Créer des emplois c’est bien, des emplois de qualité, c’est mieux. Et voilà les utiles recommandations de France Stratégie<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme sur le chantier d'un immeuble de bureaux.
Un homme sur le chantier d'un immeuble de bureaux.
© Ina FASSBENDER / AFP

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La baisse du chômage ces dernières années et les tensions sur le marché du travail ont mis en lumière l'importance du lien entre qualité de l'emploi et attractivité des métiers. Les postes peuvent ainsi être divisés en six groupes distincts, en fonction de différents critères (salaire, temps de travail, conditions de travail, etc.).

Vincent Donne

Vincent Donne

Vincent Donne est chef de projet chez France Stratégie. Ses travaux portent sur la formation professionnelle, les compétences et les territoires.

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Atlantico : Vous publiez une note d'analyse sur la qualité de l'emploi, pour France Stratégie, qui bâtit une typologie en six groupes de métiers selon leur configuration de qualité de l'emploi, en fonction des scores obtenus pour une série d'indicateurs. Quelle a été votre méthodologie ?

Vincent Donne : C'est une méthodologie reprise de la mission sur la revalorisation des métiers de la deuxième ligne. Ce qui est intéressant, c'est que c'est une méthodologie qui a l'avantage d'avoir été discutée avec les partenaires sociaux préalablement. C'était en 2021.

Au moment du confinement, le président de la République avait identifié les métiers de la première ligne (les métiers du soin dans les hôpitaux) et les métiers de la deuxième ligne. Ce sont des métiers qui avaient continué à fonctionner pendant le confinement : les métiers de la continuité sociale, ceux sans qui finalement l'activité s'arrête. Il y avait aussi bien des métiers dans les déchets, dans le commerce ou encore tout ce qui va être aide à domicile. Une mission avait été diligentée par le président de la République pour s'intéresser à ces métiers et voir comment on pouvait les revaloriser. Pour estimer la qualité de ces emplois, il y avait donc eu un travail discuté avec les partenaires sociaux dans les différentes branches professionnelles. Nous sommes repartis de cette méthodologie qu'on a appliquée à l'ensemble des métiers du marché du travail.

Que constatez-vous ? Quels sont les résultats obtenus ?

C’est une analyse multidimensionnelle. L'idée principale, c'est de croiser plein de sources administratives pour couvrir les différents domaines de la qualité de l'emploi. On identifie bien six groupes de métiers. Le premier, ce sont les métiers de cadre qui sont des métiers qui sont bien rémunérés. Ils ont de bonnes perspectives de carrière mais ils vont être soumis à une forte intensité du travail. Le deuxième groupe est le groupe le plus hétérogène. C’est un ensemble de métiers moyennement qualifiés dans les services qui sont plutôt protégés en matière de contraintes horaires, de contraintes de conditions de travail et avec des salaires un tout petit peu au-dessus de la moyenne. Ensuite, il y a trois groupes de métiers qu'on pourrait considérer comme plutôt à bas salaire. Le premier, c'est le métier d'ouvrier, avec des fortes contraintes physiques et soumis à beaucoup d'accidents du travail, qui ont des salaires relativement bas. On a un groupe de métiers plutôt moyennement qualifiés dans les services avec des bas salaires mais qui sont relativement épargnés en matière de conditions de travail et en matière de contraintes horaires. On a un autre groupe de métiers à bas salaires qui comprend justement ces fameux métiers de la deuxième ligne. Ce sont des métiers qui sont présents dans des très bas niveaux de salaires, plus bas encore que les autres. Ils se caractérisent aussi par de très fortes contraintes horaires (horaires fragmentés, travail le dimanche, travail de nuit). Le dernier groupe est un peu spécifique. C’est un groupe avec de très fortes contraintes horaires avec des niveaux de salaire et des perspectives de carrière relativement protégées, au-dessus de la moyenne. Ce sont les métiers du soin comme les infirmières, les aides-soignants, les médecins ou des métiers de la sécurité type armée, police, pompiers. 

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Typiquement, on va voir qu'on a des dimensions de qualité de l'emploi (salaires, trajectoires et conditions d'emploi) qui sont plutôt corrélées. Quand vous avez un bon salaire, vous avez plutôt des perspectives de carrières positives. Vous avez moins de risques de vous retrouver au chômage. Vous allez avoir accès à de la formation et à des perspectives d'évolution professionnelle. Tout ça, c'est corrélé. On peut dire à ce moment-là que vous avez plutôt des bonnes conditions d'emploi. 

