Face à la grogne des policiers, le « en même temps », nouvelle forme de pensée magique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti lors d'une visite auprès des forces de l'ordre.
Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti lors d'une visite auprès des forces de l'ordre.
©LUDOVIC MARIN / PISCINE / AFP

Solutions de crise

En se contentant de serrer les dents et de rappeler de vagues principes qu’il ne conjugue plus avec le réel, le gouvernement prend le risque de laisser s’envenimer gravement l’abcès.

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot est membre des Orwéliens, essayiste, et est aussi le Directeur Général d'une grande école de commerce. Il est également chroniqueur sur C-News. Son huitième ouvrage,  La Populophobie, sort le 15 septembre 2020 aux éditions Plon.

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Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : En quoi  la situation politique actuelle, dans le cadre de la grève perlée des policiers et des placements en détention de policiers, met plus que jamais en lumière la toxicité politique du « et en même temps » qui n’est pas un dépassement des clivages mais une sorte d’impuissance organisée ?

Guillaume Bigot : Cet exécutif réalise un tour de forces : se mettre « en même temps » à dos la police et la magistrature. En 1983, Français Mitterrand avait demandé et obtenu la tête du préfet de police de Paris et du DGPN alors que 3000 policiers manifestaient pour exiger la démission du garde des Sceaux de l’époque.

Une politique peut-être bonne ou mauvaise, encore faut-il qu’elle soit appliquée pour exister et encore faut-il qu’elle soit définie pour exister.

Le macronisme, c’est la politique du chien crevé au fil de l’eau. Le laissez faire, laissez passer, laissez tout dire tout et par n’importe qui.

La grande démission : au fond, c’est cela le projet du président de la République.

Une sorte d’époké, une posture de l’âne de Buridan qui ne sait, ni ne veut choisir.

Cette grande démission a longtemps été masquée par le déferlement des crises qui se sont succédées depuis 2017.

“Puisque ces mystères nous échappent, feignons d’en être l’organisateur” recommandait Jean Cocteau. C’est ce que Macron n’a cessé de faire.

Des mystères qui ne sont des mystères que pour Emmanuel Macron d’ailleurs.

Le ras-le-bol d’une police corvéable à merci, mobilisée jusqu’à la corde pour réprimer les gilets jaunes, les opposants à la réformes des retraites ou les émeutiers n’est un mystère pour personne.

Pour personne, sauf pour le chef de l’Etat qui ne comprend pas plus l’exaspération des policiers, que l’inéluctabilité du soulèvement de quartiers sensibles devenus des enclaves hostiles.

Les magistrats qui se croyaient compris par le sommet de l’exécutif en sont aussi pour leur frais puisque le DGPN peut dire que les policiers sont au dessus des lois sans être sanctionné.

Jean Garrigues : Ce jugement est partial et un peu caricatural. On peut considérer qu’il y a eu, dans les réactions et la ligne de conduite d’Emmanuel Macron, des symptômes de ce que vous appelez le « en même temps » qui est d’abord une volonté de gouverner et à droite et à gauche. C’est, malgré tout, ce qui lui a permis d’être élu et réélu. Emmanuel Macron a eu tort de réagir à chaud au moment de la mort du jeune Nahel et à ce moment-là de franchir la ligne jaune de la séparation des pouvoirs en portant un jugement en disant qu’il était inacceptable de la part du policier d’avoir tiré sur Nahel. Cela fait partie des erreurs commises par Emmanuel Macron. Dans sa réaction face à l’intervention du Directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, Emmanuel Macron a tenu dans son jugement à rappeler ce qu’était le droit, ce qui conduisait à ne pas privilégier telle ou telle catégorie face à la question de la détention provisoire. Il était dans son rôle de président de la République en restant le gardien des institutions qui tend à faire respecter le droit. On peut considérer que cela s’appelle du « en même temps », d’un côté il adresse un message négatif aux policiers à propos de la mort de Nahel mais d’autre part il tient aussi à saluer le travail des policiers. Il s’agit en réalité des contraintes de la fonction présidentielle. Ce qui apparaît comme l’effet du « en même temps » est le fil conducteur de la pratique de nos présidents de la République. La ligne de conduite, sur beaucoup de sujets, a toujours été de revenir à une position centrale et notamment en ce qui concernait les relations entre police et justice.

