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Economie collaborative : et si les banques étaient la prochaine cible pour taxer les revenus générés sur AirBnB et consorts
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Mais où est l’argent ?

Le secrétaire d’Etat au Budget a fait savoir mardi 8 décembre qu’il souhaitait contraindre les sites comme Drivy ou AirBnb à transmettre au fisc les revenus générés par leurs utilisateurs. La question est pourtant loin d’être réglée et nécessite une remise en cause global de la fiscalité sur le revenu.

Julien Gagliardi

Julien Gagliardi

Julien Gagliardi est journaliste pour Atlantico. Il couvre l’actualité des entrepreneurs et des start-up.

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S’il est une question qui provoque des migraines aux fiscalistes de Bercy depuis de nombreux mois, c’est bien celle de la taxation des revenus des ménages issus de sites comme AirBnB, Drivy ou encore Zilok. Et pour cause, 31 millions de Français auraient déjà acheté ou vendu sur une plateforme collaborative en France… Et ont donc encaissé les revenus qui vont avec. Une manne financière sur laquelle, le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert, est bien décidé à mettre la main.

En théorie, les contribuables sont tenus de déclarer le moindre euro de revenus issus de ces sites dans la mesure où il constitue un revenu. En théorie seulement, car force est de constater que les Français les déclarent peu de manière spontanée, la perte de ressource est bien réelle et non négligeable pour Bercy. "Il parait pourtant évident, dès l’instant où vous avez un  revenu en dehors du travail salarié, de respecter une forme d’imposition. Je travail donc je paie des impôts, la maîtrise du lien fiscal parait naturelle", estime l’entrepreneur Jacky Isabello, spécialiste de ces questions, qui dirige aujourd'hui l’agence CorioLink.

Si le principe semble être accepté par l’opinion publique, pas si simple de collecter ces précieux euros sans décourager leurs utilisateurs et surtout sans décontenancer les entrepreneurs à l’origine de ces sites, dont la plupart sont déjà largement échaudés par les précédentes tentatives fiscales du gouvernement.

La première incursion gouvernementale dans le monde de la taxation de l’économie collaborative remonte à septembre dernier avec le rapport d’un groupe de Sénateurs. Ces derniers suggéraient pour une "fiscalité simple, juste et efficace", de taxer seulement les revenus annuels issus de ces sites au-dessus de 5000 euros. Une proposition aussitôt enterrée par Christian Eckert. "Le salaire moyen d’un Français étant 1900 euros, la somme n’était pas négligeable. C’était à la fois pas très équitable et juridiquement un peu limite", selon l’économiste Philippe Crevel estimant surtout que la vraie raison est ailleurs. "Bercy est aujourd'hui dans une logique d’efficacité pour remplir ses caisses. On peut donc dire que l’argument juridique fonde l’objectif financier de ramener le maximum d’argent, même s’il faut reconnaître que certains utilisateurs font un vrai business avec ces sites, bien loin de la volonté de base, c’est-à-dire arrondir ses fins de mois".

La nouvelle tentative de Bercy se concentre donc sur les plateformes qui redistribuent cet argent, le secrétaire d’Etat au Budget souhaitant que les plateformes fournissent un relevé annuel des revenus à leurs usagers… et par la même occasion au fisc. Christian Eckert prévient, si les déclarations des ménages ne sont pas conformes à ceux transmis par les sites, que cela aboutirait à un contrôle fiscal. Vous ne pourrez pas dire que l’on ne vous a pas prévenu.

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"Sur l’efficacité fiscale, c’est effectivement plus simple", reconnait Philippe Crevel. "D'un côté une trentaine de millions de contribuables contre une centaine d’entreprises. Il est toujours plus facile de s’en sortir en réduisant le nombre d’interlocuteur. Cela correspond surtout à la volonté de Bercy de centraliser en amont le plus grand nombre de données fiscale, la feuille d’impôts pré-rempli étant un exemple du même genre". Si la démarche parait efficace, la question est loin d’être réglée. Reste à savoir, par exemple comment contraindre ces plateformes à transmettre leurs données, dans la mesure où elles ne sont pas toutes hébergées en France, et à quel régime doit-on imposer ces revenus.

L’autre idée qui circule chez certains observateurs, reviendrait à créer un régime spécial pour les utilisateurs des OuiCar, AirBnb et autres Costockage, sur le modèle des auto-entrepreneurs avec une fiscalité et des systèmes d’informations dédiés. Pour Jacky Isabello, "la majorité des auto entrepreneurs, déclarent en moyenne 5000 euros par trimestre. Si l'on crée un statut spécifique, il y a des risques de distorsions, des zones de concurrence avec ces auto-entreprises, qui elles-mêmes sont déjà critiquée par les artisans, qui les accusent de concurrence déloyale. La meilleure méthode consisterait finalement "à acheter" des revenus citoyens. Si ces sites et l’administration fiscale sont capables d’encourager les Français à utiliser ces sites pour générer des revenus supplémentaires, ils n’auront aucune résistance à les déclarer. Il faut responsabiliser les gens, être dans une spirale positive. On peut imaginer par exemple une progressivité dans la fiscalité. Avec des régimes différents, tout le monde va essayer de se soustraire l’impôt traditionnel", argue l’entrepreneur.

Faute de pédagogie, le gouvernement pourrait être tenté de s’attaquer, après les utilisateurs et les sites entremetteurs, au dernier maillon de la chaîne, les banques. "Aujourd'hui, on abandonne la franchise de 5000 euros pour essayer d’obtenir des renseignements. Si on n’y arrive pas, on ira taper les banques. C’est assez facile car aujourd'hui, elles sont bien plus surveillées que les entreprises. C’est d’ailleurs pour cette raison que les seuils de Tracfin ont été abaissés" analyse Philippe Crevel. "Auparavant la démarche était longue. Aujourd'hui, tout est géré via des systèmes de contrôle automatique. Il y a une véritable compétition qui s’est engagée entre les outils de contrôle numérique et la capacité qu’offre les réseaux collaboratifs à se faire oublier du fisc."

La question de la taxation des revenus issus de l’économie collaborative met ainsi en évidence la nécessité de revoir le système fiscal dans sa globalité. "Les services fiscaux ont toujours eu des problèmes avec leurs assiettes fiscales. Après la seconde guerre mondiale, la TVA était perçue sur le consommateur qui évoluait en France. Avec le développement de la consommation, cela correspondait à une réalité économique", note Philippe Crevel. "A l’heure actuelle, avec la montée de la consommation numérique, on a la possibilité d’exercer une activité tout en bénéficiant de services logés aux quatre coins planète".

S’il veut retrouver intact sa fameuse assiette, le fisc va donc devoir continuer de tester plusieurs recettes pour permettre à la fois de donner de l’appétit aux entrepreneurs français sans pour autant saler l’addition des utilisateurs contribuables hexagonaux.

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