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La France espère attirer les acteurs des cryptomonnaies.
La France espère attirer les acteurs des cryptomonnaies.
©Ozan KOSE / AFP

Investissement d'avenir ?

Alors que de très nombreux États ont durci leur législation sur les Bitcoins et autres cryptomonnaies, Emmanuel Macron a souhaité faire de l’Hexagone une terre de choix pour le Web 3.0.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Les cryptomonnaies ont connu des forts développements ces dernières années, montées très fortes puis krachs sévères, si bien que de nombreux pays, dont des européens, d’abord séduits par ses potentialités, ont décidé de se désengager de ces enjeux. La France, elle, tente de se placer en Eldorado de cette monnaie numérique, comment s’y prend-elle ?

Michel Ruimy : C’est peu connu, mais la France a donné naissance à un écosystème de blockchain considéré comme l’un des plus dynamiques au monde. Pour favoriser cette industrie, outre le fait qu’elle peut compter sur des « sponsors » politiques qui promeuvent l’innovation financière, comme Bruno Le Maire, elle s’est dotée notamment d’une réglementation adaptée stimulant l’émergence d’un grand nombre de projets innovants.

De fait, il n’est pas étonnant de dénombrer sur notre territoire plusieurs initiatives entrepreneuriales axées sur les cryptoactifs, proposant des produits ou services, et dont la valeur financière s’affiche déjà potentiellement en millions d’euros. Cet écosystème a déjà mené à la création d’acteurs reconnus au plan mondial (Sorare, Ledger). Compte tenu de cet environnement, la majorité des acteurs institutionnels est entrée en phase d’adoption de la technologie blockchain, et travaillent sur la finalisation de plateformes, outils et offres qui seront déployés dans un avenir proche.

Enfin, il convient également de noter l’engagement des plus grands groupes d’audit mondiaux (Big Four) qui ont créé un réseau mondial de « blockchain labs » consacrés au développement de solutions pour les entreprises (conseil, expérience client, technologie, cybersécurité, droit et fiscalité, audit…).

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Quelles sont les opportunités que la France espère saisir en attirant ainsi les cryptomonnaies ?

Les nombreuses opportunités portées par cette industrie soulignent l’enjeu majeur d’ériger la France comme une place forte de cette industrie. Elles peuvent être appréhendées en termes de croissance, d’innovations, de créations d’emplois (profils techniques, fonctions supports ou non-techniques…) mais aussi de positionnement économique stratégique.

Toutefois, l’écosystème de la blockchain pouvant être considéré comme un bouleversement aussi structurant qu’a pu l’être l’Internet dans les années 2000, il serait opportun, afin que le marché ne soit pas uniquement influencé par les acteurs étrangers, notamment américains et asiatiques, que la France et l’Europe encouragent le développement d’acteurs stratégiques dans plusieurs domaines (activités de conservation, analyse transactionnelle, minage…) pour préserver leur souveraineté numérique.

L’histoire d’Internet par exemple, suggère, en effet, que les acteurs qui s’engagent et prennent des risques suffisamment tôt sur des technologies naissantes sont ceux qui, plus tard, sont les mieux positionnés pour dominer le marché et en tirer la très grande majorité du profit, grâce à la force de leurs effets de réseau.

Or, aujourd’hui, la présence d’entrepreneurs étrangers en France est de plus en plus marquée et concurrencent l’industrie française. Déjà, l’émetteur du stablecoin USDC - Circle -, à l’instar de Binance, a fait choix de la France pour implanter sa base européenne en demandant son agrément en qualité d’établissement de monnaie électronique et sa licence de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution et de l’Autorité des marchés financiers.

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À quel point les cryptomonnaies peuvent-elles rendre instable l’économie d’un pays ? La France prend-elle des risques inconsidérés en se positionnant actuellement sur le sujet ?

Les courroies de transmission entre les cryptoactifs (stable coins) et le monde réel se trouvent essentiellement au niveau des banques centrales, qui ont notamment pour mission de garantir la stabilité des prix. La généralisation de ces actifs pourrait limiter leur capacité d’action et poser de sérieux risques à l’activité économique, particulièrement celle des pays émergents où ils se sont fortement développés.