Il a toujours été très compliqué pour les présidents de la République de départager d’un côté la police, de l’autre la justice, la magistrature. Faire des arbitrages entre les ministres de l’Intérieur et de la Justice, les Gardes des Sceaux est une constante sous la Vème République depuis Gaston Defferre et Robert Badinter sous François Mitterrand. Par un réflexe corporatiste, les ministres de l’Intérieur sont tentés d’aller dans le sens de leur administration et notamment de la police et pour le ministre de la Justice, cela concerne la défense de la magistrature.

Dans le gouvernement actuel d’Elisabeth Borne, il y a deux sensibilités très différentes. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin incarne plutôt une ligne de fermeté dans la répression et d’ouverture vis-à-vis des syndicats de police. De l’autre côté, il y a le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui a la réputation de venir de la gauche et d’avoir une sensibilité un peu moins répressive, plus laxiste et peut être insuffisamment ferme.

Sous la présidence d’Emmanuel Macron, cela est apparu de manière plus tranchée que d’habitude.

Mais il s’agit d’un usage, d’une constante sous la Ve République. Cela s’apparente à l’image caricaturale « good cop, bad cop ». Il y avait toujours une sensibilité de fermeté du ministère de l’Intérieur et une sensibilité plus modérée, plus droit-de-l’hommiste du côté des Gardes des Sceaux.

Comment l’exécutif pourrait gérer le rééquilibrage entre la police, parfois mal contrôlée, et la justice ? Le pouvoir en place pourrait-il reprendre en main la police tout en la soutenant ?  

Guillaume Bigot : Toute politique digne de ce nom relève d’une forme de « en même temps ». D’abord car aucune institution (ni la police, ni la justice), ni aucune partie prenante n’est exempte de reproche.

Et puis parce que l’équilibre, qui n’est pas toujours le statu quo, devrait être l’objectif de toute politique.

Dans le cas des policiers et des magistrats. Le chef de l’Etat aurait ainsi dû remettre chacun à sa juste place.

C’est lui et non le DGPN ou le Préfet de police, ni même le Ministre de l’Intérieur (le tonitruant Gérald se planque actuellement derrière sous ses ordres) qui aurait dû rappeler aux magistrats la gravité des circonstances des émeutes et exiger qu’il en soit tenu compte dans leur instruction.

Qu’il en soit tenu compte sans parti pris, ni idéologie.

Aucun magistrat n’aurait alors osé broncher.

Cela fait trop longtemps que les magistrats défendent une vision extrémiste et sélective des droits de l’homme.

Les juges ne supportent plus la liberté d’opinion lorsqu’elle s’applique à leurs décisions.

Il n’est pourtant pas illégitime de s’interroger sur la façon dont le juge applique la loi. Si nul n’est placé au-dessus de la loi, c’est particulièrement vrai des magistrats, dont on attend qu’ils appliquent les textes dans un état d’esprit qui n’est pas celui du syndicat de la magistrature.

«La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration» dit l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Mais qui demande des comptes aux juges depuis la révision de 1993 ? Les magistrats sont en roue libre. Le premier devoir d’un président considérait à rappeler aux juges leur devoir d’impartialité.

Si malgré tout, le DGPN avait osé laissé entendre que les policiers étaient au-dessus des lois. il aurait du être immédiatement démis de ses fonctions.

Car c’est bien ce qu’il fait (le CPP prévoit des cas où la mise en détention provisoire est requise et il n’y a aucune raison pour que cette disposition du code ne s’applique jamais aux policiers).

Un État qui ne se fait plus respecter de ses serviteurs n’est plus un État.

Rien de tout cela ne va arriver.

