Crise énergétique et pénurie d’électricité : comment l’agenda énergétique 2035 de l’UE a plombé la France et l’Europe <!-- --> | Atlantico.fr
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Hervé Machenaud publie « La France dans le noir C'est maintenant ! » aux éditions Manitoba / Les Belles Lettres.
Hervé Machenaud publie « La France dans le noir C'est maintenant ! » aux éditions Manitoba / Les Belles Lettres.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Bonnes feuilles

Hervé Machenaud publie « La France dans le noir C'est maintenant ! » aux éditions Manitoba / Les Belles Lettres. Cela pourrait se produire cet hiver. Un jour prochain, la France va se trouver dans le noir ; au sens propre du terme. Il n’y aura pas assez d’électricité. En Allemagne et en France, c’est la peur du nucléaire et le mirage des énergies renouvelables qui guide la transition énergétique. Extrait 1/2.

Hervé Machenaud

Hervé Machenaud

Hervé Machenaud, X Ponts et IEP Paris, a mené toute sa carrière professionnelle au cœur des questions industrielles liées à l’énergie, tant en France qu’à l’étranger. Il réside actuellement en Chine où il a participé durant plus de trente ans au développement du programme énergétique.

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La France et l’Europe n’auront pas assez d’électricité cet hiver, ni l’hiver prochain, ni le suivant. Il n’y en aura toujours pas assez en 2035 et ce ne sont pas les mesures annoncées qui permettront qu’il y en ait assez en 2050.

«En l’état actuel des capacités de production françaises et des perspectives d’importation, le réseau électrique français ne tiendra pas» (Sébastien Laye et Jean-Baptiste Giraud, le Figaro, 8 juin 2022).

Toutes sortes de mesures sont envisagées pour passer l’hiver et éviter d’avoir recours aux fameux « effacements» qui ne sont rien moins que des coupures plus ou moins imposées. «Énergie : la France se prépare à une économie de guerre » titre Les Échos dans un article du 1er juillet 2022. D’abord la remise en service de certaines centrales à charbon comme celle de Saint-Avold (500 MW) en Moselle ou le maintien en exploitation de celle de Cordemais en Loire-Atlantique, dont la fermeture était prévue fin 2022. L’étape d’après consistera à utiliser les générateurs diesels de secours installés dans les lieux les plus sensibles, comme les hôpitaux. Si cela ne suffit pas, il faudra procéder aux coupures: d’abord les effacements contractualisés avec certains consommateurs industriels, puis les coupures des consommateurs publics et privés «les moins sensibles» et les délestages tournants de quartiers ou de villes pendant des périodes de deux heures: plus de digicode pour rentrer chez soi, plus d’ascenseur, plus d’ordinateur, de Wifi… S’ajoute à ce paysage radieux que la moindre défaillance technique, quelque part en Europe, sur des réseaux rendus particulièrement fragiles, pourrait conduire au black-out généralisé. Alors là, plus rien, plus de vie.

Cette crise prévisible, annoncée il y a cinq ans dans ce livre, est la conséquence de la politique énergétique européenne, guidée par une Allemagne hégémonique, notre modèle d’écologie verte, et suivie docilement et contre toute raison par une France dont l’élite s’est soumise.

Elle vient d’exploser du fait d’une importante tension survenue sur le marché du gaz en septembre 2021, aggravée par la guerre en Ukraine (qui a déjà commencé à servir de bouc émissaire aux politiques pour se dédouaner de leur incurie), et du fait de la faible disponibilité conjoncturelle du parc nucléaire. Mais elle résulte, au fond, d’une politique européenne aveugle qui prévoit, d’ici 2035, la réduction de la production d’origine nucléaire de 23 %, de celle du charbon de 78 % et de celle utilisant le lignite de 64 % et le remplacement de cette capacité de production pilotable par une production d’énergies – éolien et solaire – intermittentes et aléatoires. Elle a été transposée en France dans l’absurde Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV du 17 août 2015) que même François Hollande récuse aujourd’hui, et la dramatique Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE du 21 avril 2020). En Europe, c’est plus de 100 GW qui ont déjà été arrêtés dans les dix dernières années. Dans cette gabegie, les 2 GW de la centrale de Fessenheim qui auraient pu fonctionner encore des décennies en toute sûreté vont cruellement manquer. On n’entend d’ailleurs pas un seul responsable public exprimer le moindre regret au sujet de la fermeture des 2 000 MW de Fessenheim en 2021 dont les émissions de CO2 étaient de 4 g/kWh contre 1kg à Saint-Avold et à Cordemais!

Les dirigeants d’EDF, d’Engie et de TotalEnergies (grand gagnant de cette gabegie et qui continue de s’empiffrer aux dépens des consommateurs-contribuables), généralement campés dans une concurrence hostile, s’associent pour la première fois pour lancer un appel pathétique à la responsabilité des Français pour qu’ils réduisent leur consommation d’énergie : «L’effort doit être immédiat, collectif et massif. Chaque geste compte. […] La flambée des prix de l’énergie […] menace notre cohésion sociale et politique […]» (JDD, 25 juin 2022). Que n’ont-ils, depuis des années, dans ce chœur admirable, appelé à leur propre responsabilité, à celle des gouvernants et des institutions et administrations publiques qui ont, au mieux laissé faire et le plus souvent conduit cette politique aux effets désastreux? N’ont-ils pas cautionné sans réagir et même souvent soutenu les orientations énergétiques de l’Europe reprises par la France ? Qui est responsable d’avoir déconstruit ce qui fonctionnait à la satisfaction de tous les Français? À qui la faute ? Aux consommateurs français? C’est comme si, paraphrasant la célèbre formule qu’on lui prête, Marie-Antoinette avait dit: «Si le pain est rare et cher, qu’ils en mangent moins.» On sait à quelles conséquences a conduit cette charmante remarque : la révolution et le chaos. Il est significatif que leur vibrant appel ne fasse aucune référence aux énergies renouvelables dont ils sont tous les trois les fervents panégyristes.

Extrait du livre d’Hervé Machenaud « La France dans le noir C'est maintenant ! », publié aux éditions Manitoba / Les Belles Lettres

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