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Election présidentielle en Pologne : l’occasion pour la France d’un nouveau départ avec Varsovie
©WOJTEK RADWANSKI / AFP

Politique européenne

En Pologne, le président sortant est arrivé largement en tête au premier tour de la présidentielle ce dimanche. Andrzej Duda, du parti national-conservateur Droit et justice devance son rival de l’opposition libérale, le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski. La Pologne pourrait être un atout de la politique européenne de la France.

Alexandre Massaux

Alexandre Massaux

Alexandre Massaux est doctorant en affaires internationales et analyste du Millénaire, think-tank spécialisé en politiques publiques et travaillant à la refondation de la droite.  

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Ce dimanche 28 juin s'est déroulé le premier tour de l’élection présidentielle en Pologne. Le système politique du pays étant un régime semi-présidentiel, le gagnant de cette élection jouera un rôle non négligeable dans la gouvernance de la Pologne. Peu importe le résultat, la France devra profiter de la légitimité du président élu ou réélu pour renforcer la coopération entre Paris et Varsovie en l’adaptant à son interlocuteur.

Deux candidats se démarquent, chacun affilié aux principaux partis polonais. D’un côté, l’actuel président Andrzej Duda se représente et est membre du parti conservateur Droit et Justice (PiS). En face de lui se trouve Rafal Trzaskowski, actuel maire de Varsovie, ancien Ministre de l'Administration et du Numérique sous le gouvernement de Donald Tusk et membre du parti centriste Plateforme Civique (PO).

Un pays avec un fort potentiel marqué par des polémiques

Cette élection intervient en période de crise économique et sanitaire mondiale. Pour autant, la Pologne présente un fort potentiel économique. Avant la crise, elle était un des pays ayant une des plus fortes croissances au sein de l’UE avec 5,3% en 2018 et 4,1% en 2019. De même, son chômage était le troisième plus faible d’Europe après la République tchèque et l’Allemagne avec 3,9% en 2018 et 3,3% en 2019. La Pologne n’échappe pas à la crise économique provoquée par les confinements et la suspension de nombreuses activités économiques. Toutefois, les premiers chiffres et estimations montrent que le pays va être moins touché que ceux d’Europe occidentale : au premier trimestre 2020 et selon Eurostat, la Pologne connaît une contraction de -0,5% (en comparaison l’Allemagne est à -2,2% et la France à -5,8%). Quant aux dernières prévisions du FMI de juin 2020, il est prévu que la Pologne enregistre au total une récession en 2020 de -4,6% (-7,8% en Allemagne et -12,5% en France). La Pologne est ainsi un pays en crise mais dans une situation moins difficile que d’autres pays européens.

Si les candidats doivent tenir compte de ces questions économiques, le débat tourne aussi autour de questions sociales et politiques. La polémique autour de la réforme judiciaire est toujours vive et d’actualité: cette réforme, lancée par le PiS, visait selon eux à purger la justice (dont la Cour suprême) de juges issus du régime communiste. L’opposition, dont le PO, voit, en celle-ci, une stratégie pour mettre la justice entre les mains de magistrats fidèles au PiS. Cette position est également soutenue par les institutions européennes qui ont déclenché le processus de sanctions contre la Pologne depuis 2016. A cette question, s’ajoute une polémique sur les LGBT : Andrzej Duda est plus que critique vis-à-vis d’eux à l’inverse de Rafał Trzaskowski qui a signé une déclaration pro-LGBT en tant que maire de Varsovie en 2019.

Droit et Justice (PiS) face à Plateforme Civique (PO) : des révélateurs géographiques et sociétaux

L’opposition entre les deux candidats s’inscrit dans une confrontation entre les deux partis majeurs de Pologne. S’il est souvent de bon ton de présenter le PO comme un parti libéral face à un PiS ultraconservateur, la réalité est plus complexe. Si le PO était originalement libéral-conservateur, la pratique du pouvoir l’a transformé en une formation plus centriste afin d’attirer des électeurs variés. Le parti s’est peu à peu éloigné d’une philosophie purement libérale pour devenir un parti populaire. Quant au PiS, s’il est clairement conservateur au niveau sociétal, il mène au niveau économique une politique sociale-démocrate. Si, pour le monde politique français voire occidental, ces deux partis sont considérés de droite (voire économiquement libéraux), leur perception en Pologne est différente.

Les précédentes élections législatives de 2019 et présidentielles de 2018 ont fait apparaître un clivage géographique et social pertinent expliquant les divisions en Pologne. L’électorat du PO se situe dans les grandes villes et dans l’ouest industrialisé du pays. A l’inverse, l’électorat du PiS se situe dans les zones moins urbanisées dans l’est de la Pologne. Une telle division fait ressortir la frontière de la Prusse puis de l’Empire allemand : les bastions électoraux du PO se situent dans l’ancien territoire allemand là où ceux du PiS se trouvent dans des régions historiquement polonaises (annexées par la suite par la Russie et l’URSS). Les résultats de l’élection présidentielle de 2020 permettront de voir si cette tendance se renforce ou change.

Deux visions en matière de politique étrangère

Cette division géographique et sociale influe sur la politique étrangère promue par les deux partis. Le PO est connu pour être europhile, germanophile et partisan du développement d’une UE plus fédérale. Le parti est membre du groupe européen PPE (dirigé depuis fin 2019 par Donald Tusk ancien premier ministre PO de Pologne). Le PiS se montre plus méfiant envers l’intégration européenne : s’il ne rejette pas l’UE, il émet des doutes quant à la centralisation de l’UE, perçue comme un outil d’influence de la France et de l’Allemagne. Le PiS possède un certain poids au niveau européen en tant que membre principal du groupe ECR : formation politique créée initialement par les conservateurs anglais. Cette différence de position influe aussi au niveau des alliances. Si les deux partis voient l’OTAN comme un outil de défense primordial, le PO reste plus enthousiaste envers les projets de défense de l’UE, à l’inverse du PiS qui compte avant tout sur le parapluie défensif américain (la visite cette semaine du président Duda à la Maison-Blanche confirme cette tendance) et cela, malgré quelques ouvertures récentes envers certains projets européens comme le Fonds Européen de Défense.

La Pologne doit être un atout de la politique européenne de la France

La diplomatie française a tout intérêt à surmonter les divisions politiques polonaises et à faire de la Pologne un allié sur la scène européenne. L’hymne national polonais fait référence dans ses paroles à Napoléon Bonaparte, un hommage à l’Empereur qui avait redonné un territoire à la Pologne à travers le Duché de Varsovie. Un héritage terni par l’inaction de la France face à l’invasion de la Pologne par Hitler et Staline en 1939. L’élection polonaise doit être une occasion pour retrouver un lien fort avec la Pologne, Etat influent en Europe centrale. Adopter une approche de confrontation ou ignorer les souhaits de Varsovie ne conduiront qu’à des blocages qui affaibliront les projets européens de la France. La visite en Pologne du président Macron au début de l’année 2020 a été une initiative positive mais qui doit se renforcer et se concrétiser par une diplomatie continue.

Pour cela, faire preuve de pragmatisme face au gagnant des élections sera nécessaire. Une victoire de Rafał Trzaskowski, europhile et ayant fait une partie de ses études en France, offrirait une facilité pour impulser une nouvelle coopération. Dans le cas d’une réélection d’Andrzej Duda, il s’agirait d’accepter le souhait des Polonais d’avoir une société plus conservatrice que nos standards français et de développer une politique de coopération reposant sur l’attachement à l’Europe.

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