Derrière l’effondrement de la natalité, ces jeunes adultes qui vivent encore chez leurs parents à l’âge où ceux-ci avaient déjà une famille<!-- --> | Atlantico.fr
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Les jeunes Français quittent le domicile parental à peu près à 23,6 ans.
Les jeunes Français quittent le domicile parental à peu près à 23,6 ans.
©Fred TANNEAU / AFP

Phénomène Tanguy

Les personnes appartenant à la génération Z restent plus longtemps chez leurs parents.

Elodie Gentina

Elodie Gentina

Docteur en Sciences de Gestion et Professeur en marketing à l’IESEG School of Management, Elodie Gentina est l’auteur de nombreuses publications en France et à l’international sur la Génération Z. Elle est aussi l’auteur de deux ouvrages sur la Génération Z, parus chez Dunod. Elle accompagne aujourd’hui des entreprises pour les aider à mieux comprendre la génération Z, en vue d’adapter leurs stratégies marketing et de management aux besoins de cette génération. 

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Atlantico : Faisons-nous moins de bébés parce que nous quittons le domicile parental de plus en plus tard ?  

Elodie Gentina : Il y a bien sûr un lien, mais il y a aussi un changement de comportements chez les plus jeunes. La génération Z s’interroge sur l’utilité de faire des enfants dans la société dans laquelle on vit. Ils ont du mal à anticiper, à voir l’avenir. Cette idée du renoncement à faire des enfants est très présente. Confrontés à l’environnement qui les entoure, ils se sentent comme une génération sacrifiée et veulent préserver la planète. La génération Z reste ainsi plus longtemps chez leurs parents. 

Quand on prend son indépendance plus tard, l'âge biologique tourne. Forcément, la natalité diminue parce qu'on va prendre notre envol plus tard. 

A quel âge les jeunes français quittent le cocon familial ?

 L’INJEP, l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire, a publié les chiffres clés de la jeunesse pour 2023. Les jeunes Français quittent le domicile parental à peu près à 23,6 ans. Âge qui ne cesse de s'allonger depuis 50 ans. En 1973, 41% des 18-29 ans habitaient encore au domicile familial, contre 46% en 2018.

Les jeunes français prennent néanmoins leur indépendance plus tôt que leurs voisins européens qui quittent leurs parents après l’âge de 26 ans en moyenne. Un âge qui passe du simple au double en fonction du nord ou du sud de l’Europe. C’est 19 ans pour la Suède et 33 ans pour le Portugal. Dans les pays du Sud, on est plutôt sur le phénomène de « extended family », la famille étendue. Les relations intergénérationnelles comptent beaucoup au Portugal. On continue de vivre chez les parents et inversement quand ceux-ci vieillissent. 

Ces changements de comportements modifient-ils les rites de passages qui nous font devenir adulte ?  

Le processus d'autonomisation a changé. Avant, on avait des rites de passages assez clairs comme l’obtention du baccalauréat, d’un diplôme, le service militaire, l’entrée dans la vie professionnelle, le mariage qui marquait de façon automatique et irréversible l’entrée dans la vie adulte. L’autonomie était l’accès à un statut supérieur.

Aujourd’hui, on parle beaucoup plus d'un processus d'autonomisation avec des essais-erreurs. On admet des allers-retours. Certains jeunes qui ont pris leur autonomie n’hésitent pas à revenir chez leurs parents après un voyage à l’étranger ou après un stage. Le taux de chômage chez les jeunes est très important, ils ont besoin d’être rassurés. 

Le rite de passage aujourd'hui, qui est plutôt un rite contemporain, s'est transformé en une sorte d'apprentissage progressif. Les jeunes peuvent disposer d’une certaine autonomie tout en restant chez leurs parents sans être indépendants. On peut avoir les conditions sociologiques qui leur permettent d'accéder à une autonomie sans pour autant disposer de toutes les ressources, notamment les ressources économiques suffisantes pour être indépendants vis-à-vis des parents. Ce qui va leur permettre de chercher des micro-rites de passages dans la consommation pour se construire une autonomie (achat du premier scooter ou de la première voiture). La consommation est devenue un moyen de gagner de la liberté et de prendre un peu de champ par rapport à l’espace parental. 

Aujourd'hui, les rites de passages sont devenus beaucoup plus flous. Il n’y a plus véritablement de marqueurs pour passer d'un statut d'enfant à un statut d'adulte. Voilà pourquoi on parle désormais de processus d’autonomisation et plus d’indépendance. Nous sommes sur une génération d’enfants boomerang qui appliquent la même logique au travail. La génération Z ne veut plus de CDI. Ils veulent faire des allers-retours.  

Les prix de l'immobilier jouent aussi sur la natalité. Des prix élevés entraîneraient une baisse de la fécondité ?

La génération Z va rechercher l’expérience plutôt que l’achat. Les jeunes ne recherchent plus forcément l'accès à la propriété en premier lieu. Ils ne cherchent pas à être primo-accédants vu les prix élevés des biens dans l’immobilier. Leur relation à l'épargne et à l'investissement sont complétement différentes. Ils prennent plus de temps. Ça ne les dérange pas d'être dans l'expérience, dans la collaboration, dans la colocation, de ne pas avoir de voiture mais plutôt un vélo, d'être en Vélib, d'être en Airbnb… Ils cherchent des solutions alternatives. Les solutions alternatives, c'est la consommation collaborative. 

Comment se présente l’avenir de la famille française ?  

On va avoir des enfants qui vont rester plus longtemps chez leurs parents tout en créant leur espace d’autonomisation dans le foyer familial. Ils vont par exemple aménager un studio dans le garage ou au fond du jardin. Les enfants vont rester plus longtemps au sein du foyer. De nouvelles relations vont se créer au sein de la famille. Les liens intergénérationnels vont se renforcer avec des schémas « extending family ». On va se retrouver avec des familles qui vont être un peu plus grandes et qui vont durer plus longtemps. 

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