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Bien-être au travail

Avec le Covid, cette catégorie sociale est d'autant plus sujette au brun-out qu'avant. Véritables éponges des entreprises, pourquoi et comment les cadres intermédiaires sont-ils plus enclins au burn-out.

Caroline Diard

Caroline Diard

Caroline Diard est professeur associé au département Droit des Affaires et Ressources Humaines à la Toulouse Business School.

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Atlantico : Une récente étude montre que les cadres intermédiaires sont les plus sujets au burn-out que les autres catégories socio-professionnelles. Comment expliquer ce phénomène ?

Caroline Diard : Un cadre intermédiaire est entre deux strates de l’entreprise. L’organisation est toujours très souvent hiérarchique dans les entreprises. Il encadre une équipe et il rapporte ensuite les éléments à son supérieur hiérarchique (N+1). Il est donc confronté à la pression de ce supérieur qui lui demande de décliner la stratégie de l’entreprise via des objectifs parfois intenables. Doit aussi parfois se fixer ses propres objectifs. Il faut ensuite décliner les objectifs vers son équipe, qui ne sera pas forcément satisfaite. Le cadre intermédiaire va être confronté au quotidien aux difficultés de l’équipe à encadrer : les difficultés à recruter et à motiver, l’absentéisme de certaines personnes, le départ de membres de l’équipe, les conflits éventuels…

En management intermédiaire, vous devez donc gérer un groupe avec des individus qui ne fonctionnent pas forcément comme vous le souhaitez. Certaines personnes travaillent moins vite que les autres. Certains membres de l’équipe sont démotivés ou décident de partir. D’autres peuvent être désagréables, mécontents ou contestataires. En plus, il peut y avoir des objectifs difficiles à atteindre. Parfois, il y a un bouc émissaire qui cristallise les énergies négatives du collectif de travail!

Dans le management intermédiaire, il est fréquent d’être confronté à des injonctions paradoxales. Les cadres intermédiaire peuvent en effet être encouragés à atteindre des objectifs souvent ambitieux et en même temps un autre message est transmis sur la nécessité de permettre à leurs collaborateurs de se sentir bien au travail avec un accent sur le respect de la santé physique et mentale des collaborateurs. C'est un exercice très difficile d'atteindre des objectifs très amitieux et de continuer à parler de bien-être au travail.

Il y a également des conflits de valeurs. Les cadres intermédiaires vont être poussés à agir contre leur culture, leurs habitudes ou leurs valeurs. Ils vont avoir pour mission notamment de gérer les équipes avec des méthodes éloignées de leur philosophie et à leurs émotions.

Cela est extrêmement difficile. De nombreuses personnes vivent très mal ce conflit de valeurs.

Des conflits de rôle peuvent aussi intervenir. Le manager intermédiaire joue parfois le rôle de « gendarme » puis il va lui être assigné la tâche d’organiser du team building.  

Les injonctions paradoxales, les conflits de valeurs et les conflits de rôles sont les principales causes qui expliquent cette difficulté et cette crise au sein du management intermédiaire.

Pendant la pandémie et face au confinement, les managers intermédiaires ont dû se débrouiller et faire des miracles avec les équipes. Ils ont réussi à assurer la pérennité de l’organisation des équipes. Ils ont pris sur eux. Aujourd’hui, nous voyons les dégâts que cela a générés sur la santé mentale et notamment jusqu’au burn-out.

Les chiffres de la DARES sont très éloquents. Il y a bien plus de démissions et de ruptures conventionnelles qu’auparavant.  

- Quelle est la situation pour les autres catégories socio-professionnelles ? Sont-elles aussi touchées par ce phénomène ? Ou est-ce dans une moindre proportion ?

Les chiffres de la DARES concernent toutes les populations. De très nombreuses problématiques sont apparues sur la quête de sens après le confinement. Beaucoup de gens considèrent que leur métier n’est pas très utile. Ils ont souhaité changer d'entreprise et quitter leurs structures. Certains ont même fait le choix de se réorienter pour changer de vie et changer de métier, changer de région...   

- Cette étude montre qu’il y a presque 50% des cadres qui se disent avoir été proches ou qui révèlent avoir fait un burn-out. Quels sont les moyens et les solutions pour réduire ce chiffre et ce phénomène qui s’amplifie ?

