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Covid-19 : sommes-nous encore loin de la fin du tunnel ?
©Damien MEYER / AFP

Endiguer l'épidémie

Reconfinement + panne de facto dans la vaccination, contrairement aux Britanniques ou aux Israéliens reconfinés mais vaccinés, les Français ont peu de motifs d’espoir. Jusqu’à quand faudra-t-il tenir ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Collectif Du Côté de la Science

Collectif Du Côté de la Science

Le collectif Du Côté de la Science, groupe indépendant de scientifiques, alerte et conseille sur la lutte contre le COVID-19, et appelle à ce qu’elle soit fondée sur les données de la science et débattue avec des citoyens informés.

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Atlantico.fr : Alors que la France semblait avoir pris de l’avance sur le reste de l’Europe grâce à son confinement pré-Noël, notre pays accuse un sérieux retard sur le terrain de la vaccination. Peut-on encore se rattraper ?

Collectif du Côté de la Science : L’erreur aujourd’hui serait de croire qu’une gestion comptable de la vaccination est la voie pour une gestion sanitaire efficace. L’arrivée plus rapide que prévue des premières doses de vaccins a montré que le plan de vaccination présenté fin novembre n'était en fait qu’une feuille de route, et que peu d'aspects liés à l’organisation nationale ou locale et à la logistique avaient dans les faits été réglés.

Aujourd’hui, l’objectif politique de 1 million de personnes ayant reçu leur première dose de vaccin montre la gestion “mediatique” de ce sujet et met à mal l’organisation de la vaccination qui n’était pas prête, et qui aujourd’hui peine à gérer en parallèle le flux de la première dose et le flux de la seconde dose. Ce même ralentissement est d’autant plus fort que les fournisseurs peinent à répondre à la demande mondiale et dans les autres pays limitrophes les vaccins manquent également mais la vaccination semble plus “fluide”.

Charles Reviens : La France a mis en place un second confinement généralisé entre le 30 octobre et le 1er décembre 2020, alors en avance de phase par rapport à d’autres pays occidentaux, à l’exception notable d’Israël, où est aujourd’hui en place un troisième confinement général.

La Blavatnik School of Government de l’université d’Oxford a développé un « index de la rigueur gouvernementale » (Government Stringency Index) qui suit les mesures de restrictions des interactions sociales (obligation de rester à son domicile, fermeture des écoles et lieux de travail, limitation des rassemblements publics, restrictions en matière de transport) d’où il ressort que les différences ne sont pas si importantes dans la durée entre les différents pays.

Ces mesures de restrictions ne constituent qu’une partie de la palette d’instruments à la disposition des pouvoirs publics nationaux. L’instrument le plus en vue aujourd’hui concerne la mise en œuvre de programmes de vaccination. A date la rapidité du déploiement des vaccins ne se retrouve pas encore dans les taux de mortalité par unité de population, taux qui sont pour le moment plus élevés au Royaume-Uni, en Grande-Bretagne et en Israël qu’en France.

Le retard de la France en matière de déploiement de la vaccination est constaté partout dans l’Union européenne en situation de pénuries, en contraste flagrant avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis. 55 % de la population israélienne a été vaccinée en six semaines avec des résultats apparemment encourageants pour les seniors ayant reçu les deux doses. Un papier récent de Laurent Alexandre, Olivier Babeau et Nicolas Bouzou intitulé « Vaccination: «Brexit 1, Bruxelles 0» considère que le programme vaccinal européen a échoué puisque l’Union Européenne constitue la variable d’ajustement des livraisons des laboratoires pharmaceutiques, alors que celui qui vaccine peu et lentement a de bonnes chances de passer pour un «looser» de l’Histoire.

Mais le retard français sur les vaccins fait suite à d’autres retards constatés depuis le début de la crise, notamment en matière de réactivité initiale notamment avec les pays développés d’Asie du Sud-Est qui n’ont jamais perdu le contrôle de la pandémie et donc pour lesquels l’urgence de la vaccination se pose donc dans des termes très différents.

Le temps perdu ne se rattrape jamais nous disait Jules Renard en 1898. Il faut donc prendre la situation telle qu’elle est, et Jean-Sébastien Ferjou rappelle dans une récente contribution les instruments à disposition des pouvoirs publics français au-delà du couple binaire confinement-vaccination, instruments déployés de façon lacunaire ou inefficiente à date :

  • contrôle des frontière, devenue seulement très récemment une priorité politique, quasiment un an après d’autres pays notamment en Asie ;
  • identification rapide des cas contacts ;
  • isolement contrôlé des personnes contaminantes et contaminées ;
  • déploiement de la stratégie « zéro covid » d’éradication du virus.

Si les Britanniques ou les Israéliens voient la vaccination se déployer largement, les Français semblent manquer de raisons d’espérer. Quand pourra-t-on estimer la sortie de la crise ?

Collectif Du Côté de la Science : La situation en Angleterre et en Israël est bien différente. Le Royaume-Uni a décidé de vacciner dès le mois de décembre, en ciblant les personnes à risque en institution et les soignants. Il est donc facile si on a le stock de vaccin d’atteindre rapidement un chiffre important de personnes ayant reçu la première voire la seconde dose. On verra comment cela évoluera pour les personnes fragiles hors institution par exemple, la cinétique de vaccination risque d'être diminuée. En Israël, avec une population de 8.5 millions d’habitant (soit presque 10 fois moins qu’au Royaume-Uni ou en France); il est également plus facile avec un stock de vaccin disponible identique de vacciner plus vite un pourcentage élevé de la population. Ce pays ayant ayant signé un accord de partage des données avec Pfizer a été livré en priorité.

