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Explosif : la dette française, 2700 milliards à la fin 2020. Mais qui va payer, quand et comment ?
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Atlantico Business

Le « quoi qu’il en coûte» contre le Covid a fait exploser la dette française et personne dans l’exécutif n’ose expliquer qui va payer, quand et comment ? Résultat, on ajoute de l’inquiétude à l’angoisse et on alimente la machine à fantasmes complotistes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chiffres de la dette française ont de quoi affoler les esprits les plus sophistiqués : à fin 2020, la dette française (l’accumulation de tous les déficits, c’est à dire le stock de tout ce que l’Etat français, les collectivités publiques, les organismes sociaux ont emprunté et de ce qui lui reste à rembourser) va dépasser les 2.700 milliards d’euros soit 120% du PIB.

Ces chiffres sont colossaux et correspondent à toutes les mesures prises par le président et gouvernement pour calmer les esprits sidérés par l’arrivée imprévue du Covid en février et surtout pour éviter l’effondrement du système. Les revenus salariés ont été en grande partie protégés par le chômage partiel et la grande majorité des entreprises ont pu rester en équilibre grâce aux Prêts garantis par l’Etat ( les PGE ). Ajoutons à cela les moratoires au niveau du paiement des charges sociales et des impôts, des aides en trésorerie, des indemnités compensatoires à défaut de chiffre d’affaires, des crédit d’impôts pour compenser les loyers impayés...

Le gouvernement (comme beaucoup d’autres en Europe) a fait le maximum pour garder un système de production en état de marche. Le but étant de protéger les actifs de production et permettre, le moment venu, de repartir.

Revers de la médaille : ce « quoi qu’il en coûte » a été financé par des emprunts. Tout le monde s’est mis à emprunter : le Trésor, les collectivités, la Sncf, la caisse d’assurance maladie, les caisses de retraite.

La dette française avait déjà fortement augmenté au premier trimestre 2020, elle a donc explosé au deuxième trimestre, atteignant un nouveau sommet historique de 2.638,3 milliards d'euros : 114,1% du PIB français, soit 12,7 points de plus qu'au premier trimestre 2020. A la fin de cette année, il faudra ajouter le prix des digues construites pour assumer la deuxième vague et le cout du deuxième confinement. Sans parler de la préparation du premier trimestre de l’année 2021 et du renforcement du plan de relance prévu pour le 1er janvier.

Depuis mars, les aides Covid avaient déjà coûté 470 milliards d’euros, le renforcement des mesures de soutien en novembre ont nécessité un déblocage supplémentaire de 20 milliards d’euros. Le plan de soutien pour 2021 nécessitera une rallonge située dans une fourchette de 10 à 50 milliards supplémentaires.

Au 31 décembre 2020 , les experts chiffrent à 550 milliards d’euros le cout de l’épidémie et le prix du soutien à l’économie. Le chiffre global de la dette dépassera les 2700 milliards d’euros. On attiendra sans doute les 125 % du PIB.

Tout le monde sait que des secteurs entiers comme le tourisme, l’hôtellerie, l’aéronautique, les restaurants et les bars, l’entertainment, le spectacle, la culture, vont restes sinistrés encore longtemps, d’autant qu‘aux problèmes conjoncturels s’ajoutent des problèmes structurels de mutation accélérée.

Quant au modèle social, il a été totalement perfusé par des crédits publics et des prêts.

Face à cette situation historique, beaucoup d’acteurs responsables dans la sphère économique, syndicale et politique continuent d’appeler à s’endetter encore davantage. La réaction de l’opinion publique, éclairée ou pas, est d’ailleurs assez cohérente mais contradictoire.

Cohérente parce que la majorité de l’opinion a compris que les aides massives étaient la seule solution pour éviter une catastrophe qui aurait pu dégénérer en guerre civile, d’autant que le prix de la dette est dérisoire, proche de zéro... Alors pourquoi s’en priver ? Mais cette opinion n’échappe à la condition quand elle s’interroge tout haut pour savoir qui paiera la dette, quand et à quel prix ?

L’opposition politique de gauche comme de l’extrême droite est très tentée de bousculer le gouvernement sur le thème de l’argent magique, et du qui paiera la facture, mais dans le même temps, cette même opposition est la première à réclamer des aides et des subventions supplémentaires.

L’opposition politique est dans le toujours plus et s’habitue finalement à ses robinets qui coulent dès que le virus relève la tête.

Il y a une seule personne au gouvernement qui rappelle périodiquement qu‘il n‘y a pas d’argent magique et qu‘il faudra payer. Bruno Le Maire pensait, à l’issue du premier confinement, que l’argent dépensé pour lutter contre le Covid serait géré correctement. Après le deuxième confinement, il a plus de mal à cacher ses inquiétudes face aux montagnes de factures qui vont encore s’amonceler sur son bureau. D’où sa hargne pour faire repartir la machine commerciale le plus tôt possible. Il faut dire aussi que quand le commerce est à l‘arrêt , la TVA ne rentre pas. Or, la TVA est la première source de recettes fiscales.

Maintenant, il faudra bien dans l’année qui vient,  présenter un plan de financement et répondre à la question sous terraine que personne n’ose poser actuellement. Qui paiera les dettes, quand et comment, sous quelle forme ? La question est importante parce qu’elle concerne tous les pays développés et si on se trompe sur la réponse, on risque un tsunami  qui toucherait l’ensemble du système comme dans le cas des subprimes en 2008.