Car ce qui domine au sommet de notre République, c’est une forme de “malign neglect”. Un “je m’e foutisme”, un attentisme qui se croit très malin et machiavélique à la mode du bon docteur Queuille : “Il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. “

Il y a une arrogance et une paresse macroneuse qui respirent aussi la peur.

La peur du syndicat de la magistrature et “en même temps” la peur d’Alliance SGP police.

La peur des policiers dont le chef de l’Etat sent bien qu’ils pourraient le lâcher.

La peur des notables qui partagent à 80 % l’idéologie droit de l’hommiste, omni tolérante.

Jean Garrigues : La situation est très compliquée. Les taux de personnes syndiqués sont assez forts en France chez la police. Les syndicats de police représentent un groupe de pression nouvelle.

Il y a par ailleurs une demande sociale de fermeté qui va incontestablement dans le sens des forces de police. Une critique de plus en plus forte émane aussi des citoyens par rapport à leur justice, par rapport à l’interprétation de ce que serait le laxisme de cette justice.

Le vrai problème de la justice concerne essentiellement sa lenteur que son absence de fermeté. Mais il est vrai qu’au sein de la magistrature, un syndicat s’est manifesté en prônant une position de radicalité contre la police.

A contrario, du côté du syndicat de police Alliance qui ne partage pas les mêmes idées que le Syndicats de la magistrature, il est nécessaire de trouver des solutions par la  négociation.

Il est possible de la part du président de la République et du ministre de l’Intérieur de donner des signes vis-à-vis des syndicats de police notamment en termes d’équipements et de recrutement.

Mais les concessions qui peuvent être faites par le gouvernement actuel ou par Gérald Darmanin se heurtent aussi à des règles juridiques. Nous venons de le voir avec l’affaire de la détention provisoire du policier. A ce niveau-là, il y a la volonté de passer aux policiers un message politique, à la loi, à la réforme législative. Cela pose le problème de la majorité présidentielle, de la majorité relative.         

Il peut y avoir une politique du signe mais elle se heurte à une certaine fluidité qui parfois confine à l’incohérence de la part d’Emmanuel Macron, il s’agit du fameux « et en même temps ». Cela peut être lié à un manque de direction délimitée par le chef de l’Etat. Mais l’écueil principal est en réalité le champ parlementaire.

Si l’on veut véritablement donner des gages de fermeté aux forces de l’ordre et aux citoyens qui le demandent,  il faut passer par le Parlement. Il faudra composer avec la majorité relative, donc à la nécessité de trouver des alliances politiques et de se heurter d’un côté à la France insoumise, dont on sait qu’elle va être hostile à tout renforcement des sanctions pénales sur les questions de délinquance. De l’autre côté, la stratégie du Rassemblement national consiste évidemment à n’apporter aucun soutien à la macronie. Le principal problème concerne la capacité de réformer, de légiférer dans le sens de la fermeté et de la sanction. Cette difficulté est liée à l’impuissance d’une majorité relative.  

Comment l’action politique pourrait-elle mieux répondre aux attentes des Français en matière de justice, qui souhaitent des peines plus sévères envers les délinquants ? Ne faudrait-il pas mieux respecter l'indépendance de la justice et permettre au système judiciaire de répondre aux attentes des Français ?

Jean Garrigues : Ces questionnements ne sont pas nés avec les quinquennats d’Emmanuel Macron. Cela fait des décennies que ce problème se pose. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le Rassemblement national n’a cessé de monter. Elle se fait le porte-parole, le porte-voix de cette exigence de fermeté. Cela est aussi lié au fait que la justice n’ait pas été réformée dans le sens de la fermeté. Sous François Hollande, la ligne de Christiane Taubira concernait une moindre sanction.

