Criminalité : le vertigineux graphique venu du Salvador montrant à quel point la répression… fonctionne<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Justice
Des détenus dans une cellule de la méga-prison du CECOT, où sont détenus des centaines de membres des gangs MS-13 et 18 Street, lors d'une visiteà Tecoluca, au sud-est de San Salvador, le 21 août 2023.
Des détenus dans une cellule de la méga-prison du CECOT, où sont détenus des centaines de membres des gangs MS-13 et 18 Street, lors d'une visiteà Tecoluca, au sud-est de San Salvador, le 21 août 2023.
©Marvin RECINOS / AFP

Lutte contre la délinquance

Le Salvador a réduit drastiquement la criminalité. Comment le président Nayib Bukele a-t-il pu faire autant reculer la délinquance ?

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève

Pierre-Marie Sève est délégué général de l'Institut pour la Justice. 

Voir la bio »

Atlantico : Le Salvador est un petit pays, mais il réussit actuellement la plus spectaculaire réduction de la criminalité de l'histoire contemporaine, au point de devenir moins dangereux que les Etats-Unis. Comment l’expliquer ? Quelles décisions prises ces dernières années ont permis de réduire drastiquement la criminalité ?

Pierre-Marie Sève : Le fait que le Salvador ait eu le taux d'homicide le plus important au monde en 2017 (aux alentours de 100 homicides pour 100 000 habitants) et parvienne actuellement au taux de plus faible de tout le continent américain (environ 1 homicide pour 100 000, ce qui serait dans la bonne moyenne européenne) n'a rien d'un mystère. En effet, les pouvoirs publics salvadoriens n'ont fait qu'appliquer des principes unanimement reconnus en criminologie comme occasionnant une baisse de la violence et de l'insécurité. On peut la résumer en quelques mots : mettre les criminels hors d'état de nuire. Plus de criminels, plus de crime. Cela parait simpliste, mais c'est justement cette extrême simplicité qui permet cette immense efficacité.

Ce principe de bon sens avait été posé il y a déjà plusieurs siècles par le père du droit pénal moderne, Cesare Beccaria. Ce juriste italien du 18e siècle, progressiste, préconisait la fin de la torture et de la peine de mort, mais aussi des principes simples: la loi pénale doit être claire et connue de tous, et lorsqu'elle est violée, elle doit être punie par une sanction proportionnée, mais surtout rapide et certaine.

Cette politique du président salvadorien Nayib Bukele a-t-elle été adoubée par l'opinion publique ?

Indubitablement. Non seulement, il est très populaire au sein de la population, mais ily a même plus éloquent : un très récent sondage le donnerait gagnant d'une nouvelle élection à 81%, un score absolument renversant.

Malgré les quelques polémiques sur la manière dont la criminalité a été réprimée, la justice a-t-elle suivi la politique engagée par Nayib Bukele ? Cette politique s’est-elle vraiment poursuivie au détriment de l’Etat de droit ?

Devant la gravité que prenait la guerre des gens au Salvador, le président Bukele a mis en place l'état d'urgence. C'est la loi qui prévoyait ce régime juridique et les juges ont tout simplement obéi à la loi, c'est même leur rôle. Il faut dire également que la situation au Salvador était si catastrophique (un taux d'homicide de 100 pour 100 000 est tout simplement délirant, c'est le taux d'un pays en guerre, un taux que la France n'a probablement jamais connu même en remontant au Moyen-Âge) qu'il apparait complètement à côté de la plaque, à un Salvadorien, de critiquer la façon dont tout cela a été mis en place. De plus, durant la grande opération qui a permis de mettre en prison 40 000 gangsters en 8 mois, il n'y a eu que très peu de tués, tant au sein de la police qu'au sein des gangs. C'est un exploit que d'avoir réussi à mettre ces gangsters ultradangereux en prison sans de dommages collatéraux. Naturellement, le régime carcéral auquel ils sont maintenant astreint est plutôt sévère. Peu de détails ont fuité, mais le président a laissé entendre que les prisonniers n'auraient pas le droit de mieux manger que le Salvadorien le plus pauvre. Ce qui parait encore une fois simplisite, mais qui est une mesure de bon sens !

La France devrait-elle prendre exemple sur le Salvador ? Sur quels points ?

Oui, sans aucun doute. Tout pays devrait prendre exemple sur le Salvador s'il souhaite réduire sa criminalité. Bien sûr, il y a très peu de pays dans le monde qui ont atteint un niveau de violence équivalent à celui que connaissait le Salvador avant Bukele, mais justement. Si le Salvador a réussi, alors tous les pays au  monde peuvent réussir. je rappellerais ici que la droit à la tranquillité et à la sécurité doit être un des objectifs prioritaires de toute démocratie. Personne ne peut jouir tranquillement de sa vie sans avoir l'assurance que l'Etat fait tout ce qui est raisonnablement possible pour protéger sa vie et sa sûreté. Ce principe, qui semble oublié par la plupart des politiques, à tout le monde français, est même inscrit dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen !

Aujourd'hui, en France, le prononcé des peines de prison laisse à désirer : parce que la France manque de places de prison et parce que certains juges ont une idéologie qui tend au laxisme, le tout sous-tendu par un code pénal qui n'oblige les juges à prononcer aucune peine planchers à la différence de la quasi-totalité de nos voisins. Mais bien pire que les prononcés des peines est l'exécution des peines. Aujourd'hui,  4 condamnés à de la prison ferme, sur 10 ne mettent jamais les pieds en prison ! Et un condamné effectue en moyenne 60% de sa peine. Comment la Justice pénale peut-elle espérer être dissuasive ? A ce sujet, l'ancien cancre mondial, le Salvador, fait désormais figure d'autorité et aurait beaucoup de choses à appendre à la France.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !