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Densité à Paris : l’obsession absurde de la campagne des municipales
©JOEL SAGET / AFP

Erreur d'échelle

La question de la densité est devenue un des thèmes centraux de la campagne des municipales à Paris. De nombreux candidats souhaiteraient "dédensifier" la capitale. Cette question soulève des problèmes d'échelle et pourrait générer encore plus d'inégalités.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico.fr : A l'instar d'Agnès Buzyn, plusieurs candidats à la Mairie de Paris disent vouloir "dédensifier" et végétaliser la capitale. Une obsession de la densité qui pourrait en réalité être un faux débat.

La question de la densité est devenue un des thèmes centraux de la campagne des municipales à Paris. Il faudrait "dédensifier" la capitale pour y mettre des espaces verts, mais déjà avant d'en parler à tort et à travers ne conviendrait-il pas définir ce qu'est réellement la densité ? 

Laurent Chalard : Comme d’autres concepts, la densité peut avoir plusieurs définitions, qui, pour la majorité d’entre elles, relèvent d’une approche quantitative, même si, dans les faits, la densité relève beaucoup plus d’une approche subjective, reposant sur des critères qualitatifs.

La première définition, la plus communément utilisée, est la densité de population, qui suit un critère purement quantitatif : le nombre d’habitants permanents d’un territoire donné à un instant T rapporté à une superficie en km2, quelle que soit la nature de l’occupation des sols (espaces bâtis, agricoles ou forestiers). Plus ce chiffre est élevé, plus le territoire est considéré comme étant densément peuplé. Dans certains cas, cette définition peut être affinée, en ne retenant que la superficie des espaces bâtis.

Une deuxième définition, rarement utilisée, est la densité de l’habitat, qui suit la même logique que la précédente, mais en prenant comme base les logements, qu’ils soient ou non occupés, et non la population, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de logements présents sur un territoire donné à un instant T et sa superficie au km2. Cet indicateur est particulièrement pertinent dans les zones à forte densité de logements à vocation secondaire ou touristique. En effet, si l’on prend le cas de la Côte d’Azur, la densité de l’habitat y est, comparativement à d’autres territoires, bien plus élevée que la densité de population. 

Une troisième définition, plus souvent utilisée par les économistes, est la densité des emplois, c’est-à-dire le nombre d’emplois présents sur un territoire donné à un instant T rapporté à une superficie en km2. Si ce critère est intéressant pour déterminer les principales concentrations d’emplois, il n’en demeure pas moins insatisfaisant pour déterminer la densité d’un territoire car, dans la majorité des cas, l’aspect résidentiel l’emporte sur l’activité économique dans l’occupation des sols. En conséquence, cette définition vient plutôt en complément de la première.

Parallèlement à ces définitions quantitatives, une dernière définition de la densité peut reposer sur des critères beaucoup plus qualitatifs, concernant à la fois la structure du bâti : hauteur des bâtiments, continuité du bâti, immeubles sur rue… ; et la fréquentation urbaine : animation des rues, activité commerciale, activité de loisirs…

Lorsque les candidats à la Mairie abordent cette question de densité, comme l'a fait remarquer Cédric Villani, ilS ne penseNT qu'à Paris intramuros et oublient donc la petite couronne. Pourquoi cette erreur d'échelle est-elle si problématique et ne mène-t-elle pas finalement à un faux débat ?

La métropole de Paris se caractérisant par la faible superficie de sa ville-centre par rapport au reste de l’agglomération urbaine, toute réflexion sur la question de la densité, comme sur la plupart des autres domaines, ne fait guère sens, car les données sont biaisées, en particulier dans le cadre de comparaisons internationales comme nous l’avions montré dans une précédente interview pour Atlantico. Par définition, le centre d’une agglomération est forcément plus dense que sa périphérie, donc cela n’a rien de surprenant en soi. Ce centre constitue consécutivement, dans la majorité des cas, un « espace fini », entendu comme n’ayant qu’un très faible potentiel développement, qui passe essentiellement par une augmentation de la hauteur des bâtiments. Il s’ensuit que la question de la densité ne peut s’aborder qu’à l’échelle de la métropole, puisque concernant Paris intramuros, le caractère de « ville finie » fait que la densité ne peut plus augmenter. Aujourd’hui, les perspectives de développement, aussi bien en termes de logements qu’en termes d’emplois, se situent dans la périphérie et non dans le centre. 

En voulant dédensifier Paris et en ne s'intéressant qu'au Paris intramuros ne risquons-nous pas également d'écarter encore davantage les populations moins aisées de la capitale ? Ne prenons-nous pas ici le problème à l'envers ?

Dédensifier Paris ne signifie pas forcément écarter encore davantage les populations moins aisées de la capitale si le phénomène d’aération de l’habitat concerne des quartiers embourgeoisés, c’est-à-dire le parc de logement privé, et non le parc de logement social, le seul qui abrite encore aujourd’hui majoritairement des catégories populaires dans Paris intra-muros. Au contraire, pour recréer un minimum de mixité sociale en Ile de France, dans un scénario idéal, il faudrait trouver le moyen de transférer des centaines de milliers de personnes appartenant aux catégories sociales supérieures de Paris intra-muros vers les communes de banlieue. Pour cela, il faudrait rendre beaucoup plus attractive la banlieue en termes d’aménités comme de qualité de vie, tout en y renforçant les pôles d’emploi, afin de limiter le processus de survalorisation de l’habitat au sein de la ville-centre. C’est le seul moyen qui permettrait de contrecarrer le processus bien engagé de gentrification du centre de l’agglomération. En gros, plutôt que de vouloir à tout prix tenter d’imaginer une politique de logements permettant aux plus pauvres de rester dans Paris intra-muros, politique qui n’a jamais réellement fonctionné jusqu’ici, il s’agirait de prendre le problème à l’envers est de s’efforcer à donner l’envie aux populations les plus aisées de la métropole parisienne à vivre ailleurs que dans la ville-centre, ce qui mécaniquement entraînerait une moindre demande dans Paris intra-muros. Cependant, cette politique ne pourrait être mise en place que s’il existait une autorité métropolitaine ayant compétence d’urbanisme couvrant la partie urbanisée de la région parisienne, ce qu’aucun acteur local ne souhaite à l’heure actuelle.    

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