En dépit du risque d'embrasement mondial, le marché du pétrole ne panique pas encore !<!-- --> | Atlantico.fr
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La grande majorité des pays arabo-musulmans sont sur une ligne de crête qu'ils essaient de protéger.
La grande majorité des pays arabo-musulmans sont sur une ligne de crête qu'ils essaient de protéger.
©MARWAN NAAMANI / AFP

Atlantico Business

Contrairement à ce que beaucoup d'économistes craignaient, le prix du pétrole n'a pas explosé depuis le déclenchement tragique du conflit entre Israël et le Hamas. La raison marque les limites que les grands acteurs mondiaux se sont fixées dans leur engagement actuel.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout va dépendre de la suite des événements, mais depuis le début de ce conflit entre Israël et le Hamas, le prix du pétrole ne s'est pas envolé. Il a pris quelques centimes mais pas au-delà des 90 dollars le baril.

L'évolution du prix du pétrole fait l'objet de toutes les analyses en profondeur du comportement réel des grands producteurs de pétrole du Moyen-Orient et permet d’anticiper leur engagement réel.

La majorité des économistes et des traders se souviennent de ce qui s'était passé au lendemain de la guerre du Kippour, puisque le prix du pétrole a été multiplié par 4 et qu'il est resté durablement élevé. On se souvient que ce quadruplement du prix du pétrole brut avait signé un changement de modèle économique dans tout l'Occident. Il fallait s'y habituer parce que les pays de l'OPEP, les vrais auteurs de ce bras de fer, n'ont jamais lâché prise.

La semaine dernière, alors que les images de la tragédie mortifère, inondaient le monde entier, nourrissant la perspective d'une vengeance israélienne à la mesure de l'horreur qui avait été infligée par les terroristes du Hamas, le prix du pétrole a bougé, certes, mais cette évolution est restée très amortie, alors même que trois des plus gros producteurs sont impliqués dans le conflit.

L'Arabie saoudite d’abord est très attentive à ce qui se passe en Palestine, l'Iran est très proche du courant armé du Hamas ou du Hezbollah au nord d'Israël, et enfin le Qatar, où les principaux dirigeants du Hamas et des Frères musulmans sont hébergés.

Cette évolution relativement maîtrisée au niveau du prix et des livraisons est assez surprenante, puisque ces 3 producteurs importants d'hydrocarbures (pétrole et gaz) qui ont des liens assez étroits avec le Hamas, ne sont pas intervenus sur le marché.

En 1973, les pays de l'OPEP avaient réduit leur production très brutalement pour sanctionner les alliés d'Israël, c'est-à-dire les pays occidentaux. Si les prix ont bougé la semaine dernière, c'est uniquement à cause des spéculateurs qui imaginaient une contagion très rapide, mais ils se sont calmés très vite.

En réalité, la contagion au reste du monde via le pétrole et les impacts économiques n'est pas inscrite dans la plupart des scénarios possibles.

L'Iran, par exemple, et c'est de notoriété publique, a fourni le Hamas en armes de toute sorte, assez sophistiquées d'ailleurs, sans parler de l'entraînement des organisations militaires. L'Iran est donc ciblé par la communauté internationale et notamment les États-Unis. L'Iran, qui est déjà sous un régime de sanctions, n'a aucun intérêt à braver les forces internationales. D'autant que la production pétrolière de l'Iran est déjà contingentée. Que les ayatollahs ferment les vannes, cela ne mettra pas à genoux les économies occidentales, mais cela risquerait d'asphyxier leur régime parce qu'ils ont besoin de vendre leur carburant.

Le rôle de l'Arabie saoudite est beaucoup plus ambigu. L'Arabie saoudite est le premier producteur mondial. L'Arabie saoudite est en mesure de fixer le prix mondial du brut, mais là encore, si l'Arabie saoudite déclare son soutien à la cause palestinienne, l'Arabie saoudite a besoin de protéger son commerce avec l'Occident, et a besoin de sécuriser les investissements colossaux réalisés en Europe et aux États-Unis. D'où les efforts consentis avant le conflit, par l'Arabie saoudite pour trouver un compromis avec Israël capable de normaliser la situation, mais c'était avant le déclenchement des attentats du Hamas.

Le Qatar, de son côté, qui a également d'importants deals financiers avec les Européens. Le Qatar a quelques liens avec les Frères musulmans, le Qatar abrite les dirigeants du Hamas, mais le Qatar protège aussi ses intérêts en Occident. D'où les limites qu'il mettra à son engagement.

La grande majorité des pays arabo-musulmans sont sur une ligne de crête qu'ils essaient de protéger. Leurs gouvernements sont en lien avec l'Occident pour des raisons économiques et financières, mais leurs opinions publiques sont très sensibles à ce qui se passe avec les Palestiniens. Les opinions publiques ne font pas la distinction entre les courants islamiques qui seraient plutôt responsables et les courants terroristes transnationaux (Hamas, État islamique, Hezbollah, Daesh...). Ces gouvernements de pays musulmans, au Moyen-Orient comme au Maghreb, sont d'autant plus prudents, voire frileux, face aux manifestations islamistes, qu'ils gèrent des régimes autoritaires. N'étant pas démocrates, n'ayant pas d'élections, ni de courants d'opposants qui peuvent s'exprimer, ils observent l'état de la rue. Parce que l'opposition s'exprime dans la rue et que la rue peut être manipulée par les courants les plus radicaux.

Cette situation peut paraître très ambiguë aux Européens ou aux Américains, mais en fait elle donne aux gouvernements occidentaux un moyen de savoir ce qui se passe derrière les lignes palestiniennes, et un moyen aussi de négocier. La négociation pour la libération des otages passera sans doute par l'émir du Qatar.

Le problème serait très différent si le conflit israélo-palestinien débordait sur le détroit d'Ormuz. C'est par le détroit d'Ormuz, au sud de l'Iran, que transite le tiers du transport du pétrole mondial. Dans ce cas-là, le monde entier serait concerné et le prix du brut s'envolerait très certainement.

L'autre facteur de contrôle de la stabilité  du marché du pétrole est porté par la conjoncture économique. Depuis le début de l'année, on assiste à un affaiblissement de la demande mondiale. La croissance est en berne partout dans le monde, en raison de l'essoufflement de la reprise après la COVID, mais aussi peut-être par un début d'effet des mutations écologiques qui font qu'à croissance égale, on consomme moins d'énergie fossile. À vérifier à moyen terme.

Dernier facteur d'influence sur le marché du pétrole, la panne d'activité des Chinois. Les Chinois sont perdants sur le commerce extérieur, puisque les productions se relocalisent vers les centres de consommation, mais ils ont aussi des pertes sur le marché intérieur qu'ils hésitent toujours à libérer pour des raisons politiques. Les régimes autoritaires n'ont jamais été à l'aise avec les leviers de croissance liés au rôle du consommateur. Pour une raison très simple, la consommation est un marqueur de liberté individuelle. Et Pékin n'aime pas trop gérer des ouvertures aux libertés individuelles.

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