Aujourd’hui, compte tenu de l’Etat de l’opinion, les esprits sont mûrs pour que puissent être votées des lois qui poussent à une plus grande fermeté pénale. Tout le problème est dans la capacité d’Emmanuel Macron à aller dans ce sens. Avec la majorité relative, il fait face à une difficulté pour faire passer des réformes. Elles seront en panne de majorité. Elles risquent également de renforcer les Républicains au détriment de la macronie. Aller dans ce sens de la fermeté, qui est réclamé notamment par les Républicains, va conduire à affaiblir la macronie au bénéfice des Républicains.

Toute la question est de savoir si, étant donné ce qu’est aujourd’hui la demande sociale de rigueur, de fermeté, de plus grandes possibilités de sanctions pénales, il ne serait pas nécessaire pour Emmanuel Macron de prendre ce risque politique en allant dans un sens très clairement plus répressif, ce qui correspondrait à l’inflexion à droite de son positionnement et de son électorat, qui s’est droitifé lors des élections de 2022 par rapport à 2017. Ce choix lui permettrait de correspondre à la logique de son évolution. On retrouve les difficultés du « et en même temps », du « et à droite et à gauche ». L’aile gauche de la macronie est hostile au plan de fermeté et à cette inflexion vers la droite. Tout est dans cet équilibre subtil qui doit être trouvé et dans la ligne qui doit être choisie par Emmanuel Macron. Dans l’état actuel des mentalités et de l’évolution de l’opinion publique, donner des gages aux Républicains serait interprété comme quelque chose d’assez logique par rapport à l’évolution de la macronie et du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Une forme de clarification est attendue. Elle risque d’affaiblir potentiellement l’espace central qu’occupe la macronie. Elle risque de susciter des divisions au sein de la macronie. Mais elle correspond à une forme de demande sociale. Le chef de l’Etat et la Première ministre ont le devoir de répondre à cette demande sociale.  

Emmanuel Macron et son gouvernement semblent vouloir laisser passer l’été et espèrent que cela atténuera les choses. En quoi cette stratégie relève de la pensée magique sur ce dossier et au regard du contexte actuel ?

Guillaume Bigot : Tout simplement parce que si les causes de ce que le chef de l’Etat a appelé des “difficultés” restent inchangées, il faut en effet adhérer à la pensée magique pour espérer que les dites difficultés vont s’évaporer si on feint de ne pas trop s’en préoccuper.

L’utilisation du terme “difficultés” peut s’expliquer par la volonté de ne pas accorder trop d’importance aux forces redoutables mais spontanées et désordonnées qui ont défié la société française lors des nuits d’émeutes de début juillet. Mais rappelons que ces émeutes représentent aussi une remise en cause infiniment plus grave pour l’ordre public que les événements du printemps 68.

Parler de simples “difficultés” pour évoquer cette explosion de haine anti française, c’est donc user d’un euphémisme qui est à la limite du déni.

Pour résoudre ces “difficultés”, même un État ultra déterminé qui se donnerait les moyens d’une action décisive ne pourrait espérer corriger, en quelques mois, les effets de 40 ans de glissades.

Pour être efficace et neutraliser le risque de guerre civile, la puissance publique devrait se déployer sous tous les fronts :

Répressifs (confisquer les armes, mettre sous les verrous les acteurs les plus violents du trafic), mais aussi migratoires (suspension du regroupement familial et redéfinition restrictive du droit d’asile), démographique (relance de la natalité, déchéance de la nationalité pour les doubles nationaux condamnés pour crimes), urbanistique (raser les HLM et dispatcher les populations), éducatif (fin du collège unique, condition de bonne conduite pour être scolarisée) mais aussi diplomatiques (nos satellites voient parfaitement les centaines de milliers d’hectares de plants de cannabis dans la région du Rif, comment le royaume pourrait-il ignorer leur existence ?).

Je ne dis pas qu’il faut légaliser mais il faut méditer ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné en matière de répression du trafic de drogues (la méthode forte a échoué en Colombie, la méthode douce a donné de bien meilleurs résultats).

Lorsque nous n’avions pas l’État de droit à l’anglo-saxonne et que les réseaux gaullistes, socialistes ou communistes, souvent issus de la résistance, tenaient le milieu, le trafic de stupéfiants sur notre sol était très limité et sous contrôle.