Pour tenter de contenir le phénomène, il conviendrait de renforcer la coopération entre les pays afin de mieux surveiller les évolutions de l’écosystème mais aussi de renforcer leurs réglementations pour limiter les risques éventuels. Mais, il serait aussi judicieux d’inciter les pays à adopter, eux-mêmes, les monnaies digitales (Cf. Banque de France, Banque centrale européenne) avec pour but, non pas de se positionner sur le marché des cryptoactifs, mais de fluidifier les échanges de monnaies nationales, avec des dispositifs numériques plus rapides et plus fiables.

L’encadrement de ces supports virtuels se développe dans de nombreuses juridictions. Au plan international, la régulation des « stable coins » selon le principe de « même activité, même risques, même règles » vis-à-vis des intermédiaires financiers traditionnels a été actée. Dans l’Union européenne, et donc en France, le projet de règlement sur les marchés de cryptoactifs (« Markets in Crypto-Assets » - MiCA) vise à établir un cadre règlementaire européen encadrant les émetteurs de cryptoactifs et les prestataires de services sur cryptoactifs, inspiré par le régime « PSAN » en France.

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On sous-estime trop souvent l’impact environnemental des cryptomonnaies. Quel est-il ?

Les cryptoactifs ont toutes, plus ou moins, un important impact environnemental, qui est notamment dû à la surconsommation et à la diminution de la durée de vie des matériels informatiques (ordinateurs, processeurs et cartes graphiques…) dans l’activité de minage mais également de l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. Le réseau Bitcoin consomme environ 138 térawatt-heure, soit environ 0,62% de la consommation mondiale d’électricité, plus que la Suède !

En effet, ces matériels fonctionnent 24h/24, à pleine puissance pour que le réseau fonctionne en permanence. Non destinés à de telles activités, ils s’usent alors rapidement et leur recyclage reste peu performant. Ils sont, la plupart du temps, exportés, illégalement, vers des pays pauvres, où la population tente d’extraire les métaux rares. À cette phase, la pollution des sols est très élevée.

Pourtant, le lien entre les réseaux, l’énergie, l’environnement et l’écologie est plus complexe qu’il n’y paraît. Il ne suffit pas de calculer le volume de tonnes de CO2 émis par une industrie pour la condamner immédiatement. La plupart de la puissance de minage utilisée (70%) est produite grâce à l’énergie renouvelable (hydroélectricité). Cependant, l’épuisement des stocks de ressources abiotiques (ressources naturelles non renouvelables) s’accélère.

En définitive, quelle est la balance coût-bénéfice ? De quel côté penche-t-elle ?

Les handicaps de cet écosystème sont surtout le fait de la jeunesse de la technologie sous-jacente, qui doit continuer son développement afin de gagner en efficience, notamment en matière de consommation d’énergie.

Certains de ses avantages majeurs ne sont pas liés aux cryptoactifs mais à l’infrastructure qui les prend en charge. A l’heure actuelle, entreprises et gouvernements sont unanimes sur le potentiel qu’offre la blockchain, qui peut améliorer sensiblement, sur le long terme, certains aspects de notre vie. Il faut désormais être patient et observer comment la société incorporera cette technologie dans la vie de tous les jours, au cours des prochaines années.

Quant aux cryptoactifs, comme c’était le cas pour les ordinateurs dans les années 1970, leur utilisation relève, aujourd’hui, surtout d’une « expérience utilisateur ». Au-delà d’un déficit d’image et de leur non-reconnaissance notamment comme instrument de paiement, leur emploi n’est pas encore suffisamment simplifié pour que la population puisse les utiliser aisément. Cette difficulté d’adaptation ou d’utilisation sera dépassée avec l’arrivée de plateformes et d’applications ergonomiques, pensées pour les utilisateurs et simples d’utilisation. Seul bémol, la simplification de l’utilisation de la technologie blockchain ne se fera-t-il pas au détriment de sa sécurité et de sa décentralisation ?

En définitive, le paysage technologique est en constante évolution. Une chose est certaine, l’avenir est à la blockchain qui, si elle devient plus « verte » permettra de lutter contre le changement climatique.

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