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Des élèves de l'école de Nomvalo, en mars 2006, devant deux filets servant à recueillir le brouillard et à produire de l'eau, dans le village de Taleni, en Afrique du Sud.
Des élèves de l'école de Nomvalo, en mars 2006, devant deux filets servant à recueillir le brouillard et à produire de l'eau, dans le village de Taleni, en Afrique du Sud.
©GIANLUIGI GUERCIA / AFP

Innovation

Les îles Canaries souhaitent utiliser le brouillard pour récolter de l’eau potable.

Edouard Kierlik

Edouard Kierlik

Edouard Kierlik est Professeur de physique, Directeur de l'UFR de physique, faculté des sciences et ingénierie, Sorbonne Université et Directeur de la Maison pour la science Paris-Île-de-France.

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Atlantico : Les îles Canaries veulent utiliser le brouillard pour en faire de l’eau, le gouvernement finance des projets qui vont en ce sens. Quelle est la technologie qui permet de mettre en place ce genre de système ?

Edouard Kierlik : La technologie est assez rudimentaire: cela ressemble à un filet de tennis ! Il s'agit d'un montant sur lequel on fixe le filet de condensation, l'eau est ensuite récoltée par des gouttières jusqu'à une bassine ou un réservoir située en contrebas.

Le montant peut être en bois, en acier, en bambou. Le filet à brouillardlui en revanche demande plus de réflexion: pour être efficace, il faut jouer sur le maillage (le diamètre des fils ou fibres qui le constituent, la taille de la maille c'est-à-dire des trous) et sur le traitement des fibres pour qu'elle puisse faciliter la condensation de l'eau et ensuite leur évacuation. On ne le traite pas avec un imperméabilisant !Cela peut être une simple toile (surtout dans les pays peu développés), ouen polyoléfines (des matières plastiques)par exemple le polypropylène. Des recherches cherchent à optimiser la conception de ce maillage pour accroître la proportion d'eau récoltée.

Au-delà de l’exemple des Canaries, existe-t-il beaucoup de systèmes ayant cette visée ?

A partir du milieu des années 1980 et un premier dispositif installé au Chili, il y a plusieurs tentatives à travers le monde. Voir tableau joint (pris d'un article de 2014). On constatera qu'elles se sont arrêtées pour la plupart. Une tentative plus récente date de 2015 où on a eu une installation dans les montagnes de l'Anti-Atlas marocain et on trouve des traces de dispositifs en 2015 au Kenya ou au Yémen.

Pourquoi le brouillard peut-il être une bonne source d’eau ?

Le brouillard (comme les nuages) est constitué de gouttelettes d'eau très petites (avec des diamètres de quelques millièmes de millimètres). Elles sont si petites qu'elles ne tombent pas (en fait, très lentement) contrairement aux gouttes de pluie et qu'elles sont facilement emportées par des mouvements d'air et les vents. Elles diffusent beaucoup la lumière comme la neige ce qui fait qu'alors que l'eau est transparente, le brouillard apparaît blanc.

En général le brouillard contient très peu d'eau liquide (de l'ordre de 0,05 g par mètre cube jusqu'à 1 gramme tout au plus). Cela semble faible mais si récupérait pendant 24h toute cette eau avec un vent modéré de 1 mètre par seconde, cela donne 4,3 L par mètre carré de toile.En dimensionnant la surface des filets, on peut récupérer beaucoup d'eau (même si en pratique, on n'extrait pas toute l'eau du brouillard) : les chiffres que j'ai trouvés sont assez divergents. Il semble qu'au mieux on arrive à prendre 10% de l'eau du brouillard (sur Ekopedia je trouve 30% mais cela me semble excessif).

Quels sont les coûts énergétiques, économiques, et en termes de matériaux de ce genre de procédés ? Cette technologie pourrait-elle être utilisée à plus grande échelle et résoudre certains problèmes de pénuries d’eau ? Pourrait-on imaginer en faire de l’eau potable facilement ?

Le premier point est qu'évidemment cela n'est possible qu'avec du brouillard. L'approvisionnement reste aléatoire. Il peut arriver parfois que le brouillard se fasse attendre pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Donc cela limite aux zones montagneuses essentiellement à proximité des côtes. Et même là, cela dépend beaucoup de la période de l'année (avoir plus de 60 jours de brouillard est rare). D'autre part, comme les filets sont par définition installés dans des endroits exposés au vent, ils se déchirent régulièrement, les câbles ou les poteaux se distendent ou s'affaissent et cela nécessite beaucoup de maintenance au quotidien.

En revanche, l'avantage est que le dispositif est passif: il ne nécessite aucune énergie. Par ailleurs sa construction nécessite peu de matériaux (mais la fabrication du filet, si on ne prend pas un simple tissu, peut nécessite des technologies assez avancées, même si le matériau en lui même comme le polypropylène est courant). Par ailleurs, la qualité de l'eau est bonne en général mais elle peut être contaminée dans le réservoir par des poussières, des insectes, etc. et des moisissures peuvent se développer sur le filet.

Donc je doute que cela soit une solution autre que dans quelques points particuliers du globe. Collecter la rosée me semblerait plus prometteur !

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