Crise démocratique : qui pour mettre Emmanuel Macron au pied de ses responsabilités ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, président de la République.
Emmanuel Macron, président de la République.
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Réforme des retraites

Alors que le rejet du RIP par le Conseil constitutionnel a encore exaspéré les opposants à la réforme des retraites, le président peine à comprendre que la dénonciation de “factieux” ne suffira pas à sortir le pays de l’impasse politique.

Joseph-Macé Scaron

Joseph Macé-Scaron

Joseph Macé-Scaron est consultant et écrivain. Ancien directeur de la rédaction du Figaro magazine et de Marianne, il est, notamment, l'auteur de La surprise du chef (2021) et Eloge du libéralisme (2020), aux éditions de L'Observatoire. 

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Atlantico : Depuis le premier mai, les passes d’armes entre la majorité et les Insoumis se multiplient. Gérald Darmanin, puis Elisabeth Borne et Emmanuel Macron n’ont pas manqué de dénoncer les déclarations de Jean Luc Mélenchon.  Mais quelles sont les limites de la stratégie de la dénonciation pratiquée par la majorité ?

Joseph Macé-Scaron : Face à un adversaire qui se radicalise de plus en plus dans ses propos et revisite d’une manière outrancière la fonction tribunitienne, l’exécutif a beau jeu de planter en permanence des banderilles dans le dos de ce Minotaure politique qu’est devenue La France insoumise. La minorité présidentielle est, en effet, dans son rôle quand elle s’en prend à ceux qui ont popularisé le slogan « tout le monde déteste la police ». Slogan dont on voit de plus en plus les effets tragiques dans les manifestations actuelles. Elle est également dans son rôle quand elle répond rudement au « A bas la Cinquième république » du leader des Insoumis.
En dénonçant les vitupérations de Jean Luc Mélenchon le pouvoir se pose naturellement en garant de la légitimité de la stabilité et de l’ordre dans la rue.
Certes, le fait de présenter ce dernier comme une menace pour le pays n’est pas nouveau. Il faut se rappeler que durant une bonne partie de la campagne présidentielle, Mélenchon était présenté comme un danger absolu. Cette perspective d’un duel au second tour Mélenchon-Le Pen avait été complaisamment reprise par bon nombre d’observateurs politiques ce qui avait permis d’accentuer le siphonage de l’électorat de droite. 

Mais l’actuelle outrance verbale du gourou des Insoumis permet de franchir une nouvelle étape dans la dénonciation de LFI. Nul doute que Jean-Luc Mélenchon joue ici le rôle de « l’idiot utile » de la macronie. Cette dénonciation permet de resouder les rangs de cette dernière. Elle permet aussi de s’adresser à la droite, toujours soucieuse du maintien de l’ordre. Elle permet enfin d’enfoncer un coin au sein de la gauche entre les anti-et les pro Mélenchon et de vivre encore dans le doux rêve qu’il existe un « macronisme de gauche ». la limite de cette stratégie est claire : en désignant Mélenchon contre l’adversaire à abattre, la Macronie contribue à respectabiliser davantage le Rassemblement national qui ne prospère et gagne des points que dans le silence et la discrétion.

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Par sa fonction, Emmanuel Macron est, entre autres, garant de la stabilité des institutions. Ne doit-il pas, dans cette situation, prendre les Français tels qu’ils sont ? Cette stratégie de la dénonciation sert-elle de refus de voir la réalité de la situation politique et sociale et de sa responsabilité dans la situation ?

Il est vrai que cette dénonciation a pour but de réduire la protestation contre la réforme aux gesticulations de LFI et de s’exonérer de toute responsabilité dans l’agitation sociale. Culture du mépris et cynisme s’associent et finissent ainsi à réduire le peuple à ce qu’Hannah Arendt appelait « the mob » qui peut se traduire par « populace » ou « plèbe ». Dans ce tableau, le pouvoir se rassure : il a fait œuvre de pédagogie et a présenté des arguments mais peut-on faire entendre raison à ceux qui sont mus par les passions et l’irrationnel.

Cela permet aussi de tirer un trait sur le référendum. Les élections seraient ici bonnes pour le peuple des citoyens et le référendum ne donnerait la parole qu’à « the mob ». C’est la méconnaître profondément l’esprit de nos institutions. L’élection présidentielle est au suffrage universel direct pour donner la parole au peuple et le référendum sert par temps de crises à relégitimer cette élection. Pour aller vite, la Cinquième est une monarchie élective tempérée par référendum.

Au-delà des esquisses de critique constructive de François Bayrou dans le JDD, qui dans la majorité est capable de ramener Macron à la raison ?

Pardonnez-moi mai je ne vois pas où se niche la critique constructive dans les propos du président du Modem. Son entretien souligne la justesse des analyses du commissariat au Plan dont il est la patron et dont il nous rappelle, au passage, l’existence. Ces analyses mettaient en avant que notre système est gravement déséquilibré depuis plusieurs décennies. La belle découverte ! Il l’est et le sera tant que l’on aura pas mis sur la table la question de la capitalisation.

Personne n’est en mesure dans la majorité de ramener Emmanuel Macron à la raison car, à ses yeux, nul mieux que lui n’incarne la raison. Soyons honnête : Giscard à la fin de son septennat était dans le même état d’esprit. A mes yeux, le meilleur de Giscard est dans sa tentative de reconquête où il sera à la fois brillant, inventif et ouvert à la critique. Peut être que Macron connaîtra le même itinéraire s’il songe à se représenter en 2032.

Que risque-t-on si personne n’arrive à faire réaliser à Emmanuel Macron la situation du pays, sa responsabilité et son rôle de garant de la stabilité ?

Nous naviguons depuis les dernières législatives en terra incognita. Personne ne peut prévoir avec certitude ce qui peut se passer. Une seule chose est sûre : les élections européennes l’an prochain seront un plébiscite pour ou contre le pouvoir à moins que la guerre ne s’étende sur notre continent. D’ici là, nous allons vivre des fortes périodes de secousses sociales et politiques. Macron avait fait campagne sur le thème « moi ou le chaos ». Malheur à la ville dont le prince est un enfant, dit l’ecclésiaste.

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