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Docteur House et les banques espagnoles : peu importe le patient, seule la pathologie compte !
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Aïe !

L’Espagne fait ce lundi sa demande officielle d’aide pour ses banques auprès de la zone euro.

Matilde Alonso Peréz

Matilde Alonso Peréz

Matilde Alonso Pérez est professeur à l’Université de Lyon 2. Elle est spécialiste en économie de l’Espagne. Elle a publié de nombreux travaux et ouvrages sur le sujet.

Elle anime le projet Dimension économique de l’espagnol dont l’objectif est l’analyse stratégique des entreprises espagnoles internationalisées.

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Le Docteur House est le Chef du service de diagnostic de l’hôpital et il passe son temps à poser un diagnostic après l’autre, penchant pour une pathologie, puis pour une autre… Et si le patient meurt, House n’en a cure. Il n’aime que les diagnostics et les pathologies. Certains épisodes finissent bien, mais chacun d’entre eux n’est qu’une série de diagnostics erronés, avec parfois des analyses douloureuses sans résultat. Le système bancaire espagnol est-il, lui aussi, un patient de l’Hôpital Princeton-Plainsboro ?

Les « stress tests » sont un ensemble de diagnostics à répétition posés sur le cas du système bancaire. Depuis 2010, il est soumis sans relâche à des analyses diverses et variées. Les dernières sont celles que le gouvernement espagnol vient de demander aux cabinets de conseil Oliver Wyman (Etats-Unis) et Roland Berger (Allemagne).

Le 23 juillet 2010, après les analyses réalisées par l’Autorité bancaire européenne (ABE) et les organismes nationaux de contrôle, un communiqué de la Banque d’Espagne précisait : « Les tests de résistance de l’UE confirment la solidité du système bancaire espagnol ». Mais, alors même que la BCE manifestait sa satisfaction à propos des résultats, les craintes et la tension n’ont pas disparu. 

Le deuxième diagnostic a été posé en juillet 2011. A cette occasion, le titre du communiqué de la Banque d’Espagne était « Aucune entité ne devra augmenter son capital suite aux tests de résistance de l’ABE ». Auparavant, la Banque d’Espagne avait demandé que les futures rentrées de deniers publics soient comptabilisées pour renforcer davantage le capital des établissements. 

Ce deuxième « stress test » signalait que certaines entités espagnoles étaient susceptibles d’avoir des difficultés, qui ne se produiraient que dans le pire des cas. Un enfer que même les pires cassandres ne pouvaient envisager. Les entités mentionnées étaient les banques CAM, Pastor, Caja 3, Unnim et Catalunya Caixa. Quelque temps après, la Banque d’Espagne a dû en mettre quelques-unes sous tutelle, tout comme Banco de Valencia et Bankia, qui n’avaient pourtant pas été citées dans le rapport. 

Quelque temps après, une déclaration précisa qu’il y avait des problèmes d’informations. Et l’Autorité bancaire européenne mentionna l’échec des stress tests du système bancaire européen. 

Certains des résultats de la troisième batterie de tests ont été publiés le 21 juin 2012. Elle a été réalisée par deux cabinets de conseil privés à partir des mêmes informations émanant de la Banque d’Espagne et d’entretiens avec les responsables des banques. Aucune nouveauté, donc, quant aux informations de base. 

Le fait que les sources d’informations restent les mêmes pose de nombreuses questions : pourquoi les moins-values des participations industrielles du secteur bancaire n’ont-elles pas été prises en compte ? Combien de stress tests faut-il pour avoir une image réelle de la situation ? Pourquoi les spécialistes ne parviennent-ils pas à poser un diagnostic fiable ? Les deux millions d’euros que l’Etat vient de dépenser sont-ils justifiés ? Tout comme dans un épisode de la série Dr House, les Espagnols et les Européens semblent observer, incrédules et impuissants, cette succession de diagnostics qui ne sont pas accompagnés d’un traitement efficace.

Pour Oliver Wyman, le secteur bancaire espagnol devrait nécessiter, dans le pire des cas, entre 51 et 62 milliards d’euros. Pour Roland Berger, la somme devrait se rapprocher de 51,8 milliards d’euros. 

Ces sommes sont, a priori, inférieures aux 100 milliards promis par le plan de sauvetage européen et que Luis de Guindos, le Ministre de l’économie espagnole, ira demander à ses partenaires le lundi 25 juin. On ne connaîtra les conditions et les modalités de l’aide que dans les prochaines semaines.

Le flou perdurera jusqu’au 31 juillet prochain. Ce jour-là, un deuxième rapport sera publié. Les cabinets d’audit Deloitte, KPMG, PwC et Ernst & Young vérifieront comment les entités espagnoles ont classé, provisionné et mesuré les risques dans leurs bilans respectifs. 

Si cette deuxième partie des tests sert uniquement à préciser que les banques solides sont Santander et BBVA, tout citoyen un tant soit peu informé aurait pu faire de même. Les inspecteurs de la Banque d’Espagne auraient parfaitement suffi. Mais il ne faut pas oublier l’effet placébo de certains médecins. Et c’est peut-être ce que recherchait le gouvernement lorsqu’il a engagé deux cabinets de conseil privés internationaux pour réaliser les audits. 

Cependant, tous ces tests et ces analyses donnent l’impression qu’un hôpital entier se trouve au chevet d’un seul patient, mais que pour l’instant personne ne sait dans quel service le transférer, ni quel traitement efficace lui prescrire. 

Mariano Rajoy veut que le secteur bancaire reçoive une aide directe, ce qui éviterait d’augmenter le rapport dette publique / PIB. Angela Merkel est contre et argumente que l’Allemagne et l’Europe ne peuvent pas demander d’ajustements aux banques, alors qu’il est possible d’en demander au gouvernement espagnol. Vu de loin, on a l’impression que les médecins se demandent si le traitement doit se faire par voie orale ou intraveineuse. 

Nous savons tous que les traitements doivent être choisis avec soin, ne serait-ce que pour éviter ou diminuer les effets secondaires. Nous savons également que les pathologies aigues exigent un traitement immédiat. Mais, ce que nous oublions parfois, en économie comme en médecine, c’est que le temps c’est de l’argent que certains gagnent et d’autres perdent. 

Matilde Alonso Pérez, Elies Furio Blasco, Christel Birabent Camarasa


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