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Droits des femmes : ces impasses dans lesquelles s’enfoncent tant de batailles actuelles
©Pixabay

Egalité femmes/hommes

A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes de ce 8 mars, et à l'opposé d'une démarche actuelle qui semble vouloir opposer les deux sexes dans un objectif égalitaire, que pourraient faire les femmes pour elles-mêmes, tout en respectant ce même objectif ? ​

Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort

Viviane de Beaufort est full professeur à l’ ESSEC et co-directrice du Centre Européen de Droit et d’Economie, spécialiste des OPA.

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A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes de ce 8 mars, et à l'opposé d'une démarche actuelle qui semble vouloir opposer les deux sexes dans un objectif égalitaire, que pourraient faire les femmes pour elles-mêmes, tout en respectant ce même objectif ? ​

Viviane de Beaufort : De fait, et j’en ai encore eu un exemple sidérant lors d'un déjeuner ce jour consacré à l’apport de la mixité dans les Conseils d'Administration, et plus largement les espaces de direction. Quelques-uns commencent à exprimer de manière violente une opposition face à cette accélération de la mixité. Je cite : « Clairement, on est la génération sacrifiée, celle des hommes de 48 ans... Les femmes nous passent devant à cause des objectifs assignés par la direction. Tout ça pour affirmer une image Women friendly et répondre aux impératifs de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ».

Premièrement, les femmes doivent déjà, me semble-t-il, assumer le fait que globalement il y a un « rattrapage » : quotas, objectifs etc. et ne pas se poser de questions sur les circonstances qui font qu’elles sont promues, nommées etc. Les hommes se posent-ils ces questions ?

Deuxièmement, la question est celle des compétences mais aussi des comportements de leader : pas de revanche à prendre à l’égard de la gent masculine, travailler donc son rapport à l'autre comme individu, peu importe le genre (ou l’âge ou l’origine bref ...), il faut pacifier. On est dans le même camp que celui de l’avenir de notre équipe, département, business unit, entreprise, groupe, etc…

Enfin, plus particulièrement à l’égard des autres femmes : tendre la main, mentorer des plus jeunes ou/et en être sponsor - aider avec son propre réseau à être dans la transmission.

Bref ne pas sombrer dans le complexe de l´imposteur, ni dans la revanche. On avance et en mode collectif. Je pense sincèrement et mes travaux sur la relation des femmes au pouvoir l’ont vérifié qu’elles sont le plus souvent moins dans l’ego et le pouvoir vertical, donc plus apte à jouer collectif, embarquer tout le monde, inclus les hommes sur des valeurs et en même temps du concret.

Dans quelle mesure la loi pourrait ne pas être le meilleur outil pour changer les mentalités ? En dehors de ces solutions "par la loi" qui ne semblent pas toujours adaptées, quelles seraient les moyens de parvenir à des changements de mentalité permettant justement d’arriver à une situation plus équilibrée ?

La loi, aucune loi (et c’est une juriste qui parle) n’a jamais pu à court terme modifier une culture et/ou les mentalités. Elle crée une modification parfois brutale de situation lorsque cela est jugé nécessaire. Elle doit être comprise dans ses objectifs et respectée.

C’est l'éducation, la pédagogie, qui permettent la remise en cause des stéréotypes et des biais cognitifs et ça met plus de temps ... Donc, attention à l'éducation des tout petit, aux messages véhiculés à l'école, en famille etc. Attention aux stéréotypes véhiculés par les médias, les livres d’écoles etc. Attention aux impératifs sexués : « Tu es un garçon, tu ne pleures pas et plus tard tu seras responsable et maître de ta famille ». Attention aux stéréotypes sur le genre des métiers, aux projections sur l'ambition.

Un énorme effort est encore à faire en entreprise y inclus pour les startups pour habituer le regard à ce qu'un dirigeant en soit une - Il n’y a qu'à observer ces combats sans fin sur la féminisation des noms !

Et plus sournois encore à accepter que l’autre, si c’est une femme, ne parle pas comme un mec (trop douce), n'ait pas la même vision de la stratégie (Risk averse), n’ait pas envie d'une carrière en "mode up" (intérêt de la mission plus que gain en points de carrière), n’ait pas envie de faire une levée de fonds de 2Md quand elle a besoin de 400000E (manque d'ambition ou pieds sur terre ?) etc…

Il ne s’agit même pas d'un problème femmes/hommes mais d’une vision d'un monde obsolète versus ses nouveaux moteurs.

Il est rare de constater une franche opposition des hommes sur les questions des inégalités entre les sexes, du moins ouvertement. Dès lors, en quoi le processus d'opposition entre hommes et femmes peut-il lui aussi se révéler contre-productif ?

Il est possible, même si cela est de plus de plus rare, car cela relève d'un problème générationnel, qu'une opposition se manifeste, et elle est alors aigre et mal assumée car cela relève désormais du politiquement incorrect. Cette opposition assumée ou non, est ​​totalement contreproductive voire dangereuse​se, car elle est basée sur des postulats faux (par exemple on est en plein phantasme quand on dit qu'avec la loi sur les quotas dans les CA il n'y a plus d'administrateurs reconduits ou nouvellement nommées- regardez les chiffre SBF120 entre 2017) et elle ​crispe ​émotionnellement les rapports humains et bloque ​les évolutions souhaitables en créant une​ ambiance détestable​ de confrontations larvées. ​En tant que professeure du supérieur​ et mentor de startuppeuses, je vous adjure de vous inspirer de la génération Y​, génération ​plus mixte par essence et par leur éducation (merci aux parents ayant élevé leur progéniture dans l'égalité). Pour eux, ​le genre n'est pas une question ! Il n'y a pas cet esprit de revanche​, ils vivent l'altérité au quotidien. ​​Ainsi, les couples en double carrière gèrent très bien, chacun à leur tour, les responsabilités dites de famille (voir étude Arborus mars 2018 à laquelle je me suis associée). C'est un autre monde ​où l'individu, femme ou homme, a les mêmes perspectives avec des choix à faire et non pas "les sacrifices que vous avez faits dit Marine de Beaufort ayant elle-même choisi à 27 ans l'aventure improbable de la Startup à la confortable place de consultante senior dans un cabinet), on en veut pas garçons ou filles". On va tenter de se construire ensemble des parcours qui correspondent à nos valeurs et à nos aspirations personnelles d'individu. J'ai 57 ans et de ​plus belle leçon je n'ai pas !​

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