Face à la surpuissance de l’IRA américain, les industriels craignent une Europe punitive et agrippée à des normes d’une autre époque<!-- --> | Atlantico.fr
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C’est au 1er janvier prochain que le pacte de stabilité issu des accords de Maastricht sera réactivé après une longue parenthèse qui a permis à chacun des membres de se défendre du Covid.
C’est au 1er janvier prochain que le pacte de stabilité issu des accords de Maastricht sera réactivé après une longue parenthèse qui a permis à chacun des membres de se défendre du Covid.
©John THYS / AFP

Atlantico Business

Les industriels européens commencent à se rendre compte que la gouvernance européenne ne les prépare pas à résister à la surpuissance américaine. La réactivation du pacte de stabilité à partir du 1er janvier sera déterminante pour la survie de l'Union européenne.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est au 1er janvier prochain que le pacte de stabilité issu des accords de Maastricht sera réactivé après une longue parenthèse qui a permis à chacun des membres de se défendre du Covid. Et dans tous les pays membres de l'Union européenne, les systèmes économiques et sociaux sont restés en équilibre, parce que tous les pays de l'Union européenne ont fait à peu près la même chose. Libérés des contraintes de Maastricht, ils ont payé la protection nécessaire.

Seulement, au 1er janvier prochain, il faudra réintroduire les critères budgétaires en tenant compte des endettements massifs que presque tous les États ont contractés pendant le Covid… c’est-à-dire revenir à des normes de déficit budgétaire et d'endettement acceptables par les conditions de marchés… c’est-à-dire 3% de déficit, 60% de dettes, 2% d'inflation, etc. Revenir aussi à des procédures de contrôle et de respect des normes sous peine d’être cloué au pilori de la Communauté européenne et astreint à des politiques d’assainissement toujours très compliquées à faire accepter par les corps sociaux.

Ce retour à la réalité des normes européennes va être très difficile à négocier, la meilleure preuve est que la Commission de Bruxelles est loin d’avoir finalisé les critères qu'il faudra appliquer, sauf que si tous les pays membres savent qu'on ne pourra pas revenir aux normes d'avant, il n’y a pas de consensus en Europe sur ce qu'il faut mettre en place.

Il y a tellement de contraintes nouvelles. Il faut évidemment tenir compte des endettements Covid de chaque pays, mais l'exercice n’est pas insurmontable parce que le concept de mutualisation des dettes a fait beaucoup de progrès en Europe, notamment chez les plus riches du Nord… mais faut aussi renforcer le potentiel de défense militaire, le problème est beaucoup plus politique que financier.

Mais il va falloir aussi couvrir tous les besoins de financements des investissements à venir d'une part pour affronter la transition écologique, se donner des sources d'énergie compétitives, (le nucléaire) et d'autre part, trouver les moyens financiers pour engager la réindustrialisation avec des relocalisations ou pas de façon à protéger la souveraineté en Europe et s’affranchir de pays qui sur le plan politique ne partagent pas nos valeurs de liberté et qui peuvent donc hypothéquer nos approvisionnements.

Cette ambition est partagée par tous les pays européens qui ne sont d’accord sur les moyens à mettre en œuvre. La France parle de relocalisations, l'Allemagne qui a perdu son énergie importée de Russie rêve de retrouver de la productivité sur les marchés chinois, mais ce n’est pas gagné. La seule solution serait de développer un écosystème européen ; c’est d’autant plus urgent que l'Amérique a fait le choix de réinstaller un modèle industriel très américain avec des moyens financiers considérables.

Après le Covid, et face au comportement de la Russie et de ses alliés ou amis, face à la Chine qui soigne l’impérialisme, ses faiblesses structurelles qui sont apparues pendant la pandémie... Mais aussi et surtout face à l’Amérique de Joe Biden qui a lancé l’IRA, c’est-à-dire l'inflation reduction act, c’est-à-dire le plus gros plan d’investissement réalisé dans l'histoire des États-Unis : soit près de 400 milliards de dollars sur les dix prochaines années. La présentation politique de ce projet pharaonique par le président américain était très simple : il s’agissait pour les Américains de lutter contre l'inflation, contre le réchauffement climatique et pour restaurer la souveraineté industrielle face aux risques venus d'Asie.

Au bout d’un an, les premiers résultats sont spectaculaires : l'inflation est tombée, la croissance est revenue, et le marché de l'emploi a été redynamisé. Nul ne sait si Joe Biden en tirera avantage au moment de l'élection présidentielle l'année prochaine, ce que le monde des affaires retient en revanche, c’est que les États-Unis ont bénéficié d’un formidable coup de fouet. Le mouvement de relocalisation a démarré, le développement des investissements dans les hautes technologies a été boosté, la lutte contre le réchauffement climatique existe alors que ce n'était pas le cas il y a 5 ans... la recherche sur les carburants verts est lancée même si en attendant, l'Amérique assure son autonomie pétrolière et gazière grâce aux gaz de schiste, lesquels viennent aussi compenser le gaz Russe.

En Europe, le monde des affaires sait très bien que sans une ambition aussi forte que l'ambition américaine, sans un plan d’investissement à l'échelle de toute l'Europe aussi lourd que le plan US, l'Union européenne ne pourra pas résister à la surpuissance concurrentielle des Américains. L'Europe a pourtant beaucoup d’atouts, mais ces atouts sont dispersés dans des pays jaloux de leur identité et de leur propre souveraineté. La redéfinition du pacte de stabilité ne peut pas ,ne retenir que de simples critères financiers figés sur l'équilibre budgétaire de chacun, les enjeux de la géopolitique obligent les Européens à s’entendre. D'un côté face aux ambitions autoritaires de Vladimir Poutine… de l'autre face aux Américains redevenus surpuissants.

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