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Derrière l’exercice de communication convenu, ces questions que François Hollande laisse sans réponses
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Invité du JT de France 2 ce jeudi, François Hollande a livré sur le plan formel la meilleure de ses trois prestations télévisées depuis le 6 mai. Mais des interrogations demeurent sur la cohérence d’ensemble. Décryptage du grand oral du chef d'Etat.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Alors que la situation économique et sociale s'aggrave, le président de la République s'est adressé aux Français ce jeudi sur France 2. Son intervention était préparée avec minutie. Sur la forme, l’exercice était-il réussi ?

Christian Delporte : Sur le plan formel, c’est sans doute la meilleure de ses trois prestations télévisées depuis le 6 mai. Il a été plus à l’aise, moins raide, plus vif, plus décontracté (ou naturel, comme on voudra) que précédemment. On voit que l’émission a été soigneusement préparée : Hollande est arrivé avec, dans son sac, des formules destinées à frapper l’imagination et à être reprises par les médias, comme la « boîte à outils » ou le « choc de simplification » (prononcé au moins 8 fois). L’objectif était de minimiser les risques au maximum : d’où une émission courte avec un seul interviewer. Compte tenu des conditions fixées, l’oral de Hollande a été plutôt réussi.

Après l’échec du déplacement de Dijon, cette interview était aussi un test pour Claude Sérillon. Celui-ci a-t-il eu raison de persister à jouer la carte de la pédagogie ? 

Sa feuille de route était claire : apparaître comme un pédagogue concret et précis pour dissiper les critiques sur le flou. Du reste, à un moment, il s’est adressé à D. Pujadas pour souligner : « vous me posez une question précise, je réponds précisément ». La carte de la pédagogie n’est pas nouvelle : elle est toujours sortie, à gauche comme à droite, lorsque l’opinion fait de la résistance. Mais ce n’est pas parce qu’on est un bon pédagogue que les Français acceptent la leçon. Cette carte, on peut la jouer un temps, mais jamais durablement. Bref, pour la prochaine interview télévisée, Claude Sérillon devra trouver autre chose.

Qu’en est-il sur le fond ? Le président de la République a-t-il réussi à faire passer son message ?

Les enquêtes d’opinion nous le diront. On constate, en tout cas, que François Hollande a bien lu et analysé les sondages. Il s’est adressé tour à tour à différentes cibles, comme les chefs d’entreprise (auquel il a promis plus de souplesse dans le contrôle), sans oublier son électorat (maintien du projet des « 75% », non à l’Europe de l’austérité…). Il a voulu traité de tous les sujets d’inquiétude révélés par les sondages, au point qu’il a abordé lui-même la question du pouvoir d’achat, ignoré jusqu’ici par D. Pujadas. Quant au fond du message, il était celui du cap, de l’action (« je ne suis pas dans le constat, je suis dans l’action »), mais plus encore celui de l’agenda : « nous aurons de la croissance avant fin 2013 ». Reste une interrogation. Si les outils de la « boîte à outils » ont été plutôt bien décrits et expliqués, si les leviers ont été présentés (comme « faire des économies »), des interrogations demeurent sur la cohérence d’ensemble et sur les secteurs concernés (où faire des économies ?).

Quelles sont les propositions fortes qu’il faut retenir de son intervention ?

Parce qu’elle était « pédagogique », l’émission n’était pas destinée à des annonces précises. Il y en a eu pourtant quelques-unes :  les « 75% » payés par les entreprises, la simplification des contraintes administratives pour les entrepreneurs, la loi sur l’extension de l’interdiction du voile dans les lieux publics…On retiendra aussi l’engagement à ne pas augmenter les impôts au-delà de 2013 ou à ne pas libéraliser la législation sur les « mères porteuses » au cours du quinquennat.

Dix mois après son élection, le chef de l'Etat se trouve dans une situation difficile. Le cap des 10% de chômeurs est atteint dans le pays tandis que seuls 31% des Français se déclarent satisfaits de l'action de François Hollande. Cette intervention peut-elle en partie changer la donne et lui permettre de regagner quelques points dans les sondages ? Peut-il, au contraire, en perdre ?

Elle peut être une première étape, modeste, dans un changement progressif d’image. Mais rien de plus. Aucune émission ne renverse une tendance dans l’opinion, surtout en période de crise. Nicolas Sarkozy, le grand communicant, en est un bon exemple. En janvier 2010, plus de 8 millions de téléspectateurs sont devant leur récepteur pour assister, sur TF1, à « Paroles de Français ». La cote de popularité du Président est alors à 32% (TNS-Sofres). Ce soir-là, 69% des téléspectateurs jugent sa prestation « convaincante ». Pourtant, en février, sa popularité recule à 31% ; en avril, elle est à 28. Pour « changer la donne », autrement pour retrouver de qui compte au-dessus de tout pour un chef d’Etat, c’est-à-dire la confiance, il ne suffit pas de bien communiquer ou de bien expliquer : il faut des résultats, et des résultats perçus par les citoyens dans leur quotidien. La popularité retrouvée de Hollande dépend de la croissance, uniquement de la croissance, pas de la télévision.

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