Emmanuel Macron / Marine Le Pen : qui est le plus affaibli après les régionales ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Emmanuel Macron sur le plateau d'une chaîne de télévision avant un débat.
Marine Le Pen et Emmanuel Macron sur le plateau d'une chaîne de télévision avant un débat.
©ERIC FEFERBERG / POOL / AFP

LREM - RN

Au terme du second tour des élections régionales et départementales, les contours du paysage politique se précisent. L’abstention massive et les mauvais scores enregistrés par les listes de La République en marche et du Rassemblement National laissent planer un doute sur la persistance du duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour 2022.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Dernier scrutin avant la présidentielle, les Régionales ont été marquées par une forte abstention mais surtout par une déroute du parti de la majorité présidentielle et du Rassemblement national qui espérait la présidence de plusieurs régions. Entre les deux candidats (Marine Le Pen et Emmanuel Macron) qui sort le plus affaibli des régionales ? 

Arnaud Benedetti : L’échec est partagé. Pour le Rassemblement national, la question est celle non pas tant de son incapacité à gagner un exécutif régional, même si cette réalité réactive l’idée d’un plafond de verre dont les conséquences psycho-politiques ne doivent pas être négligées pour l’avenir, que le fait qu’il n’a pas été en mesure de mobiliser ses bases sociologiques. L’erreur pour la formation de Marine Le Pen serait de considérer à mon sens que tout ceci est exclusivement structurel, même si cela l’est pour une part . La banalisation de l’offre mariniste a affaibli l’attractivité de celle-ci, dans un système de représentations où la crédibilité de cette même offre est par ailleurs contestée. Ces deux paramètres sont à n’en pas douter à prendre en compte pour expliquer le reflux du vote RN. 

Pour les partis de la majorité, qui avaient nationalisé le scrutin en envoyant nombre de ministres sur le terrain, c’est l’aveu délibéré de leur inaptitude à construire un réseau d’élus locaux, mais aussi la limite d’une stratégie centrale. Avant les élections régionales, l’idée dominante était de considérer que la droite républicaine était prise en étau et que la gauche était marginalisée. La réalité post-régionales qui s’impose dans l’immédiat, même s’il faut rester très prudent, c’est une forme de cornerisation du macronisme qui n’est pas parvenu à renouveler le jeu politique et qui retrouve à ce stade l’étiage minoritaire des partis centristes qui l’ont précédé historiquement, mais sans implantation contrairement à ces derniers.  

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Une des forces du RN était de capitaliser sur les insatisfaits, les résultats montrent que le parti de Mme Le Pen n’a pas su surfer sur ce mécontentement. Quelles sont les raisons d’un tel échec ? 

il faut comprendre que si les électeurs ne font pas l’effort de se déplacer pour venir déposer un bulletin de vote en votre faveur alors qu’ils avaient toutes les raisons socialement de le faire, c’est qu’en effet quelque chose n’a pas marché. Pour l’instant, le discours officiel du RN est de dénier sa propre responsabilité dans cet échec, ce qui peut se comprendre à moins d’un an de l’échéance présidentielle. Pour autant dans un contexte de crise démocratique majeure comme le montre le taux d’abstention historique de ces élections, il y a de la place pour une offre en mesure d’incarner la rupture. Le problème du RN c’est qu’il ne parvient pas à ce stade à l’incarner : son drame est de s’être indifférencié sémantiquement, sans gagner quoique ce soit en acceptabilité et dynamique électorale! Force est de constater qu’il a subi la double peine : désaffection liée en parti à l’affadissement de son discours et réactivation de l’électorat le plus hostile à son offre car le plus politisé dans un contexte d’hyper-abstention. Sur l’Europe, sur la relation à l’islam, Marine Le Pen a donné tellement de gages à sa course au centre qu’elle a oublié sa base électorale, plus radicale : c’est la rançon de la dédiabolisation. Mais l’exercice est difficile, car faute aussi de cet aggiornamento, elle donne des armes à ceux qui ont tout intérêt à dénoncer un RN, héritier sulfureux du FN. Quelque part Marine Le Pen s’est construite elle-même une sorte d’injonction contradictoire assez piégeante pour le moment.

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Entre les deux forces politiques, qui a le plus la capacité de rebondir pour affronter la présidentielle ? Laquelle de ces forces a le plus d’armes pour se réinventer ? 

Il faut d’abord relativiser ce qui s’est passé. C’est de bonne guerre pour les partis dont les candidats l’emportent de tirer à eux la couverture de ce succès. Mais c’est un succès sur un tas de décombres. L’abstention épaisse doit rendre modeste car elle s’accompagne d’un processus de désaffiliation aux institutions qui interroge la classe politique dans son ensemble. Qu’ont dit finalement les électrices et les électeurs ? Qu’ils ne croyaient plus au vote, qui est la clef de voûte la démocratie. Ensuite bien évidemment se pose naturellement la question de la suite ; sur le plan de la communication politique qui n’est pas forcément celui de la politique telle qu’elle se développe, ces élections l’ont encore démontré, les offres victorieuses, celles de Bertrand ou de Wauquiez, ont incontestablement marqué un point. À n’en pas douter, il s’agit d’un levier précieux pour redonner du jeu, réouvrir le champ des possibles et imposer ainsi une nouvelle lecture de la situation. Paradoxalement, même si la défaite est plus cuisante pour la macronie, c’est le RN et Marine Le Pen qui sortent à première vue plus affaiblis. Une force d’opposition qui ne gagne pas, qui stagne, voire recule alors qu’elle est opposante c’est un double échec : échec dans sa stratégie d’implantation et échec dans sa crédibilité à incarner une opposition. D’autant plus que la concurrence de la droite républicaine réapparaît... Pour autant l’extrême fluidité et volatilité de la situation peut à 10 mois de l’échéance présidentielle nous réserver bien des surprises ; et l’affaiblissement du RN n’indique en rien si celui-ci est conjoncturel ou structurel. 

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