Covid : cette catégorie de médicaments cruciale dans les débuts de la pandémie qui a perdu son efficacité<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Le scientifique Linqi Zhang photographié dans le Centre de recherche en santé publique de l'Université Tsinghua à Pékin présente des anticorps monoclonaux.
Le scientifique Linqi Zhang photographié dans le Centre de recherche en santé publique de l'Université Tsinghua à Pékin présente des anticorps monoclonaux.
©NOEL CELIS / AFP

Anticorps monoclonaux

Les traitements à base d'anticorps monoclonaux s'avèrent inefficaces face aux nouveaux variants du Covid, selon l'Agence européenne des médicaments.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

Voir la bio »

Atlantico : On a beaucoup parlé des anticorps monoclonaux au début de la pandémie, face aux nouveaux variants, il semblerait qu’ils deviennent inefficaces. Qu’en est-il exactement ?

Antoine Flahault : Les chercheurs et les fabricants courent un peu après l’émergence des nouveaux variants et les anticorps monoclonaux qui sont des médicaments extraordinaires sur bien des indications thérapeutiques, sont justement très efficaces et bien tolérés parce qu’ils sont très précis dans leur mode d’action. Vis-à-vis du coronavirus, ces anticorps monoclonaux ciblent des régions très spécifiques de la protéine Spike du Sarscov2, en l’empêchant de se fixer à nos cellules et les infecter. Le problème c’est que les variants du coronavirus ont muté précisément sur ces sites d’accrochage de la protéine spike rendant ces nouveaux médicaments inefficaces les uns après les autres. On les a vu tomber au champ d’honneur, tour à tour, le dernier en date étant l’Evusheld qui ne présente désormais presque plus d’efficacité contre le sous-variant BQ.1.1, ce sous-variant d’Omicron qui a été à l’origine de la neuvième vague, celle qui se termine actuellement et dont le pic est survenu en décembre dernier en France. 

Y a-t-il une alternative aux anticorps monoclonaux dans le Covid-19 ?

Aujourd’hui la seule alternative aux anticorps monoclonaux est représentée par les médicaments antiviraux. C’est-à-dire le Paxlovid et le Remdesivir. Ces deux molécules sont très efficaces pour prévenir les formes graves de Covid-19 si elles sont administrées très précocement dans le cours de l’infection, dès les premiers jours après les premiers symptômes. C’est donc beaucoup plus contraignant que l’Evusheld qu’on pouvait prescrire une fois par mois sans pratiquer de tests PCR. Le Paxlovid présente par ailleurs des inconvénients car il est associé à beaucoup d’interactions médicamenteuses qui nécessitent un accompagnement médical assez serré. Le Remdesivir est uniquement administré par voie intraveineuse, à l’hôpital, durant trois jours successifs, il n’est donc pas très commode d’utilisation non plus. Mais de nouveaux traitements antiviraux plus maniables pourraient arriver sur le marché ces prochains mois.

A quel point cette perte d’efficacité va-t-elle poser problème ? Quels sont les publics qui vont le plus souffrir ?

On a non seulement sauvé beaucoup de personnes avec les anticorps monoclonaux mais on a rendu la vie beaucoup plus vivable à bon nombre de patients immunodéprimés chez qui ils étaient indiqués. En particulier, les patients ayant reçu une greffe d’organes. Ces patients prennent des traitements immunodépresseurs pour que leur greffe de rein, de cœur, de poumon ou de foie ne soit pas rejetée, mais du coup le vaccin contre le Covid-19 n’est pas efficace chez ces patients. Il fallait leur donner des injections mensuelles d’Evusheld, à titre préventif, pour les protéger contre les formes graves qui peuvent à tout moment les emporter. Et l’Evusheld était très efficace chez ces personnes. On estime en France entre 500’000 et 600’000 le nombre de personnes souffrant d’une immunodépression sévère qui justifie le recours à des traitements préventifs. 

La piste des anticorps monoclonaux face au Covid est-elle définitivement enterrée ou pourrait-elle se redévelopper dans une version adaptée aux nouveaux variants ?

On a vu les fabricants mettre sur le marché des anticorps monoclonaux qui au début de la pandémie suivaient l’évolution du virus. En 2021, on a connu deux évolutions majeures du coronavirus, la propagation du variant Alpha puis celle de Delta. En 2022, l’arrivée d’Omicron a été caractérisée par l’émergence de cinq nouvelles vagues due à quatre sous-variants d’Omicron très différents les uns des autres sur le plan génétique. À partir d’Omicron les fabricants ont eu du mal à suivre. Ils avaient l’impression de courir derrière les vagues et d’arriver toujours en retard d’un variant. Et l’émergence de nouveaux sous-variants d’Omicron continue encore à un rythme effréné, puisqu’on ne décompte pas moins de 700 sous-variants d’Omicron aujourd’hui. Les fabricants ont demandé aux agences réglementaires (la FDA aux USA et l’EMA en Europe) de ne pas être contraints à produire des résultats d’essais cliniques d’efficacité pour les nouvelles molécules qu’ils sont capables de mettre sur le marché, en proposant un modèle d’enregistrement voisin de celui des rappels de vaccins bivalents de l’automne dernier. Mais ce serait une évolution de la doctrine réglementaire de la part des agences qu’elles n’ont pas encore voulu faire. Il y a une jurisprudence pour les vaccins, puisqu’on n’exige pas d’essais cliniques d’efficacité pour les vaccins de la grippe saisonnière, mais on n’a jamais fait ce genre d’exception pour les anticorps monoclonaux. Vu la gravité du Covid-19 chez les patients immunodéprimés, il est possible que l’attitude des agences évolue à ce sujet ces prochains mois, et peut-être d’ailleurs sous la pression des patients concernés.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !