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Elections locales en Grande-Bretagne : quand l’antisémitisme d’une partie de la gauche s’immisce dans la campagne
©REUTERS/Stefan Wermuth

Shocking, isn't it ?

Alors que les Londoniens sont appelés aux urnes ce jeudi pour désigner le maire qui succédera à Boris Johnson, l'antisémitisme d'une partie de la gauche britannique s'est invité dans la campagne entre le travailliste Sadiq Khan et le conservateur Zac Goldsmith.

Bruno Bernard

Bruno Bernard

Anciennement Arthur Young.
Ancien conseiller politique à l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris, Bruno Bernard est aujourd'hui directeur-adjoint de cabinet à la mairie du IXème arrondissement de Paris.

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Atlantico : Jeudi 27 avril, Ken Livingstone (ancien maire de Londres) a été exclu du parti travailliste pour avoir déclaré que Hitler "soutenait le sionisme". L'ancien Premier ministre travailliste Tom Harris a récemment déclaré que le parti avait "un problème avec les juifs". Existe-t-il effectivement une certaine frange antisémite au sein du parti travailliste anglais ? Dans quelle mesure cet antisémitisme de gauche est-il un phénomène nouveau ?

Bruno Bernard :Avant toute chose, je récuse l’idée qu’il n’existe pas un antisémitisme de droite ou de gauche, l’antisémitisme existe et il peut prendre plusieurs formes selon les franges de la société mais il demeure avant tout fondé sur la haine du juif.

Dans les partis de gauche européens ou autres, l’antisémitisme se justifie en utilisant le cliché éculé du juif capitaliste exploiteur et de manière plus contemporaine en confondant à dessein juif et israélien. A mon sens, si le droit de critiquer la politique menée par l’Etat d’Israël comme celle de tous les autres Etats existe, celui d’assimiler tous les juifs à celle-ci est une forfanterie intellectuelle et une faute morale. Les partis de gauche ne justifiant leur existence que par l’existence de nouvelles "victimes" à défendre, les Palestiniens étaient des candidats parfaits pour endosser ce rôle, même si au final pas un gouvernement de gauche européen n’a apporté de solution à la tragédie palestinienne.

L’antisémitisme du parti travailliste britannique est donc un mélange de vieil anti capitalisme marxisant allié à un tiers-mondisme revisité et adopté par un électorat musulman très réduit mais extrêmement visible qui en a fait un critère essentiel de choix politique.

Cet antisémitisme se retrouve-t-il au sein d'une partie de l'électorat travailliste britannique ? Quelles sont les catégories sociales et/ou culturelles les plus concernées ? A quel point est-il devenu un véritable enjeu électoral ?

L’aile la plus dure du parti travailliste, revenue dans le sillage de Jeremy Corbyn, est devenue très visible. La disparition, relative, des "Blairites" donne l’impression que le Labour est submergé par une vague radicale où l’antisémitisme joue un rôle prégnant. Il existe certes un faible électorat travailliste musulman qui au nom de la cause palestinienne se livre à des dérives anti-israéliennes pouvant aller jusqu’à l’antisémitisme, notamment sur les réseaux sociax. Celui-ci est représenté par des élus locaux, eux-mêmes musulmans, voire nationaux comme la député Naz Shah qui, sur les réseaux sociaux, dérapent, ce qui entraîne leur suspension mais ne règle en rien le problème. Ainsi, 50 membres du Labour auraient ainsi été suspendus pour remédier à la crise actuelle alors que celle-ci est plus profonde car elle est celle d’une certaine gauche qui dans les années 1970 a pris fait et cause pour les mouvements palestiniens et qui n’a jamais su ou voulu évoluer depuis cette époque. Aujourd’hui, il est impossible de dire quel impact électoral cela aura sur un parti qui ne s’est toujours pas relevé de la défaite aux élections législatives de 2015. On peut néanmoins prédire que cela ne va pas le renforcer, que ce soit pour les élections locales ou le référendum pour le Brexit.

Ce jeudi sera élu le successeur de Boris Johnson à la mairie de Londres. Quel effet pourraient avoir les récentes sorties antisémites de certaines figures du parti travailliste sur le candidat Sadiq Khan, qui jouissait jusqu'ici de quelques points d'avance sur son rival conservateur Zac Goldsmith ?

La campagne entre M. Khan et M. Goldsmith n’a pas été une campagne propre, notamment du fait de l’implication de Lynthon Crosby, l’homme derrière la victoire des conservateurs en 2015, en faveur de M. Goldsmith. Ainsi, les conservateurs n’ont pas hésité à cibler les sikhs, hindous et musulmans de la capitale britannique avec des messages très négatifs, jouant sur les réflexes historiques de communautés qui se sont déchirées par le passé, obligeant Zac Goldsmith, un conservateur de centre-droit plutôt écolo, à répondre à la question : "Êtes-vous raciste ?".

C’est désormais au tour de M. Sadiq Khan, avocat spécialisé dans les droits de l’homme, ancien ministre, de confession musulmane, de devoir se défendre de tout antisémitisme en tant que candidat travailliste.

Le résultat de cette bataille de chiffonniers où tous les coups sont permis sont généralement une plus faible mobilisation de l’électorat, dégoûté par l’ambiance de l’élection, ce qui aura un impact crucial pour Khan, qui en tant que proche d’Ed Miliband, porte encore les stigmates de la lourde défaite de 2015.

On sait aussi qu'une partie de la gauche française colporte volontiers un certain nombre de préjugés antisémites. Quelle importance a-t-elle ? Ce phénomène est-il également susceptible d'avoir des conséquences à l'occasion de prochaines échéances électorales ?

L’antisémitisme présent dans la gauche française, notamment chez certains écologistes et dans les partis d’extrême-gauche, a les mêmes racines que celui présent dans le parti travailliste : anticapitalisme, anti-impérialisme (nouveau nom du tiers-mondisme), le musulman qui devient l’incarnation du damné de la terre si cher à l’imagerie de la gauche.

Le paradoxe de la gauche française est qu’à chacune de ses arrivées au pouvoir elle incarne un véritable espoir dans la population : espoir d’une amélioration du quotidien, espoir d’une société plus apaisée... Ceux-ci sont nombreux et l’exercice de ce pouvoir déçoit toujours profondément. Tellement profondément qu’il faut à chaque fois un long passage d’une droite souvent brutale mais peu efficace pour redonner envie à une majorité de la population de voter à nouveau à gauche. C’est cette déception qui a eu, a et aura toujours des conséquences sérieuses électorales pour la gauche française. Et la notion, vantée par Terra Nova, qui veut que les populations musulmanes françaises soient structurellement des électeurs de gauche car immigrées ou issues de l’immigration, indépendamment du nombre de générations, est une erreur d’appréciation majeure, comme on l’a vu à l’occasion de la loi sur le mariage pour tous et son impact dans l’électorat musulman.

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