Par contre, on a certaines autres dimensions comme les conditions de travail et, plus encore, les contraintes horaires et les contraintes en matière de temps de travail qui, finalement, sont des dimensions assez discriminantes. Dans le cas des cadres par exemple, ils ont une bonne condition d'emploi sur pas mal de dimensions mais c'est vrai qu'ils sont soumis à une intensité de travail forte et à des durées de travail hebdomadaire assez longues.

Dans ces conditions, comment définir ou estimer un emploi de qualité?

Ce qui ressort beaucoup de notre note, c'est qu’il n'y a pas de configuration idéale en matière de qualité de l'emploi. Ça ne veut pas dire que toutes les configurations se valent. Il y a évidemment certaines configurations qui sont plus favorables que d'autres. Certains métiers au sein des six groupes se détachent et apparaissent avec des conditions relativement favorables. Ce sont des emplois de qualité dans des métiers qui présentent des configurations positives en termes de qualité de l'emploi. Ce sont des métiers relativement épargnés des contraintes horaires avec des conditions de travail qui seraient plutôt favorables et des niveaux de salaire au-dessus de la moyenne. 

Ce qui est intéressant dans notre étude, c’est qu’on se rend compte qu'on a certains de ces métiers qui pourraient être qualifiés comme ayant une bonne qualité d'emploi, mais qui ne présentent pas forcément un très fort niveau de satisfaction professionnelle. La question du sens au travail. Il y a des enjeux aussi en dehors de la qualité de l'emploi qui sont difficilement captables.

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L'amélioration de la qualité de l'emploi, est-ce un enjeu majeur pour l'économie française ? Pour quels bénéfices ? 

La qualité de l’emploi n’était pas vraiment un objet de politique publique parce qu'il y avait une difficulté à la définir, à l'objectiver. C'est un peu l'une des raisons pour lesquelles on a justement entrepris ce travail. 

En réalité, il y a quand même une littérature assez conséquente sur le sujet (travaux de l’OCDE, du BIT etc). Cette littérature montre bien l'impact de la qualité de l'emploi, en premier lieu, sur le bien être des salariés mais aussi sur l'attractivité des emplois et la fidélisation des salariés dans leur emploi. Ça a aussi un impact très positif sur la qualité, la capacité d'innovation et la compétitivité des entreprises. Ce sont des choses qui sont prouvées. 

La qualité de l'emploi est un sujet devenu assez central. On a connu une baisse du taux de chômage et une augmentation des tensions de recrutement. On voit bien qu'il y a un enjeu sur l'attractivité des emplois et l'attractivité des métiers. La crise sanitaire a bousculé le rapport des individus au travail. On a aussi une réforme récente sur l'allongement de la durée de vie au travail, qui pose la question de la capacité des individus à demeurer dans leur emploi jusqu'à la retraite. Sans compter l’accélération des mutations économiques avec des enjeux de transition écologique et la transition numérique qui fait qu'on se retrouve face à beaucoup de mouvements de main d'œuvre et à des enjeux de compétitivité. La qualité des emplois va jouer sur l’attractivité et sur la capacité de l'économie française à répondre à ces défis.

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Créer des emplois, c'est bien. De qualité, c'est mieux. Quelles sont vos recommandations pour créer des emplois de qualité? Dans quels secteurs? Pour quels métiers?

C'est évidemment une vaste question. Comment créer des emplois et encore plus des emplois de qualité ? 

L'un des objectifs de la note, c'est de dire que la qualité de l'emploi est un objet de politique publique. On doit réfléchir à des politiques incitatives. Le gros sujet pour nous, c'est d’améliorer les emplois et la qualité des emplois qui vont être créés. D’ici l’horizon 2030, certains métiers vont présenter de gros déséquilibres. Quels sont les métiers qui vont présenter des points d'alerte en matière de qualité de l'emploi ? Dans certains métiers essentiels et stratégiques, il y a des problèmes d’attractivité. Les métiers de l’éducation par exemple connaissent des difficultés de recrutement. Les transports, l’énergie, les métiers autour du médicament, autour de la transition écologique… Dans tous ces métiers-là, il y a des points d'alerte sur la qualité de l'emploi qui sont assez, assez flagrants. 

Ce que nous disons aussi, c'est que le salaire n'est pas la seule réponse à ces problèmes de qualité de l'emploi. Il est important évidemment. Mais il y a d'autres leviers qu'on pourrait actionner avec des incitations à négocier au sein des branches professionnelles entre partenaires sociaux. Comme par exemple, la question des horaires. Elle est essentielle pour de nombreux métiers. 

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