Faut-il encore avoir peur du Covid ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Une personne se fait tester pour le Covid-19.
Une personne se fait tester pour le Covid-19.
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

De la pandémie à l’endémie

Face à un important rebond du nombre de cas de Covid comme des passages aux urgences, le ministre de la Santé a rappelé l’importance de la vaccination et des rappels.

Yves Buisson

Yves Buisson

Le Professeur Yves Buisson est membre de l’Académie nationale de médecine. Yves Buisson a présidé la Société de pathologie exotique de 2015 à 2018. Il coordonne la Cellule de veille Covid-19 de l’Académie nationale de médecine depuis sa création en mars 2020.

Voir la bio »

La Covid-19 n’a pas disparu. Elle ne se présente plus sous le même aspect redoutable et meurtrier des premières années (2020 à 2022) car la phase pandémique est aujourd’hui terminée. C’est là une évolution naturelle ; toutes les pandémies qui ont marqué l’histoire de l’humanité se sont achevées au bout de 2 à 4 ans, le temps nécessaire pour que se développe dans les populations une immunité collective qui permette de limiter ou d’empêcher la circulation de l’agent pathogène. Cet agent est le plus souvent un virus, capable de s’adapter et de se maintenir par mutation ou par recombinaison génétique. Lorsque la période pandémique prend fin, il ne disparaît pas ; il continue de se propager sur un mode endémique parmi les individus les plus jeunes qui sont les tranches d’âge immunologiquement naïves. Certains mutants, qui parviennent à échapper aux réponses immunitaires développées contre les variants précédents, sont à l’origine de foyers épidémiques. L’exemple le plus emblématique est celui du virus de la grippe espagnole : après la phase de pandémie qui a causé près de 50 millions de morts dans le monde en 1918 et 1919, le virus A/N1N1 a continué de circuler sous une forme relativement bénigne comme principal agent de grippe saisonnière jusqu’en 1957, date à laquelle il a été supplanté et remplacé par un mutant A/H2N2 responsable d’une nouvelle pandémie, la grippe asiatique.

On observe une évolution comparable avec la Covid-19 : bien que la plupart de ces infections n’aient pas été confirmées au laboratoire, on estime que le SARS-CoV-2 a contaminé la très grande majorité des habitants de la planète et nombreux sont ceux qui ont été infectés plusieurs fois. Malgré une distribution inégale de la vaccination anti-Covid entre les pays du Nord et ceux du Sud, plus de 72% de la population mondiale ont reçu au moins une dose de vaccin. Il en résulte une immunité collective à la fois post-infectieuse et post-vaccinale dite "hybride", certes insuffisante pour empêcher la transmission du virus, mais qui reste toujours efficace pour prévenir les formes graves de l’infection, même avec les nouveaux variants. Ainsi, la majorité des 7 millions de décès par Covid-19 notifiés dans le monde a-t-elle été constatée au cours des deux premières années de la pandémie. Le taux de létalité a régulièrement diminué : initialement estimé à 2,3%, il est devenu inférieur à 0,1%.

À Lire Aussi

Le Covid (et pas les vaccins…) pourrait bien être responsable d’une surmortalité par problème cardiaque chez les adultes

Tout au long des trois années de pandémie, le SARS-CoV-2 a montré une aptitude surprenante à muter et à sélectionner des variants capables de supplanter et de remplacer le variant précédent par des capacités d’infectiosité et de contagiosité augmentées. C’est ainsi qu’après la souche Wuhan, sont successivement apparus les variants Alpha, Bêta, Gamma et Delta au cours de l’année 2020, puis Omicron au mois de novembre 2021. Très différent des variants précédents, beaucoup plus transmissible mais moins virulent, Omicron s’est imposé dans le monde entier, sa diffusion entraînant une reprise épidémique fulgurante. Depuis l’année 2022, les principaux variants d’intérêt sont issus du groupe Omicron. Leur diffusion peut s’accompagner d’une augmentation du taux d’incidence des cas de Covid-19 sans toutefois entraîner un afflux de formes sévères en milieu hospitalier. C’est ce que l’on observe actuellement en France avec la progression du sous-variant JN.1, dérivé de BA.2.86, lui-même sous-lignage du variant Omicron.

Est-ce à dire que, face à une population mondiale en grande partie immunisée, les nouveaux variants et sous-variants du SARS-CoV-2 ne présentent plus aucun danger ? On ne peut malheureusement pas afficher un tel optimisme, pour deux raisons principales :

- la première est que nul ne peut affirmer avec certitude que les mutations futures du coronavirus n’aboutiront pas à la sélection d’un nouveau variant, plus virulent et plus contagieux, qui échapperait totalement à notre immunité ;

- la seconde est que l’immunité collective dont nous bénéficions est fragile et de courte durée, tout particulièrement chez les personnes atteintes par l’immunosénescence en raison de leur âge et chez les patients immunodéprimés par leur maladie ou par leur traitement.

La baisse de la couverture vaccinale dans les groupes de population à haut risque de Covid grave est un facteur d’inquiétude pour l’avenir. Selon les données de Santé Publique France concernant la semaine 49, seulement 25,8% des personnes âgées de 65 ans et plus se sont fait vacciner dans le cadre de la campagne d’automne 2023, ce taux ne s’élevant qu’à 30,7% chez les personnes âgées de 80 ans et plus.  Sans jouer les Cassandre, on peut prévoir qu’il y aura encore des formes sévères de Covid-19, notamment parmi les personnes non vaccinées, nécessitant des hospitalisations et des admissions en soins intensifs, avec un taux de létalité toujours élevé.

Le même constat s’applique à la grippe saisonnière qui commence à franchir le seuil épidémique en France métropolitaine alors que les personnes les plus à risque de développer des complications graves ont un recours à la vaccination annuelle très insuffisant, encore plus faible que l’an dernier, malgré l’efficacité démontrée de cette vaccination dans la prévention des cas nécessitant une hospitalisation et des décès liés à la grippe.

La situation critique dans laquelle se trouve aujourd’hui notre système hospitalier nous impose d’éviter de nouvelles mises en tension face à ces risques épidémiques prévisibles. Il est urgent de restaurer une couverture vaccinale élevée contre la Covid-19 et contre la grippe chez les personnes âgées de plus de 65 ans et/ou porteuses de comorbidités, chez les femmes enceintes, chez les professionnels de santé et dans l’entourage immédiat des personnes fragiles.

Professeur Yves Buisson

Membre de l’Académie nationale de médecine

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !