Est-ce que la fin de l’âge de la gratuité est venue sur le web ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le web n’a jamais été véritablement gratuit.
Le web n’a jamais été véritablement gratuit.
©DR

Game over

L’avenir du web gratuit s’assombrit. La multiplication des plateformes payantes est une réalité qui se dessine plus certainement de jour en jour, remettant en cause l’un des principes fondateur d’Internet : la gratuité.

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin

Bertrand Duperrin est directeur au sein du cabinet Nextmodernity et blogeur. Il est un des spécialistes français de l’évolution conjointe des modes de travail et des technologies.

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Le web tel que nous le connaissons n’existerait pas sans la gratuité. Sans elle, aucun des services à succès d’aujourd’hui n’aurait pu se lancer, tâtonner et trouver son modèle tout en attirant une masse critique d’utilisateurs, conditions indispensable du succès. Mais au fur et à mesure que les offres payantes se multiplient, certains commencent à se demander si la gratuité du web n’est pas en grand danger, si elle ne sera pas demain qu’un lointain souvenir.

D’un certain point de vue la gratuité du web n’est qu’une affaire de point de vue. A partir du moment où le fonctionnement d’un service a un coût, il n’est pas gratuit. Reste à savoir qui paie. Cela peut être l’offreur du service qui décide d’en financer le fonctionnement seul en attendant d’avoir un produit fini et/ou une masse critique d’utilisateurs monétisables. Cela peut être des annonceurs par le biais de publicités. Cela peut enfin être l’utilisateur sur un mode contributif (comme wikipedia) ou commercial (commes les abonnements premium sur Linkedin ou Viadéo). C’est enfin d’autres entreprises ou services auxquels seront revendues les données personnelles captées par le site en question.

Le web n’a jamais été véritablement gratuit. Il l’a été en apparence pour l’utilisateur qui payait inconsciemment avec des monnaies virtuelles, son attention pour les publicités et ses données. Aux propriétaires des sites d’échanger cette monnaie virtuelle contre des espèces sonnantes et trébuchantes auprès des partenaires et annonceurs mentionnés plus haut.

Aujourd’hui ces sites se demandent comment faire croitre leur revenu une fois qu’une masse critique d’utilisateurs a été atteinte. La voie généralement choisie est celle de contenus ou services premiums non pas en remplacement mais en complément de l’offre gratuite en espérant qu’une part importante de leurs utilisateurs, en quête de qualité, souscrira à ces offres. Ce n’est donc pas tant la fin du gratuit que le développement du payant auquel nous sommes en train d’assister. Reste à savoir si demain la qualité ne sera pas nécessairement payante.

Mais les opérateurs de services web ne sont pas les seuls responsables de cette tendance. L’internaute réagit de plus en plus mal aux publicités – voire les bloque – et se soucie de plus en plus de l’utilisation faite de ses données personnelles. Or selon l’adage bien connu, « lorsqu’on ne paie pas pour un produit c’est qu’on est le produit ». Les vrais clients des géants du web (et d’autres) ne sont pas les utilisateurs mais ceux qui diffusent les publicités et achètent les données. On est à un cap ou l’utilisateur se rebelle également contre son statut de produit, demande plus de considération et de respect pour sa vie privée et ses données personnelles. Ce qui aura également un coût et réduit la capacité de monétisation du site. De nouveaux équilibres sont donc à trouver entre la vie privée des uns et le développement des autres, sans qu’on sache encore trop comment les concilier à un prix acceptable sans pénaliser aucune des parties.

Et puis il y a la tendance inverse, dont on parle moins mais qui un jour risque de se retourner contre les acteurs du web : le tarissement de ces contenus qu’ils monétisent. Comme l’explique cet article de la Harvard Business Review, plus les services web essaient de monétiser les contenus générés par leurs utilisateurs moins ces derniers ont envie de partager. Avec la réaction en chaine que l’on imagine quant aux revenus des sites concernés. Un aspect du phénomène de la « seconde économie » mis en avant par McKinsey, analyse selon laquelle le web vit aujourd’hui du travail de petites mains invisibles qui créent, partagent et travaillent insconsciemment et bénévolement pour d’autres, détruisant peu à peu les emplois qui sont les leurs et affaiblissant leurs revenus sur le long terme. Une logique qui peut les amener à réclamer une part de la valeur qu’ils contribuent à créer ou à se retirer de ce web participatif qui, finalement, n’a pas trouvé de business model équitable pour ceux qui sont à la base de la création de valeur des autres et s’appauvrissent à mesure qu’ils contribuent au succès d’autrui. Se retirer mais pour quoi faire ? Rejoindre des plateformes payantes ? Monnayer leurs contenus ? Il est trop tôt pour le dire. Imaginez une seule seconde que des dizaines de millions d’utilisateurs boycottent Facebook, Twitter ou cessent de bloguer pendant une semaine. De quoi provoquer un mini crack boursier au travers d’un printemps du web social ?

La gratuité absolue n’a donc été qu’une illusion remise en cause par les besoins économiques des uns et la recherche d’un nouvel équilibre entre vie privée et utilisation d’un service pour les autres. Si le gratuit ne disparaitra pas d’aussitôt la qualité des contenus et le respect de la vie privée vont, eux, devenir payante. D’ailleurs ils le sont déjà. La grande interrogation à long terme est davantage de savoir dans quelle mesure ça n’est pas l’internaute, rouage indispensable du système, qui ne va pas mettre fin à sa propre gratuité un jour ou l’autre.

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