Divorce : Entre la France qui manifeste à Paris et celle qui voyage à Pékin, le dialogue est rompu <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron est en visite à Pékin.
Le président Emmanuel Macron est en visite à Pékin.
©THIBAULT CAMUS / POOL / AFP

Une France divisée ?

La vraie fracture qui s’installe en France repose désormais sur les moyens et la conception de l’avenir. Entre ceux qui pensent que leur avenir dépend de l’âge de la retraite et ceux qui estiment que cet avenir se joue à Pékin, à Washington et à Bruxelles, la communication n’existe plus.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La semaine nous offre le spectacle d’une France coupée en deux.  Une fois de plus. Mais cette fois-ci, la fracture paraît irréductible. On savait qu’il y avait la France d’en haut et la France d’en bas. La France des grandes métropoles et celle des provinces, celle des centres-villes et celle des ronds-points…  Bref, depuis Jean de La Fontaine au 17é siècle,  la cohabitation entre les rats des champs et les rats des villes était compliquée mais aujourd’hui ce type de clivage ne s’arrange pas. 

Ce mercredi 4 août nous offre le spectacle d’une France qui, d’un côté, voit l’avenir à partir de  l’âge de la retraite et manifeste pour travailler autrement et un peu moins… Alors que de l’autre côté, il existe une France qui est partie à Pékin parce qu’elle voit l’avenir dans un travail différent fondé sur l’échange international. 

Ces deux France ont sans doute raison mais elles ne s’entendent pas puisqu’elles ne s’écoutent plus. Non seulement, elles ont raison mais elles devraient jouer de leur complémentarité évidente.  

Mais ces deux Frances sont coincées chacune dans leurs certitudes et du coup, elles fabriquent le déclin sans en être conscientes.  Ça fait partie de ces idioties de l’histoire qui, en général, débouche sur une crise extrêmement grave. 

La France qui manifeste depuis plusieurs mois dans les centres villes, qui attire la violence des black bloc, détériore les vitrines commerciales, confine les touristes étrangers dans leurs hôtels et s’amuse d’un parlement dont la tribune ressemble à celle d’un stade de football au temps heureusement révolu des hooligans… Cette France-là s’est mobilisée en s’opposant à une réforme des retraites dont l’objectif était de protéger le régime par répartition, puis elle a élargi sa critique aux conditions de travail et de vie et plus généralement, à toute la gouvernance politique. 

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Ce climat-là, porté par cette France-là, donne une vision de la France qui serait protégée par un État bienveillant, puis un système social généreux dans lequel la majorité des habitants pourraient travailler moins de 35 heures par semaine, s’arrêter à 60 ou 62 ans, mettre leurs enfants à l’école gratuite, bénéficier d’un système de santé également gratuit, de transports accessibles sans parler de la voiture qui doit fonctionner si possible à l’électricité parce que c’est plus propre, et la maison… et les vacances  et le téléphone portable… et l’abonnement à Netflix.. Ne parlons pas des questions alimentaires qui concentrent actuellement tous les ingrédients de l’inflation mais aussi toutes les frustrations générées par les marques commerciales et les pressions environnementales.  

Cette France-là revendique aussi de manger bio, naturel, proximité mais sans en payer le prix . D’ailleurs cette France-là a tendance à croire que du côté de l’Etat il existe des coffre-forts remplis d’argent et qu’on réussit à ouvrir de plus en plus souvent depuis que le Covid nous a apporté de l’argent magique. 

La France qui voyage cette semaine en Chine a une autre vision de l’avenir. Cette France qui accompagne le président de la République se compose d’une grande partie des chefs d’entreprises du CAC 40 et même d’une délégation de la Commission européenne avec Me Ursula van der Leyen… Les mêmes ou presque devaient être les jours précédents à Bruxelles, en Afrique ou à Washington. La semaine prochaine, ils feront un saut à Tokyo ou à Brasilia.  

Cette France-là qui semble passer beaucoup de temps en avion à faire du tourisme international a la conviction que l’avenir dépend de la qualité des relations internationales et des échanges commerciaux, de la quantité des richesses produites par les uns comme par les autres. Cette France-là a la conviction que le pays peuplé de plus de 67 millions d’habitants, l’un des plus grands de l’Union européenne, avec la façade Atlantique la plus large, avec plus de 2000 d’histoire et de culture qui a déjà influencé le monde entier, ne peut pas évoluer en autarcie avec des frontières fermées, sans relation avec les autres membres de la communauté mondiale. Plus grave encore, cette France-là a la conviction que non seulement, son avenir dépend de sa participation à la mondialisation, mais qu’en plus,  elle peut protéger ses particularités et sa souveraineté. Elle doit même le faire pour garantir ses positions dans l’espace mondial.  Nous n’aurons d’intérêt aux yeux des autres que parce que nous sommes ouverts aux autres et jaloux de nos particularismes.  

Le gros problème pour résoudre cette équation, c’est que cette France qui voyage ainsi doit assumer des contraintes incontournables. Il y a des réalités auxquelles la France et les Français ne peuvent pas échapper. 

-La France se doit d’être puissante sur les questions de défense militaire parce que le monde n’est pas peuplé de « Bisounours » mais le monde est parcouru par des idéologies politiques ou religieuses qui ne s’appuient pas toutes sur les mêmes valeurs. 

-Mais la France doit aussi être puissante sur les questions économiques et financières, d’abord pour pouvoir répondre aux besoins de sa population mais aussi pour pouvoir négocier avec nos voisins, nos partenaires et nos concurrents. 

Et pour être puissant économiquement et financièrement, il faut affronter la concurrence internationale,  il faut chasser en meute, si possible et c’est le rôle de l’Union européenne que de fédérer des intérêts de modèles qui sont proches. Il faut imposer ses exigences et le respect des accords (c’est compliqué avec la Chine) . Mais il faut aussi et surtout travailler son propre modèle, avec plus de productivité, plus d’industrie , plus de recherche , plus de souveraineté et d’assurance sur les segments stratégiques , et sans doute une gestion de l’Etat plus dynamique et moins endettée.  

Bref, il faut sans doute plus de travail dans une vie qui s’allonge et c’est heureux. Quitte à changer la façon de travailler. 

Cette France qui voyage est face à des contraintes qui sont incontournables,  sinon c’est le déclin. Mais cette France-là a aussi un défaut. Elle est incapable de se faire comprendre de la France qui manifeste ses colères. D’où le blocage actuel.

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