Doit-on refuser les « salles de shoot » ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Appelées improprement « salles de shoot », il s’agit dans l’esprit et la lettre « de salles de consommation à moindre risque ».
Appelées improprement « salles de shoot », il s’agit dans l’esprit et la lettre « de salles de consommation à moindre risque ».
©Thomas COEX / AFP

Complexité

S’il est un problème relativement inabordable dans sa complexité au sein de notre société, c’est bien celui des drogues, de leur consommation et des addictions qui peuvent en découler.

Gaël Brustier

Gaël Brustier

Gaël Brustier est chercheur en sciences humaines (sociologie, science politique, histoire).

Avec son camarade Jean-Philippe Huelin, il s’emploie à saisir et à décrire les transformations politiques actuelles. Tous deux développent depuis plusieurs années des outils conceptuels (gramsciens) qui leur permettent d’analyser le phénomène de droitisation, aujourd’hui majeur en Europe et en France.

Ils sont les auteurs de Recherche le peuple désespérément (Bourrin, 2010) et ont publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011).

Gaël Brustier vient de publier Le désordre idéologique, aux Editions du Cerf (2017).

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S’il est un problème relativement inabordable dans sa complexité au sein de notre société, c’est bien celui des drogues, de leur consommation et des addictions qui peuvent en découler, ainsi que leurs conséquences sur la vie des individus et sur la société et les communautés locales. Appelées improprement « salles de shoot », il s’agit dans l’esprit et la lettre « de salles de consommation à moindre risque ». Leur origine vient de Suisse, pays qui les a expérimentées avec un relatif succès au cours des années de croissance de la consommation d’héroïne. Il y a deux piliers intellectuels à la création de ces salles, l’un est sanitaire (sécurité des prises de drogue, par injection ou autre), l’insertion dans un processus de resocialisation.

 On peut aisément comprendre la réticence des riverains à les accueillir. On comprend moins – ou trop bien – pourquoi les pouvoirs publics locaux n’envisagent aucune démarche globale inscrite dans le temps long qui permette à notre société d’éviter tant que faire se peut ce qui peut être un véritable tsunami. Les consommations de rue, d’héroïne ou de crack – consommations qui peuvent se faire dans un cadre privé à domicile dans la majorité des cas – empoisonnent évidemment la vie des riverains, des passants, introduisent un élément de péril sur les personnes non moins évident et contribuent à entrainer les consommateurs dans une marginalisation périlleuse pour leur destin à brève échéance et potentiellement leur mort.

Une fois de plus cependant, le débat apparait compromis du faire de l’incurie et de l’absence de vision des pouvoirs publics successifs. Il y a probablement 30 à 40 000 « crackeurs » en France. Loin de reculer la « cocaine basée » progresse. Si on regarde outre-Atlantique, du fait des opioïdes et désormais, plus précisément du « fentanyl de rue », il faut convenir que… le pire est devant nous et que rien, absolument rien, n’est envisagé sérieusement par les gouvernants d’hier et d’aujourd’hui pour parer à ce qui s’annonce comme péril particulièrement funeste. Il y a toujours un risque de mourir d’une inhalation de crack, même si le danger de l’addiction rapide à cette drogue tient surtout à la désocialisation et l’affaiblissement physique qui en résulte. Les salles de consommation deviennent surtout des repères pour des addicts qui doivent être resocialisés et encadrés humainement au quotidien.

La polémique sur les salles de consommation à moindre risque nous soustrait à l’obligation de penser l’enjeu lié à l’emprise des substances psychoactive sur les sociétés occidentales. Pour l’usager de drogue, c’est-à-dire le patient, l’important est d’être le plus rapidement connecté avec des enjeux autres que la seule satisfaction de ses « besoins » en drogue. Chaque individu répond plus ou moins rapidement, selon les cas, à la proposition de rentrer dans un processus de libération de l’addiction. La question d’une mutation de notre politique sur le sujet est d’autant plus urgente qu’il y a une propagation des drogues dans l’ensemble du pays : les zones rurales redécouvrent l’héroine massivement consommée et la Polynésie française est submergée par la métamphétamine.

Nous manquons en France de médecins addictologues, d’infirmiers addictologues, de travailleurs sociaux, de psychologues spécialisés sur la question. Les moyens manquent. Les craintes des riverains sont tout à fait recevables et compréhensibles. Mais le problème vient surtout de notre manque de volonté politique, par conséquent de notre manque de moyens. Dans le même temps, les capacités de production de drogue augmentent de façon vertigineuse, Cartels et réseaux s’emparent chaque année de nouvelles molécules (2000 inventées par an), toujours plus fortes, les concentrations des principes actifs, ont déjà mis à genoux plusieurs villes de Californie (San Francisco et San Diego) mais aussi la Colombie britannique au Canada. Le premier diagnostic à porter est simple : face aux enjeux des drogues, notre pays n’est pas prêt.

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