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Et si la droite n’était pas aussi "OGM et gaz de schiste" que le souhaite Luc Chatel ?
©Reuters

Pour l’amour du risque

Luc Chatel a dénoncé la frilosité excessive de l'économie française dans son rapport au gaz de schiste ou encore aux OGM. Sur ces questions, une véritable fracture sépare la droite française.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : "Les Républicains doivent être le parti du principe d’innovation plus que du principe de précaution, le parti du gaz de schiste, des OGM, des biotechs", a déclaré le député de la Haute-Marne. Que veut dire Luc Chatel par cette phrase caricaturale et manichéenne ?

Eric Verhaeghe :Luc Chatel a le mérite de mettre le doigt sur la frilosité excessive de l'économie française, sur son aversion au risque, que l'inscription du principe de précaution dans la Constitution a bien symbolisé. Rappelons que le principe de précaution condamne par avance toute prise de risque collective qui déboucherait sur des conséquences négatives. Pour les défenseurs de l'entreprise, le principe de précaution est une aberration, dans la mesure où il revient à compliquer singulièrement l'innovation. D'une certaine façon, il exprime bien l'idée qu'il faut avoir peur de la nouveauté, et c'est une idée qui nous pénalise fortement. Sur tous ces plans, Chatel a donc raison de vouloir mettre un coup de pied dans la fourmilière et souligner la nécessaire inversion de la courbe du risque qui doit intervenir. Maintenant, personne n'a jamais dit que l'opposition au principe de précaution passait par un principe de mise en danger. On peut ici reprocher à Châtel de croire qu'entre le refus du risque et l'acceptation du risque, il n'y a pas d'intermédiaire. Précisément, le management du risque nous apprend que l'on peut réduire le risque ou le gérer de façon intelligente. On peut donc s'essayer à des innovations comme la recherche de gaz de schiste en maîtrisant la prise de risque que celle-ci comporte et en la réduisant. Cela suppose un travail politique qu'on attend des élus. 

Ne risque-t-il pas de heurter une partie des sympathisants et militants de droite, tant du côté plus progressiste (NKM) que chez les plus conservateurs (catholiques, décroissants…) ?

Ceux qui ont peur du gaz de schiste, des biotechnologies, des OGM, ont des raisons légitimes d'avoir peur et ne pas les prendre en compte est absurde. Dans le cas des OGM par exemple, la prise de risque n'est pas maîtrisée. Personne n'a clairement documenté le sujet et les décideurs publics avancent à l'aveugle. Dans le cas de la France, se pose la vraie question de savoir si nous voulons une agriculture intensive qui sacrifie la qualité pour faire du "low cost", au besoin en mettant en danger le consommateur, ou bien si nous faisons le pari d'une agriculture de qualité, plus chère, mais au développement mieux maîtrisé et aux affinités plus traditionnelles. On voit bien que la droite est aujourd'hui séparée par une fracture sur cette question, et le manque de discernement dans la remarque de Chatel risque en effet de heurter les partisans d'une France agricole, rétive à une industrialisation à outrance qui remettrait en cause les grands équilibres traditionnels du pays (déjà bien sacrifiés par ailleurs). On dira évidemment la même chose des biotechnologies, qui ont un impact fort sur notre conception de l'existence et de la vie, qu'il semble bien hâtif de régler par une provocation. On voit assez mal comment Nicolas Sarkozy parviendra à rassembler sa famille en prenant les sujets par cet angle-là.

N’a-t-on pas pris trop de précautions auparavant ? (le principe de précaution étant inscrit dans la Constitution)

Sans doute! Personne ne conteste vraiment que le principe de précaution symbolise bien l'extrême frilosité des décideurs français, qu'ils soient politiques ou économiques. Mais à qui la faute? Rappelons quand même que ce principe fut inscrit dans la Constitution en 2005 par le gouvernement Raffarin. A cette époque, Châtel était porte-parole de l'UMP. Auparavant, c'est Michel Barnier qui lui avait donné une première réalité légale en France. Autrement dit, la droite française ne peut pas se cacher derrière son petit doigt dans ce dossier. Elle s'est montrée bien plus active que la gauche pour l'installer dans le droit français. En prenant une position très provocatrice sur la question, Châtel commet une erreur de fait: il passe sous silence le rôle de son parti dans la consolidation du principe de précaution. Surtout, il tombe dans le vice agaçant de la classe politique traditionnelle, qui est celui du déni et de la posture. Pourquoi ne pas ouvrir un débat clair sur la façon de maîtriser les risques, notamment sanitaires, face à l'industrialisation ? Plutôt que de proférer des dénis, cette ligne sage manifesterait une plus grande cohérence politique vis-à-vis des positions prises par l'UMP par le passé et un plus grand respect vis-à-vis des différentes composantes de l'opinion.

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