Et si la matière noire censée composer une bonne partie de l’univers n’existait pas ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des astronomes utilisant le télescope spatial Hubble ont capturé l'image la plus complète jamais assemblée de l'évolution de l'Univers - et l'une des plus colorées. L'étude s'appelle le projet UVUDF (Ultraviolet Coverage of the Hubble Ultra Deep Field).
Des astronomes utilisant le télescope spatial Hubble ont capturé l'image la plus complète jamais assemblée de l'évolution de l'Univers - et l'une des plus colorées. L'étude s'appelle le projet UVUDF (Ultraviolet Coverage of the Hubble Ultra Deep Field).
©ESA/Hubble

Nouveau modèle

Rajendra Gupta, un universitaire canadien de l’université d’Ottawa en est convaincu et vient de publier ses recherches dans The Astrophysical Journal.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Dans une étude publiée par The Astrophysical Journal, Rajendra Gupta, professeur de physique, remet en cause l'existence de la matière noire. Pouvez-vous nous expliquer les principes de sa théorie ?

Olivier Sanguy : Les travaux de Rajendra Gupta remettent en effet en cause certaines bases du modèle standard de la cosmologie, le ΛCDM (ou Lambda Cold Dark Matter). Le grand public le connait sous l’appellation Big Bang, même si ce modèle a beaucoup évolué depuis sa formulation à la fin des années 1920. Dans le ΛCDM, on a donc un début de l’univers voici 13,8 milliards d’années (le Big Bang pour simplifier) avec la matière baryonique (celle que nous rencontrons tous les jours, faite de protons, neutrons et électrons) qui ne représente que 4,9% du bilan énergétique, la matière noire pour 26,8% et l’énergie sombre pour le reste soit 68,3%. La matière noire est une matière dont on constate les effets gravitationnels (par exemple sur les galaxies), mais qu’on ne détecte pas dans l’ensemble des longueurs d’onde. L’énergie sombre, elle, accélère l’expansion de l’univers. Tout ceci repose sur de nombreuses observations et le modèle ΛCDM semble le plus adéquat à décrire ce qu’on constate avec les télescopes, les expériences, etc.

Rajendra Gupta propose donc un modèle alternatif qui combine deux idées qui ne sont pas nouvelles : la lumière fatiguée et la covarying coupling constants (covariance des constantes de couplage). Gupta ne s’en attribue d’ailleurs nullement la paternité, une publication scientifique de sa part de 2022 rappelle ainsi que ces pistes théoriques remontent pour certaines aux années 1930. La lumière fatiguée implique que la lumière perd de l’énergie lorsqu’elle traverse l’espace. La covarying coupling constants avance que les forces fondamentales de la nature s’affaiblissent au cours de l’échelle des temps cosmiques. En les combinant, on obtient selon lui un modèle cosmologique qui n’a plus besoin de la matière noire.


Si elle se confirme, qu'est-ce que cette découverte change à notre perception de l'Univers ?

Tout d’abord, l’âge de l’univers selon le modèle de Rajendra Gupta n’est plus de 13,8 milliards d’années, mais de 26,7 milliards d’années. Comme dit précédemment, cette théorie supprime carrément l’idée de matière noire qui n’est plus nécessaire pour expliquer ce qu’on observe. Mais cela va plus loin puisque, pour ce scientifique, l’énergie sombre n’est elle aussi plus nécessaire. Pour lui, l’accélération de l’expansion de l’univers, qu’il ne remet pas en cause, bien au contraire, résulte de l’affaiblissement des forces de la nature avec le temps.

On remarque qu’il ne s’agit donc pas de rejeter ce qui est observé, ce ne serait pas scientifique au passage, mais de bâtir un modèle différent d’interprétation des observations. La science progresse ainsi en étant capable de se remettre en cause et en examinant si ces remises en cause sont valides ou non.


Quelle avancée scientifique pourrait être réalisée après cette découverte ?

Tout d’abord, il faut patiemment attendre des observations capables de trancher entre le ΛCDM et ce nouveau modèle. Ce n’est pas la première fois qu’on annonce une remise en cause du ΛCDM (à nouveau, c’est ainsi que la science progresse). Peut-être des avancées viendront-elles du James Webb Space Telescope ou de futurs télescopes aux capacités plus poussées que les actuels ? D’une façon générale, mieux comprendre les mécanismes de notre univers ouvre des horizons généralement insoupçonnés et parfois très concrets, appliqués à la vie de tous les jours. Lorsqu’Albert Einstein a forgé sa célèbre théorie de la relativité, qui aurait envisagé que cela servirait aux satellites de géolocalisation ? Et pourtant, la prise en compte de la relativité est nécessaire pour que la puce GPS ou Galileo de votre téléphone vous localise avec précision.

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