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Emmanuel Macron, sa déclaration de patrimoine et le Parquet national financier
©Reuters

Very Bad Marche

La déclaration de patrimoine d'Emmanuel Macron lors de son entrée au gouvernement suscite des questions. Le PNF a été saisi pour enquête, tout comme le HATVP, mais aucun des deux n'a donné suite à ces soupçons pour le moment. Décryptage.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier est Avocat, fondateur & coordinateur pédagogique du diplôme Start-up Santé (bac+5) à l'Université Paris Cité. Il est également Président de l'UNPI 95, une association de propriétaires qui intervient dans le Val d'Oise. Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Atlantico Rédaction

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En août 2014, à son entrée au gouvernement, Emmanuel Macron déclare son patrimoine. On y retrouve un appartement, deux assurances-vie, plusieurs comptes bancaires et une voiture pour un montant total de 1.2 million d'euros environ. Il faut soustraire à cet ensemble une dette d'environ un million d'euros soit une déclaration totale de patrimoine de 156 000 euros.

Paul Mumbach, candidat des Maires en colère, Jean-Philippe Allenbach, président du mouvement Franche-Comté et Serge Grass, président de l'Union Civique des Contribuables Citoyens (U3C), estiment que l'écart entre les revenus qu'Emanuel Macron a déclaré avoir perçu entre 2009 et 2014 (lors de son passage chez Rothschild & Cie et en tant que secrétaire général adjoint à la présidence de la République) est trop important. Entre 2009 et 2014 (avant qu'il ne devienne ministre de l'Economie) le candidat aurait cumulé près de 3.3 millions d'euros (1.8 million en tenant compte des impôts).

Le 14 février, les trois hommes décident alors d'adresser un courrier directement à Emmanuel Macron et à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique (HATVP). "Où est passé la différence ? s'interroge Jean Philippe Allenbach, Comment a-t-il pu déclarer si peu en 2014 après avoir gagné 3 millions ? Pour moi, il y a eu fausse déclaration et c'est un délit pénal."

Sans réponses de la part de la HATVP, ils décident de renvoyer ce même courrier au Parquet national financier qui reste muet. Comme l'explique Le Monde dans un article 8 mars, il manque des éléments pour répondre à cette question, éléments que la loi n'oblige aucunement au candidat de fournir.

Un proche d'Emmanuel Macron expliquait à Mediapart que "Si le procès qu'on veut faire à Emmanuel Macron, c'est qu'à 35 ans il a eu le goût de dépenser son argent, il n'y a rien là de répréhensible". Et son porte-parole Sylvain Fort, interrogé par le JDD le 19 février, ajoute que « pendant les années Rothschild, Emmanuel Macron a adapté son train de vie à ses revenus et il a donc pas mal dépensé ». L’écart s'expliquerait donc par les dépenses personnelles de l'ancien ministre. C'est trop gros pour M Allenbach : "Comment a-t-il pu dépenser quasiment intégralement 1.8 millions d'euros sur quatre ans ? Ca n'est pas possible. Il a forcément mis une partie de l'argent quelque part !"

Interrogée par Atlantico, la Haute Autorité a affirmé avoir pris connaissance de la demande de vérification des plaignants comme le veut la procédure. En revanche, l'organisme déclare ne pas avoir autorité pour communiquer tous les éléments de leur enquête, étant liés par le secret professionnel. Elle a rappelé qu’en aucun cas elle ne pouvait prendre la place de l’administration fiscale et que c’est bien cette dernière que le dossier concerne, la HATVP étant uniquement en charge des patrimoines. Au cas d'espèce, la HATVP assure avoir "fait (son) travail", et qu'il n'y avait dès lors "rien à dire" sur le cas Macron.Elle a depuis supprimé la déclaration de patrimoine d'Emmanuel Macron de son site internet. Une pratique normale puisque les déclarations ne sont visibles par le public que pendant l'exercice du mandat et six mois après la fin des fonctions. La déclaration est toutefois toujours consultable sur le cache du site internet.

Le Parquet national financier, lui, s'il n'a pas adressé de réponse aux trois plaignants, a déclaré dans l'Express avoir bien pris connaissance de leur courrier et répond : "nous sommes confrontés à une impossibilité d'agir, car le fait d'omettre ou de diminuer les sommes dans sa déclaration auprès de la HATVP est une infraction pénale pour laquelle nous ne sommes pas compétents, quel que soit le caractère sérieux ou non des faits dénoncés".