C’est la République qui tenait les voyous et non l’inverse. Une société civilisée ne peut espérer détruire la criminalité en son sein.

En revanche, elle doit la limiter au maximum et pour cela tolérer une délinquance résiduelle.

Bref, il faut faire tout le contraire de ce qui a été fait jusqu’à présent. Jusqu’ici, on est doux avec les violents et on prétend en même temps démanteler les points de deal.

Le gouvernement ne prend-il pas le risque de laisser s’envenimer gravement l’abcès ?

Jean Garrigues : Il s’agit effectivement d’un risque. Les négociations vont bon train entre le ministre de l’Intérieur et les Syndicats de police notamment. On voit bien que la base est en train de déborder les syndicats. Il s’agit de l’un des premiers mouvements sociaux de police  qui aura échappé aux syndicats. Il y a une nécessité de discussions, de reprise en main et de concessions qui devraient être faites par l’exécutif. Les policiers, qui sont soutenus par la plus grande partie des Français, ont le sentiment d’être malmenés, non seulement par les médias, par la gauche bienpensante et par le manque de clarté du pouvoir. Il y a effectivement un risque de durcissement. Une réaction claire de la part du ministère de l’Intérieur doit intervenir mais aussi du couple exécutif.

Les signaux contradictoires et les décisions paradoxales d’Emmanuel Macron vis-à-vis de la police, de son encadrement et de la justice n’ont-elles pas contribué à être le déclencheur de la crise et à faire éclater au grand jour les difficultés ? 

Guillaume Bigot : Si, le pouvoir repose de plus en plus sur le seul effet supposé magique du verbiage macroneux. Ces salmigondis n’ont jamais fait illusion sur les gens sérieux. Mais le côté cache misère de ce charabia fonctionne de moins en moins bien.

Les révolutions arrivent généralement sans crier gare et ceci pour deux raisons.

La première est technique. Une révolution, c’est d’abord une situation dans laquelle les forces de l’ordre ne suivent plus le pouvoir. Une révolution survient au moment précis ou des CRS ou équivalent refusent de rétablir l’ordre et se solidarisent avec des manifestants ou des émeutiers. Ce moment est imprévisible.

A cet égard, la grève actuelle à l’italienne de la police marseillaise constitue un signe avant coureur inquiétant. Je déconseille fortement au chef de l’Etat de renouveler son apostrophe à l’égard de la foule : “qu’ils viennent me chercher !”

Cette fois, je ne suis pas sûr que les forces de l’ordre le protègeront.

La deuxième raison qui fait s’effondrer soudainement et de manière imprévisible l’ordre public, c’est la convergence des oppositions. On l'a bien vu sous la révolution de 1789, c’est une coalition de bric et de broc, de forces qui s’opposaient à la base (tiers état, noblesse et clergé) qui se sont trouvées un ennemi commun (Louis 16).

Les magistrats et les policiers s’opposent depuis des décennies et sont « en même temps » les deux piliers de l’ordre intérieur. Or, la pente est glissante pour Emmanuel Macron car les uns ont beau ne pas être du tout en phase avec les autres, les uns et les autres ont des raisons de se sentir lâchés par un pouvoir de plus en plus lâche.

Jean Garrigues : Il faut tout de même reconnaître que la crise des retraites a été aujourd’hui digérée par la société française. Cela ne veut pas dire que cette nouvelle crise au sein de la police ne soit pas durable. Il s’agit d’une stratégie d’usure.

Quand un mouvement social est soutenu par la majorité des Français, il ne peut pas disparaître du fait des vacances. Il est forcément appelé à durer. C’est ce qu’il s’est passé au moment des Gilets jaunes, de la crise des retraites. Le mouvement social, le mécontentement au sein de la police ne s’éteindra pas par miracle. Des concessions, des signaux forts donnés par l’exécutif sont nécessaires.  

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