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Expertise psychiatrique pour Marine Le Pen ou le dernier épisode en date de l’inquiétante politisation de la justice française
©François NASCIMBENI / AFP

#MurDesCons

Faisant suite aux faits reprochés à Marine Le Pen concernant la diffusion d'images violentes sur son compte Twitter, la dirigeante du Rassemblement national a été mise en examen au titre de l'article 227-24 du Code Pénal.

Régis de Castelnau

Régis de Castelnau

Avocat depuis 1972, Régis de Castelnau a fondé son cabinet, en se spécialisant en droit social et économie sociale.

Membre fondateur du Syndicat des Avocats de France, il a développé une importante activité au plan international. Président de l’ONG « France Amérique latine », Il a également occupé le poste de Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, organisation ayant statut consultatif auprès de l’ONU.

Régis de Castelnau est président de l’Institut Droit et Gestion Locale organisme de réflexion, de recherche et de formation dédié aux rapports entre l’Action Publique et le Droit.

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Atlantico : Comment évaluer le choix de cette qualification, ou l'opportunité de poursuivre, au regard des faits reprochés, tout en prenant en compte que celle-ci induisait un examen psychiatrique de Marine Le Pen ? 

Régis de Castelnau : Le scandale relatif à cette affaire est bien dans le déclenchement des poursuites à l’encontre de Marine Le Pen et de Gilbert Collard pour avoir publié pendant quelques jours sur leur compte Twitter des photos des exactions de Daech. C’était une surréaction à une mise en cause détestable de Jean-Jacques Bourdin qui avait évoqué un lien indirect entre Daech et le Front National. Poussé par Cazeneuve le ministre de l’intérieur de l’époque, le parquet de Nanterre avait lancé une enquête préliminaire puis obtenu l’ouverture d’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction. L’article du code retenu pour l’incrimination relève de la protection de l’enfance et réprime l’une des infractions spécifiques nombreuses qui relèvent de celle-ci. Nous sommes quand même en matière de liberté d’expression, et de celle d’un des premiers partis politiques français, le bon sens aurait dû empêcher l’utilisation de cette qualification et les poursuites telles qu’elle se déroule aujourd’hui. On se rappelle du zèle de la justice essayant d’obtenir des mainlevées d’immunité parlementaire inutiles, et des convocations envoyées comme par hasard pendant la campagne présidentielle. L’examen psychiatrique est en effet obligatoire dans cette procédure, ce qui montre l’imbécillité de l’incrimination de Marine Le Pen sur cette base. Cet examen est destiné à permettre au tribunal d’assortir les peines qu’il prononce d’une obligation de soins. Qui peut aller jusqu’à la prescription d’un traitement inhibiteur de libido … Comment peut-on considérer que tout ceci est sérieux.

Cette situation est à l’origine d'une nouvelle polémique concernant la neutralité de la Justice à l'égard du Rassemblement national. Du traitement de l'affaire des attachés parlementaires du Rassemblement, comparativement au Modem et à la France Insoumise, à cette mise en examen de Marine Le Pen, le Rassemblement national est-il réellement traité avec neutralité par la Justice ? 

Évidemment non. On dira au préalable que cette organisation n’est pas au-dessus des lois, mais que les soins particuliers que lui dispensent le Parquet National Financier et le Pôle Financier sont quand même caractéristiques. Il y a bien sûr la saisie de ses ressources financières sur des bases juridiques quand même très vermoulues. Et puis il y a aussi le rythme de ces procédures où on a la désagréable impression que les événements procéduraux obéissent à un agenda articulé avec l’actualité politique. Je pense que nous aurons de nouveaux de l’agitation pendant la campagne des élections européennes où pour l’instant le RN est annoncé au coude à coude avec LREM.

Cette question de la neutralité de la Justice peut-elle être étendue à certaines personnalités "de droite", de l'affaire Fillon à celles qui touchent Nicolas Sarkozy, et ce, dans un contexte qui reste marqué par la révélation du "Mur des cons" impliquant le Syndicat de la Magistrature ? 

Je me suis prononcé à plusieurs reprises sur certaines dérives inquiétantes qui émanent en général de certaines parties de l’appareil judiciaire et en particulier de ce que j’appelle le couple infernal c’est-à-dire le Parquet National Financier et le Pôle Financier, il s’occupe de l’instruction. Chacun connaît la fixation des magistrats sur Nicolas Sarkozy et se rappelle la façon dont la candidature de François Fillon a été détruite. Je considère qu’il s’agit là de juridictions d’exception mises en place après des scandales et dans l’urgence afin de redorer le blason des politiques et d’affirmer que « maintenant on lavera plus blanc ». C’est le cas du PNF mis en place par François Hollande après l’affaire Cahuzac, et dont l’activité n’a jamais fait de chagrin au pouvoir socialiste pas plus qu’aujourd’hui au pouvoir macronien. Pour le Pôle Financier le problème serait plutôt celui de la bataille des egos. On y trouve des magistrats militants, dont on peut craindre les excès de zèle. Et des rapports parfois très souples avec les obligations légales, comme celle d’instruire à charge et à décharge. Un certain nombre d’entre eux considérant cette règle désuète… Et c’est à l’occasion de la confirmation de certaines de leurs acrobaties par les juridictions supérieures que l’on constate à quel point la culture de l’impartialité mériterait d’être très nettement améliorée.

Dans un contexte ou le parquet de Paris avait refusé d'étendre l'enquête visant Alexandre Benalla à la disparition de son coffre fort, avant la perquisition de son appartement, malgré la demande d'une partie civile, comment juger de cette neutralité ?

Comme tout le monde judiciaire, j’ai été stupéfait des conditions dans lesquelles s’est déroulée la perquisition au domicile d’Alexandre Benalla. Mais aussi par l’inertie du parquet face à la disparition nocturne de son coffre et de son refus de dire à qui il l’avait remis. Malheureusement, la question de l’indépendance se pose en des termes nouveaux. Rappelons qu’elle a toujours été présentée comme une obligation du pouvoir exécutif vis-à-vis de l’autorité judiciaire. L’indépendance étant l’outil de l’impartialité. Aujourd’hui l’ensemble de l’appareil judiciaire, s’il souffre d’un cruel manque de moyens, essaie de remplir sa mission est de conserver son impartialité. Les difficultés émanent à mon sens désormais de formes de connivence organique existant entre la haute fonction publique d’État et le haut appareil de la justice. Il y aurait à mon avis a examiner de près cet aspect sociologique. En tout cas, pour l’instant il est difficile de défendre auprès de l’opinion publique la thèse d’une neutralité axiologique de la justice vis-à-vis du pouvoir politique.

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