Sur un tout autre registre, un fin connaisseur du contrôle de la transparence des personnalités politiques pointe pour Atlantico les sommes perçues par l'ancien ministre de l'Economie lors de la réalisation d'importantes opérations pour le compte de la banque Rothschild. En effet en 2012, la banque d'affaire est mandatée pour la cession des actifs de Nestlé au laboratoire pharmaceutique Pfizer pour un montant de 9 milliards d'euros, et c'est Emmanuel Macron qui est aux manettes. Dans une opération de cette envergure, la banque aurait pu recevoir entre 1,5% et 3% de la transaction sous forme de commission. Et cela pose une question : combien la banque a-t-elle effectivement reçue ? Et quelle commission l'ancien ministre a-t-il réussi à négocier, chose commune dans pareille situation ? Surtout la question qui se pose est celle du mode de rémunération. Les deux entreprises siégeant en Suisse et aux Etats-Unis, certaines rémunérations auraient-elles pu se faire en dehors de la juridiction française ? Et dans le cas d'une rémunération sous forme de dividendes (ce qui est aussi une possibilité) sur combien d'années les étalements ont-ils été prévus ? Et le juriste de conclure que derrière cette opération (qui est la principale d'Emmanuel Macron pour le compte de la banque Rothschild) pourrait exister d'autres zones d'ombres pour l'ancien ministre, qui pourraient intéresser les magistrats du Parquet national financier.

Emmanuel Macron soupçonné d'un délit de favoritisme

Plus récemment, le candidat d’"En Marche !" s'est retrouvé à son tour dans le viseur du Canard enchainé. L'ancien ministre serait selon l'hebdomadaire soupçonné par l'Inspection générale des finances d'un délit de favoritisme. Il s'agirait d'une soirée organisée à Las Vegas, le 6 janvier dernier, en marge du Consumer Electronics Show (CES) où s'était rendu Emmanuel Macron. Il aurait ainsi rencontré des entrepreneurs français à l'occasion de cette fameuse soirée.

"Cette opération de séduction, montée dans l'urgence, à la demande expresse du cabinet du ministre, a été confiée au géant Havas par Business France (l'organisme de promotion de la French Tech dépendant de Bercy) sans qu'aucun appel d'offres ait été lancé", affirme Le Canard enchaîné. Coût de l'opération : "381 759 euros, dont 100 000 rien que pour l'hôtel, où la moindre chambre était facturée plus de 300 euros la nuit." Pour l'Inspection générale des finances, il pourrait bien s'agir d'un délit de favoritisme.

Atlantico : Au regard des différents soupçons suscités par la déclaration de patrimoine de l'ancien ministre, qui aujourd'hui pourrait effectivement se trouver compétent pour s'en saisir entre l'administration fiscale, la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique et le Parquet national financier ? Pour le cas du soupçon de favoritisme lié à la visite d'Emmanuel Macron à Las Vegas, le Parquet national financier est-il là aussi compétent ?

Thomas Carbonnier : Depuis la loi Sapin 2, le PNF dispose de compétences élargies qui englobent les délits fiscaux (y compris les montages complexes, fraude fiscale). A ce titre, le PNF pourrait se déclarer compétent pour ouvrir une enquête et investiguer sur une éventuelle dissimulation de tout ou partie des revenus de M. Emmanuel Macron. En effet, il y a incohérence entre le faible patrimoine déclaré par M. Emmanuel Macron et ses hauts revenus perçus au cours des années passées chez la banque d’affaires Rothschild. Il paraît peu crédible que M. Emmanuel Macron ait pu dilapider l’essentiel de ses revenus en si peu de temps…

La question est de savoir si M. Emmanuel Macron aurait simplement omis de déclarer une partie de son patrimoine ou s’il aurait eu recours à des montages fiscaux complexes. Dans ce dernier cas, le PNF pourrait confier à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales une mission d’enquête. En effet, cet office est compétent dans les domaines de la corruption nationale et internationale, les atteintes à la probité, les infractions au droit des affaires, la fraude fiscale complexe et le blanchiment de ces infractions. Il a également compétence en matière d’infractions en matière de financement de la vie politique et délits de fraude électorale lorsque les affaires sont ou paraissent d'une grande complexité, ainsi qu’au blanchiment de ces infractions et aux infractions qui leur sont connexes

Toutefois, l’administration fiscale peut également agir de son côté. Elle peut investiguer au moyen des contrôles classiques (examen de situation fiscale personnelle) sans le concours du Parquet. Elle peut également vouloir engager des poursuites pénales. Toutefois, le ministère public ne peut poursuivre devant, le Tribunal Correctionnel, qu’après avoir obtenu un avis conforme de commission des infractions fiscales. En l'absence d'avis conforme de cette commission, toute plainte pénale déposée par la direction générale des Finances publiques serait jugée irrecevable.

Pour le cas du soupçon de délit de favoritisme de l'ancien ministre concernant l'organisation d'une soirée à Las Vegas en 2016, le Parquet national financier est ici indéniablement compétent. D'ailleurs, il a déclaré attendre de "nouvelles informations" de la part de l'inspection générale des finances.

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