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Fête des grands-mères : quel impact sur les autres générations quand votre mamie gâteau se prend pour une jeunette (ou pour Madonna...) ?
©Reuters

GMILFS

Ce dimanche 6 mars 2016 a lieu la fête des grands-mères, née 1987 à l'initiative d'une célèbre marque de café. Mais le jeunisme de notre société pousse de nombreuses seniors à se prendre pour des jeunes filles.

Sophie  Bramly

Sophie Bramly

Sophie Bramly a été photographe et est maintenant productrice de télévision. Elle est aussi créatrice du site secondsexe.com, un portail dédié au plaisir au féminin. Elle a publié avec le Professeur François Olivennes Tout ce que les femmes ont toujours voulu savoir sur le sexe et enfin osé le demander.

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Atlantico : Dans une société qui érige le jeunisme en vertu, de plus en plus de personnes âgées – et de grands-mères – cherchent à se comporter comme des jeunes. Ce genre d'attitudes, cette façon de renverser les rôles traditionnels et de s'émanciper de son âge a-t-elle un impact sur les jeunes générations ? Comment vivent-elles ce genre de comportement de la part de leurs grands-parents ?

Sophie Bramly : Il y a un ensemble de facteurs qui font que la famille n’est plus celle d’autrefois. Les grands parents vivent généralement loin de leurs petits-enfants et ont donc cessé d’avoir cette fonction ancestrale d’aide aux parents. Ils sont plus nombreux à vivre dans des environnements urbains, sont en meilleure santé et subissent - comme les autres générations - les injonctions de jeunisme de notre société. Par ailleurs plus les états légifèrent sur la famille, plus ils destituent les familles de leur rôle, et la nature a horreur du vide.

La réaction des jeunes générations est à mon avis variable en fonction des uns et des autres, certains vont trouver abscons que des seniors se donnent des airs de juniors, et d’autres y verront un modèle positif et prometteur. Mais les jeunes eux-mêmes ne sont plus à leur place ; là où depuis l’aube de l’humanité parents et grands-parents les éduquent, on assiste aujourd’hui à un phénomène nouveau : c’est eux qui aident leurs parents à évoluer dans les univers technologiques. Au final, on passe d’une hiérarchie verticale à un modèle de plus en plus horizontal.

Au-delà du simple effet sur la perception des rôles traditionnels et des différents modèles familiaux ou d'âge, quel impact ce genre d'attitude peut avoir sur ceux qui les adoptent ? 

A mon avis, l’impact est positif. C’est un peu comme la méthode Coué : le senior qui se pense encore jeune s’autorise à mille activités physiques et intellectuelles. A se penser jeune et plein d’énergie, il va vivre un quotidien dynamique et enrichissant, qui va de facto impacter favorablement ses journées et l’aider à fabriquer un peu plus des hormones responsables de notre bien-être et de notre bonheur (ocytocyne, dopamine, sérotonine), on rentre dans un cercle vertueux ou plus une personne se sent bien, plus elle est bien. 

L’asymétrie est totale avec ceux qui au contraire se retrouvent désemparés au moment de la retraite, et peuvent trouver comme un refuge dans la maladie, qui d’une certaine façon occupe tout leur temps et accélèrent leur vieillissement, parce qu’il y a comme une résignation qui s'installe. 

Dans quelle mesure est-ce qu'une grand-mère qui se prend pour une jeunette ou pour Madonna n'est fondamentalement que le reflet du jeunisme et de l'individualisme prônés par nos sociétés ? Que dire de ce que cela traduit de nos interactions sociales aujourd'hui ?

Il a plusieurs points à prendre en compte.

Tout d’abord, depuis 500 ans, l’histoire de la société européenne est guidée par les progrès de la science, qui portent peut-être aussi une véritable révolution biologique. Si on prend l’exemple de la ménopause, pour le biologiste Jared Diamond, elle a été programmée par la sélection naturelle, au cours des derniers millions d’années, pour mettre prématurément un terme aux fonctions reproductrices des femmes.

L’un des effets positifs était que la grand-mère, ne mettant plus d’enfants au monde, pouvait aider la mère a assurer la survie du plus grand nombre possible de ses enfants. Or ont voit aujourd’hui des cas - pour l’instant encore rares - de femmes ménopausées qui sont assistées pour continuer à mettre au monde des enfants : aujourd’hui cela peut choquer car ce n’est pas "de nature". Mais il est malgré tout possible que la raison même pour laquelle la ménopause était indispensable à la survie de l’humanité étant en voie d’obsolescence, on assiste de plus en plus à la liberté de chacun de procréer à tout âge. Un homme ou une femme à l’âge de la retraite qui sont aussi de jeunes parents sont-ils tout à fait aussi seniors que d'autres ?

Un autre point est celui soulevé par l’historien Yuval Noah Harari dans son livre "Sapiens": la révolution sociale la plus capitale de l’humanité est "l’effondrement de la famille" atomisée ces deux derniers siècles par la révolution industrielle, qui a permis aux états et aux marchés de reprendre des fonctions traditionnelles de la famille. Sans cet état de hiérarchie dans la famille, chacun est libre de s’affranchir des règles et repères du passé pour un  individualisme dont le jeunisme est sans doute la conséquence. 

Une grand-mère en Madonna devient un signal rassurant quand à l’allongement de la durée de la vie. Elle montre aussi que les cloisonnements générationnels s’effondrent, ce qui aura certainement des effets bénéfiques dans les sphères professionnelles, comme dans les sphères sociales et intimes.

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