En France comme en Allemagne, le début de la vaccination ayant pris presque 3 semaines de retard par rapport au Royaule-Uni, les chiffres illustrent la temporalité et le décalage. L’Allemagne avait un plan fin Novembre dont toutes les étapes avaient été testées par un essai grandeur nature début Décembre, là où nous n’avions que quelques pages descriptives pour rassurer dirigeants et politiques, mais dont la mise en place et la mise en route s’est confrontées aux réalités de l’exercice. Mais la vitesse de vaccination dans tous les pays avec des populations comptant plusieurs dizaines de millions demandera des stocks de vaccin importants et également des versions plus facile logistiquement à transporter ou conserver. Si au final seuls les vaccins ARNmessager sont la solution la plus efficace, c’est la chaîne de production qu’il va falloir démultiplier. On peut se réjouir que Sanofi et Novartis proposent leur capacité industrielle pour le conditionnement des vaccins ARNmessager, mais c’est vraiment la production des nanoparticules du vaccin lui-même qui est aujourd’hui le facteur limitant.

Charles Reviens : La question des vaccins est un problème français du fait des difficultés européenne qui font suite au choix de la mutualisation de l’approvisionnement par la commission européenne, qui a eu une très dure semaine sur le sujet. Un autre enjeu français concerne les retard et déboires des opérateurs français (Sanofi, Pasteur) dans le développement d’un vaccin efficace agréé par les autorités sanitaires et donc disponible.

La crise covid-19 est une crise globale qui ne dépasse la seule maîtrise de l’affection covid-19. Il y a également les autres enjeux de santé publique (non-détection ou retard de traitement des autres affections, traitement des covid longs…), les impacts socio-économiques et psychologiques tout à fait majeurs. Chaque jour perdu, chaque restriction des libertés économiques du fait de la pandémie est néfaste à l’activité et se paie d’une augmentation de la pauvreté, du chômage ou de l’endettement tant public que privé.

Compte-tenu du retard déjà acté sur l’enjeu de la vaccination, il faudrait donc renforcer puissamment la mise en œuvre des autre instruments décrits plus haut pour sortir au plus vite d’une situation délétère.

Un confinement associé à une vaccination seraient-ils vraiment suffisants pour enfin envisager une sortie de crise ?

Collectif Du Côté de la Science : Le contrôle de la pandémie passe par une circulation faible du virus associée à une vaccination importante de la population. La vaccination est préventive et met environ 6 semaines à s'établir intégralement après la première dose, pendant ce temps il est primordial d’avoir une circulation faible du virus afin d’éviter au maximum l’émergence de variants résistants issus du nombre élevé de personnes contaminées et une immunité vaccinale en cours de développement. Il est dangereux de vacciner avec une forte circulation virale dans une population, on s’expose à des conditions de pression de sélection pouvant faire le lit de l’apparition de variants.

Est-il plus dur pour les Français d’accepter les contraintes lorsque l’on n’a pas l’impression qu’elles vont suffire à sortir de la crise ?

Collectif Du Côté de la Science : Nous ne le pensons pas et l’absence de rebond massif après les vacances de Noël montre que dans son ensemble les recommandations ont été suivies. C’est d’ailleurs un point positif qui n’a pas été assez mentionné. La remontée des cas positifs et hospitaliers que l'on enregistre en ce moment est la traduction de la circulation du virus dans les lieux et activités qui sont propices à la contagion: les établissement scolaires et les entreprises. Cela ne signifie pas qu’il faille les fermer, mais que l’on doit les sanctuariser par des mesures de sécurisations actives qui permettent le maintien et l’adaptation de l'activité tout en diminuant les risques de contaminations: test salivaire itératif et par pooling, classe hybride, détecteur de CO2, prise en compte du risque aérosols, etc. 

Sans le passage à une adaptation des lieux et activités aux risques infectieux on ne réussira pas à reprendre le contrôle. Le confinement est la dernière solution et elle démontre que l’on n’a pas pris nécessairement les solutions les plus efficaces face à la diffusion du virus et des voies de contagion aérienne. Sans anticiper et agir en amont, nous ne faisons que subir la diffusion du virus qui surfe sur nos manquements et notre incapacité à penser localement et adapter les solutions en fonction des risques, et cela ne se réduit pas nécessairement à l’ouverture ou la fermeture.

Charles Reviens : Le bon sens conduit à considérer qu’un effort ou une contrainte sont d’autant plus acceptables et acceptés que cela sert à quelque chose. De fait l’adhésion de l’opinion publique au confinement s’est érodée depuis le printemps : le sondage Opinion Way du 18 janvier indiquait que les trois quarts des français prévoyaient un nouveau confinement mais que 41 % seulement d’entre eux le souhaitaient. On n’en est toutefois pas encore à la situation néerlandaise avec les émeutes anti-confinement du weekend dernier.

L’acceptation sociale des contraintes passe donc par leur caractère approprié mais également la présentation par les pouvoirs publics d’une perspective crédible et lisible d’une sortie de crise. Manifestement nous n’en sommes pas encore là.

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