Le problème du burn-out est que lorsque l’on en arrive à une telle situation, il est déjà trop tard. Cette situation souligne que cette crise et ce malaise n’ont pas été gérés en amont et anticipés. Les politiques de prévention de santé et de sécurité au travail doivent se mettre en place.

Les représentants du personnel au sein des entreprises doivent jouer un rôle important. Selon l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur a pour obligation de protéger ses salariés. Il doit donc s’inquiéter de la santé et de la sécurité au travail. Cela va passer par les représentants du personnel. Un comité va s’occuper de ces enjeux, le comité social et économique (CSE). Mais les salariés ne vont pas forcément se diriger vers cette instance.

Le réflexe du salarié est plutôt de se mettre en arrêt maladie et de s’interroger sur le fait de rester ou de quitter l’entreprise.

D’autres solutions existent comme le management intermédiaire justement. Dans certaines entreprises, des managers intermédiaires sont considérés comme des référents RH. Ils sont le relais RH sur le terrain. Un référent peut aider la personne qui est confrontée à des signes du burn-out  et identifier la problématique en amont. La prévention est essentielle.

Lorsque l’on arrive au burn-out, la gestion a été défaillante. En cas d'alerte relative au harcèlement, une procédure CSE sera enclenchée, la médecine du travail sera également sollicitée.

Pour agir en amont et lutter efficacement contre le burn-out, la clé est le management de proximité. Ces personnes vont se retrouver en première ligne. A essayer de prévenir la souffrance des autres, ils se mettent aussi eux-mêmes parfois en souffrance et en difficultés. A force d’absorber les problèmes de leurs collaborateurs, la situation sera aussi difficile psychologiquement pour eux.

La prévention peut aussi passer par un entretien annuel. (qui n'est pas une obligation légale)

Il est difficile de voir et de déceler les choses à distance. Lorsque quelqu’un ne va pas bien et que nous ne sommes pas au quotidien à ses côtés, certains signes ne sont pas décelés. Certains signaux alarmants peuvent être par exemple la perte de poids importante d’un salarié. D’autres signes concernent les absences, la sensation de fatigue constante, le fait de boire beaucoup de café, les troubles du sommeil. En glanant ce type d’informations et de signes lors de discussions à la machine à café ou dans les locaux de l’entreprise, vous devez être en capacité d’alerter. Le mode hybride du fonctionnement des entreprises complique cette situation et cette possibilité de déceler certains signes. Les temps collectifs de travail ont fortement diminué avec l'hybridation du travail. Ils permettaient d’alerter sur des difficultés rencontrées avec un collègue.

- Ces questions de bien-être au travail, de gestion de la vie professionnelle et personnelle sont-elles assez encadrées ? Le gouvernement s’attarde-t-il assez sur ce genre de questions ?

 La santé au travail est très encadrée. Il y a des préoccupations sur le sujet depuis de nombreuses années. Il y a eu une réforme l'été 2021, entrée en vigueur le 1er avril 2022: https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884445 . Les actions menées vont plutôt dans le bon sens.

Il y a également des obligations de l’employeur qui concernent le volet juridique.

L’employeur n’a pas forcément un regard sur tous ses managers. Lorsque vous êtes dans une PME avec 50 employés, le chef d’entreprise a une bonne visibilité de ce qu’il se passe sur le terrain. Mais lorsque vous êtes dans une grande entreprise comme L’Oréal ou Sanofi, l’employeur est représenté. Il y a une délégation par rapport à ces enjeux. Le représentant de l’employeur est le cadre intermédiaire, le manager de proximité. Il doit s’assurer que toute la politique de santé au travail est bien assurée et respectée. Il y a par exemple une obligation de visites médicales d'information et de prévention à l’embauche et de manière périodique. Cela peut être un moyen pour le manager de s’intéresser à la santé de ses salariés. Parfois, certains employeurs sont hostiles à la discussion sur ce sujet.

La population des cadres intermédiaires est une population qui a été très fragilisée par la crise sanitaire. Il s’agit d’une catégorie de la population à laquelle on ne s’est pas forcément intéressés.   

L’idée serait donc d’agir sur de la prévention pour éviter que des personnes augmentent leur charge de travail et qu’ils finissent en burn-out avec notamment une hyper-connectivité. Il serait important de procéder à des formations, des promotions et des revalorisations salariales pour ces personnes. Les cadres intermédiaires n’ont pas une position facile. Ils sont pris entre le marteau et l’enclume. La situation est très difficile pour eux.  

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