Le débat du financement existe dans les milieux financiers qui étudie actuellement quatre solutions possibles.

La première qui vient à l’esprit de beaucoup de responsables politique passerait par l’impôt. D’ailleurs si les taux d’intérêt sont aussi bas, c’ets parce que les préteurs d’argent ont confiance dans la capacité des États à honorer leurs engagements. Cette confiance est purement théorique pour un pays comme la France où le taux de prélèvement obligatoire dépasse les 50% du PIB. Une nouvelle augmentation des prélèvements serait insupportable et provoquerait au mieux une asphyxie du système, au pire une révolte fiscale. Donc l’augmentation d’impôts est inenvisageable. De façon très symbolique, on pourrait toujours essayer de rétablir l’ISF. Mais l’ISF, c’est 4 milliards d’euros alors, au regard des sommes à rembourser c’est dérisoire.

La deuxième solution serait de faire appel à l’épargne. Il existe des masses d’épargne liquide, disponible en France dans les comptes d’épargne et même dans les comptes à terme, au total au moins 1000 milliards d’euros. On peut imaginer un emprunt Covid volontaire assorti d’un gros avantage fiscal ou même un emprunt obligatoire. La France a déjà pratiqué ce genre d’exercice en 1958 alors qu‘elle était au bord de la faillite.

Actuellement, c’est absolument exclu. Le ministre de l’économie envisage plutôt des mécanismes qui flècheraient cette épargne vers les entreprises pour booster leur développement. Ce serait sans doute plus efficace et plus intelligent.

La troisième solution serait d’annuler la dette Covid au niveau de la Banque centrale européenne. Actuellement, la BCE rachète massivement auprès des banques les titres des dettes et distribue en contrepartie de la liquidité. On pourrait imaginer que la Banque centrale européenne décrète que ces dettes sont perpétuelles, c’est à dire qu’on les renouvelle dès qu’elles arrivent à échéance. On peut aussi imaginer que la banque centrale décide d’annuler la dette. C’est une demande qui commence à être faite dans différents pays. Le problème ( très simple ) est que la banque centrale n’a pas le droit de se livrer à ce genre d’exercice. Il lui faudrait l’autorisation de tous les pays membres de l’Union européenne et très normalement, la majorité des pays membres de l’UE refusera ce genre de facilités, car l’annulation de dette ( sans mise en faillite) donnerait des idées à tout le monde. Pourquoi se priver d’emprunter si on ne rembourse pas ? C’est la monnaie qui perd sa valeur et le système qui se bloque complètement.

Plutôt que de tenter ce coup de force juridique, la banque centrale pourrait essayer d’encourager l’inflation.

L’histoire peut nous fournir plein d’exemple où l’inflation a permis aux débiteurs de ne pas rembourser leur dette sans trop de douleur. L‘Amérique du sud a utilisé ce médicament assez souvent en Argentine et au Brésil.

Faire de l’inflation soulève deux problèmes. On ne peut pas décider de faire de l’inflation. Dans un monde très mondialisé, c’est même très compliqué. On y arriverait peut-être si la Chine changeait de modèle de production. Pour l’instant, il n’en est pas question. L’autre problème, c’est que l’inflation provoque une détérioration du modèle économique global, beaucoup d’inflation entraine une récession, donc du chômage, donc du déficit donc de la dette.

La quatrième solution, c’est de faire de la croissance. C’est la seule solution à laquelle on pense publiquement. Faire de la croissance revient à augmenter la production donc les recettes fiscales... D’où les remboursements de dettes. C’est la logique dans laquelle s’inscrit Bruno Le Maire et qui est actuellement la seule responsable. La logique qui contribue d’ailleurs à maintenir les taux relativement bas et à attirer les investisseurs et les épargnants. C’est la seule logique qui inspire la confiance.

Cette solution doit passer de nombreux obstacles qui ne sont pas infranchissables mais compliqués.

D’abord, il faut préserver la capacité d’investissements si on veut nourrir une croissance forte. Or la masse des emprunts contractés ne l’a pas été pour financer des investissements mais des dépenses de fonctionnement. Il va falloir sérieusement changer nos arbitrages pour faire moins de dépenses courantes et plus de dépenses d’innovation et d’investissement.

Ensuite, il faut aussi choisir ses investisseurs parce qu’actuellement, hormis l’épargne intérieure, les seules sources d’épargne étrangère que nous avons viennent des pays pétroliers et de la Chine. Deux zones géographiques où les excédents cherchent des points d’ancrage. Politiquement, c’est compliqué à gérer.

Enfin, il peut avoir des forces politiques internes qui sont complètement opposées à la croissance et même opposées à l’innovation. Les secteurs de l’énergie ou de l’aéronautique sont très surveillés par les Verts, alliés ou pas à la gauche extrême. Par ailleurs, les innovations technologiques qui sont nécessaires à la croissance comme la 5G, le nucléaire, les vaccins contre les virus suscitent tellement de méfiance et de critiques de la part d’une opinion publique qui est chauffée par les thèses complotistes, qu'on a du mal à imaginer dans les pays occidentaux des modèles de croissance forte et rapide.

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