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Comme on pouvait le penser, il y a une dynamique Européens/ non Européens qui existe.
Comme on pouvait le penser, il y a une dynamique Européens/ non Européens qui existe.
©Reuters

Suspense...

Depuis lundi matin, les cardinaux sont réunis en "congrégation" pour préparer le conclave à l'issue duquel sera nommé le nouveau pape. Le scandale "Vatileaks" s'invite dans les discussions, sans forcément être le thème dominant...

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Depuis lundi matin, les cardinaux sont réunis en "congrégation" pour préparer le conclave à l'issue duquel sera nommé le nouveau pape. Au centre des discussions : le scandale "Vatileaks", qui aurait poussé Benoît XVI à la démission.  A quelques heures du début du conclave, quelle est l’atmosphère au Vatican ?

Nicolas Diat : Il y a eu quatre congrégations générales pour le moment. Les cardinaux commencent à se connaître et à discuter en dehors de leurs cercles habituels. La question « Vatileaks » a déjà été posée à l’initiative de trois cardinaux européens, l’Allemand Walter Kasper, l’Archevêque de Vienne Christoph Schönborn, et l’Achevêque de Budapest Péter Erdö. Tous les trois, reflétant une opinion majoritaire chez les cardinaux, ont demandé à en savoir plus sur le rapport confidentiel remis à Benoît XVI au sujet des scandales de la curie. Il est pour l’instant impossible de savoir ce qui va être décidé, mais il est incontestable que « Vatileaks » sera à l’ordre du jour. Néanmoins, il ne faut pas non plus, comme un certain nombre de médias ont tendance à le faire, exagérer le poids des discussions autour de « Vatileaks » ou autour des réformes de la curie. Il ne faut pas imaginer que les "affaires curiales" seront la ligne de crête autour de laquelle tournera l’élection du prochain pape.

Benoît XVI a-t-il pris les cardinaux de cours en annonçant soudainement sa démission ? Son départ a-t-il bouleversé les stratégies des cardinaux ?

Certains cardinaux de curie, qui avaient intérêt à faire oublier le scandale « Vatileaks » dans lequel ils ont été entraînés, sont bien sûr plus que d'autres déstabilisés. Ces derniers ont d’ailleurs précisément milités pour que les congrégations générales se déroulent le plus rapidement possible. En vain… Il y a un profond besoin chez les cardinaux de se connaître, et cette volonté l'a emporté sans difficultés sur des combinaisons plus ou moins claires. 

Quels sont les différents camps qui s’affrontent à la veille du conclave ? Peut-on déjà distinguer des favoris ?

Nous ne sommes qu'au tout début d’un processus de regroupement entre les cardinaux. Comme on pouvait le penser, il y a une dynamique Européens/ non Européens qui existe. Les cardinaux s’interrogent : « Le temps est-il venu de tourner la page d’une papauté européenne ? » Néanmoins, ce n’est vraiment pas la réflexion essentielle.

Trois personnalités émergent dans le camp des progressistes et des libéraux. Le cardinal Odilo Pedro Scherer qui a réussi à exister médiatiquement et à structurer autour de lui une catégorie de cardinaux réformateurs. Paradoxalement, il est aussi soutenu par deux anciens curialistes de l’époque Jean-Paul II : le cardinal Re, qui a été le tout puissant préfet de la Congrégation pour  les évêques sous Jean-Paul II et le cardinal Sodano, ancien secrétaire d’Etat de Jean-Paul II - puis la première année du pontificat de Benoît XVI. Ce sont les cardinaux qui ont le plus poussé pour que le conclave commence rapidement. C’est une candidature très étonnante. Elle est non européenne, mais lusophone et non pas hispanique. Elle s’inscrit en rupture avec la papauté de Benoît XVI et est, en même temps, encouragée par des curialistes rompus à toutes les combinaisons, pas exempts de responsabilités dans un certain nombre de polémiques qui ont touché son pontificat, y compris dans la problématique « Vatileaks ».

Le Cardinal Ravasi qui exprime lui aussi une sensibilité assez libérale pour l’avenir de l’Eglise devrait rassembler quelques voix. C’est l’ancien président du conseil pontifical pour la culture de Benoît XVI. Il est fortement soutenu par un groupe de cardinaux structurés par le cardinal Bertone, ancien secrétaire d’Etat de Benoît XVI.

Enfin, il y a un troisième candidat dans le camp des réformateurs : le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, 55 ans, que les médias mettent en avant en raison de son jeune âge. Il est fortement soutenu par la communauté catholique de Sant'Egidio fondée en 1968 qui s’est spécialisée dans des missions humanitaires et diplomatiques. Son jeune âge, 55 ans, avec un très long pontificat qui s’annoncerait alors, est tout de même un véritable handicap.  

Le Cardinal Scola, un temps favori et réputé plus  "conservateur", s’est-il déclaré trop tôt ?

Les cardinaux Ravasi et Tagle ont tous les deux la particularité de ne pas être des candidats « Ratzingeriens » mais ils ne s’inscrivent pas non plus en rupture avec l’héritage de Benoît XVI. Ce n’est pas le cas du cardinal Angelo Scola qui apparaît comme un fils sprirituel. Mais il semble néanmoins pâtir de la trop forte exposition médiatique qui a été la sienne depuis de longues semaines. Une médiatisation qui a surpris et agacée un certain nombre de cardinaux étonnés que des journalistes rendent sa candidature à ce point acquise. Il pourrait être victime du célèbre adage : «  Qui entre pape au conclave, en ressort cardinal… ».

Le camp modéré classique et conservateur, qui représente les deux tiers du Sacré Collège et dont une partie se retrouve dans le cardinal Scola, mais pas uniquement, cherche ce qu’on pourrait appeler « un candidat alternatif » pour incarner une troisième voie. Dans cette catégorie, on peut notamment citer le cardinal Marc Ouellet, le cardinal Angelo Bagnasco, le cardinal Albert Malcolm Rangith, ou encore le cardinal Robert Sarah. De la recherche autour de ces cardinaux pourrait émerger une autre dynamique.

Depuis quelques jours, nous assistons également à la montée d'une réflexion autour d'un ticket Pape/secrétaire d'Etat. Un futur Pape indiquant alors à l'avance à quel cardinal il proposerait la fonction de secrétaire d'Etat. Ce scénario n'a rien d'inédit puisque le cardinal Roncalli, futur Jean XXIII, avait indiqué lors du conclave de 1958 qu'il choisirait le cardinal Domenico Tardini, proche de Pie XII, comme secrétaire d'Etat. A l'époque, il s'agissait de rassurer le camp "pacellien", fort peu séduit par le style personnel du patriarche de Venise.

Quelles sont les thèmes de campagne qui se dégagent pour l’instant ?

Il y a bien sûr la réforme de la curie dont on a parlé mais une nouvelle fois, il ne faut pas considérer qu’il s’agit d’un thème exclusif. La problématique du sécularisme et du laïcisme tient également place importante dans les discutions. Les cardinaux soulèvent une question fort simple : quelle place pour l’Eglise dans un environnement défavorable. Et en conséquence, quelle place pour l'évangélisation. Le thème de la communication de l’Eglise va également être abordé. Enfin, la problématique autour du déclin relatif de l’Eglise en Europe et de son expansion dans beaucoup d'autres régions du monde sera traitée. Comment faire émerger une plus grande cohérence dans l’Eglise, pris entre des feux géographiques, culturels et économiques très éparses.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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