Échec du Rafale, succès d'Arianespace : l'industrie à haute technologie n'a-t-elle d'avenir qu'au niveau européen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le consortium européen Arianespace reste le numéro un mondial incontesté pour les lancements de satellites.
Le consortium européen Arianespace reste le numéro un mondial incontesté pour les lancements de satellites.
©Reuters

Rien sans l'Europe

Alors que la France peine à vendre ses Rafales et son char d’assaut Leclerc, le consortium européen Arianespace reste le numéro un mondial incontesté pour les lancements de satellites.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Depuis des années, soit plus de trente ans, certains points-clefs des sommets des Chefs d'Etat européens comportent des mentions explicites au renforcement des politiques communes. Dans le domaine civil comme dans le domaine militaire.

Hélas, ces lignes de forces politiques sont vite battues en brèche par les intérêts immédiats des industriels nationaux. Dans le cas de la France, s'associer au projet d'avion européen (l'Eurofighter ) aurait signifié de nombreux sacrifices quant au format et aux ambitions de Dassault aviation. Notre pays a donc décidé de faire cavalier seul et de rompre les pourparlers avec nos partenaires britannique et allemand. Techniquement les équipes spécialisées de Dassault ont réussi à élaborer un appareil d'un très haut niveau technologique mais notre isolement diplomatique de départ et d'autres considérations géopolitiques ont pénalisé l'avion. Le score est sans appel et impitoyable, il n'y a pas eu de ventes de Rafale à l'export tandis que l'Etat a différé certaines commandes et minoré le nombre d'appareils confirmés à commencer par le Rafale marine.

Les deux récents exemples des prospections du Rafale en Inde et au Brésil démontrent de plus une nouvelle problématique presque insoluble. Les pays potentiellement acquéreurs sont en position de force et exigent de sérieux et tangibles transferts de technologies. Dans les deux cas, les fortes puissantes émergentes exigeaient que près de deux tiers des appareils soient assemblés chez eux et non en France.

La course en solo du Rafale a donc été nuisible à l'unité européenne tout autant qu'aux comptes de l'entreprise. D'aucuns posent ouvertement, dans les milieux spécialisés, la question de l'avenir de cette réussite technologique coagulée avec un vif échec commercial. En clair, que sera le Rafale dans cinq ans ?

En 1988, des discussions avancées ont eu lieu dans le but d'une fusion entre Renault et Volvo. Renault assurant le rôle de constructeur de volumes là où Volvo aurait assuré le haut de gamme du nouvel attelage. Là encore des questions finalement assez secondaires ont bloqué la voie du progrès par-delà la complémentarité manifeste des deux centres de recherche. Derrière cet échec se profile une image parfaitement symétrique : le rapprochement entre Audi et Volkswagen. Autrement dit, un magistral succès commercial entre un constructeur de niche (haut de gamme et sportive) et un constructeur de volumes. Tandis que Renault a désormais perdu la bataille du haut de gamme et a une stratégie low cost (Dacia) qui sera vite mise en difficulté par la montée en puissance d'industries automobiles dans les BRICS.

Les exemples de l'avion et celui de la firme au losange peuvent être complétés par l'incapacité que nos fournisseurs d'équipement ferroviaire ont manifesté lorsqu'il s'est agi de se rapprocher de Siemens pour engager une réflexion sur des grands contrats à l'export. Tristement notre TGV demeure une réussite technique mais un échec à l'export (Etats-Unis notamment) tandis que train rapide chinois récemment inauguré a été conçu à partir d'une joint-venture sino-allemande où Siemens a su tirer un grand profit de la situation.

Entendons-nous bien, il ne s'agit pas d'être ici défaitiste et "pisse-vinaigre" pour reprendre une phrase célèbre du Général de Gaulle mais les faits sont là. Froidement devant nous et notre solde dégradé de notre balance du commerce extérieur.

A l'inverse, la France et une véritable politique de coopération européenne ont permis l'émergence d'Airbus dont le succès est manifeste et où chaque partenaire a su accepter de légers renoncements à t 0 pour gagner à t + 1.

Même remarque pour Arianespace qui a su développer une gamme de lanceurs fiables et performants jusqu'à l'essor de la fameuse Ariane 5. Sans parti pris idéologique, il est clair que la dimension européenne d'un programme augmente considérablement ses chances de succès. Cela vaut pour Arianespace comme pour Astrium : filiale EADS et leader dans le domaine des satellites.

A l'opposé une stratégie de cavalier seul est désormais impossible à tenir pour notre Nation. Ne voulant pas dégarnir les maigres carnets de commandes du GIAT de l'époque, la France a développé seule un char de forte ambition : le char Leclerc. Le résultat à l'exportation est identique au Rafale et nous ne pouvons que le déplorer.

A ce jour, bien des coopérations européennes mériteraient d'être développées et encouragées au nom de la fertilisation croisée existant en phase d'élaboration et au nom du rendement accru en phase de commercialisation.

Au demeurant, et pour conclure, il est intéressant de relever que l'Europe géographique l'emporte parfois sur la seule Union européenne. Ainsi, Arianespace a construit sur le site de Kourou en Guyane un pas de tir pour des fusées Soyouz afin de pouvoir concurrencer la future émergence de lanceurs issus de pays tels que la Chine ou autre.

Dans le domaine spatial, nous avons une politique pertinente et ambitieuse avec la Russie. A l'inverse, ce grand pays vient de décliner notre offre – pourtant minutieusement laborieusement construite – d'acquérir deux navires de type Mistral.

Echec commercial, démarche en solitaire, risque en matière d'intelligence économique : bref, une trilogie qui rappelle presque cruellement la destinée du Rafale.

Quand allons-nous comprendre que notre méthode ne fonctionne pas ?  Quand allons-nous impulser une dynamique de projets au niveau européen digne de ce que seront les années 2025 ?

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