan Hiver est-il dans ce cas réellement utile ?

Le Plan Hiver en lui-même se légitime mais il manque d’un commandement unique. Il faut que l’Etat puisse dire qu’en raison de son investissement il est en droit de dire qui fait quoi. Et pour ce faire il a besoin de savoir exactement combien de personnes ont besoin d’un hébergement, combien de personnes sont passées par ces centres d’accueil. Dans les grandes villes, ces données ne sont pas compliquées à récupérer. Mais à ce sujet, on mélange de la compassion, de l’angélisme aux insultes politiques et on n’avance pas.

Les associations peuvent-elles réellement tenir une telle comptabilité ?

Oui, elles le peuvent. Les différents opérateurs, associatifs et municipaux doivent et peuvent faire remonter les chiffres. Et ce n’est que justice, ils sont payés par les pouvoirs publics pour cela. Et le gouvernement devrait donner un coup de poing sur la table au lieu de copiner avec ses associations et leurs accorder plus de moyens en aboutissant à, globalement, de l’inefficacité, de l’inflation budgétaire et de l’insatisfaction de tous..

Propos recueillis par Priscilla Romain

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