Coronavirus, H7N9, H5N1 : faut-il vraiment avoir peur de ces virus ? <!-- --> | Atlantico.fr
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A travers le monde de nombreux virus sèment la panique
A travers le monde de nombreux virus sèment la panique
©REUTERS/Stringer

Contagion planétaire

Le nouveau coronavirus a été détecté pour la première fois à la mi-2012. Depuis, 30 cas ont été confirmés dans le monde, dont trois cas suspects en France, et 18 personnes en sont mortes. Phénomène inquiétant d'autant plus que ce n'est pas le seul virus émergent à sévir.

Antoine  Flahault et François Bricaire

Antoine Flahault et François Bricaire

François Bricaire est un médecin. Il est chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. Il est professeur à l'Université Paris VI-Pierre et Marie Curie.

Antoine Flahault, épidémiologiste, professeur de santé publique à l’Université Descartes, Sorbonne Paris Cité, France.

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Atlantico : Le coronavirus inquiète, en France et dans le reste du monde,  à la fois par sa dangerosité et par sa nouveauté. Existe-t-il un risque épidémique, voire pandémique ?

François Bricaire : Tout dépend de l’évolution de ce virus. A priori, il y a des éléments relativement  rassurants dans la mesure où ce virus a été trouvé dans une zone géographique limitée et il y a déjà plusieurs mois. De plus, il n’y a eu qu’une trentaine de cas ce qui fait à la fois beaucoup et pas énormément pour parler d’un risque épidémique. Mais il faut toujours être très prudent car il est toujours possible qu’un virus se mette à se diffuser plus facilement. Les risques existent toujours. Mais nous ne sommes pas à l’heure actuelle en situation de risque majeur. Il faut savoir qu’on parle d’épidémie à partir du moment où plusieurs cas sont déclarés dans une durée de temps limitée. Alors dans ce cas-là effectivement, en suivant la définition, nous sommes dans une situation de potentielle épidémie. Le problème est de savoir si un phénomène épidémique peut s’étendre ou au contraire rester limité, comme c’est le cas pour le coronavirus. Il faut toujours surveiller un phénomène infectieux épidémique, voir s’il se développe et s’il est susceptible de s’étendre. Pour qu’on puisse parler de pandémie, il faut un développement du virus sur une surface géographique suffisamment large, sur plusieurs continents. Là, ce n’est pas encore le cas.

Antoine Flahault : Pour l’instant, on connaît trois formes de ce coronavirus. La première c’est celle du rhume banal. Un coronavirus que tous les Français ont donc déjà eu une fois au cours de son existence. C’est donc une forme très bénigne de ce virus. Le deuxième coronavirus dont on a l’expérience, c’est celui du SRAS en 2003. C’était un virus extrêmement contagieux, symptomatique et bruyant. Il entraînait des pneumopathies très graves. C’est celui qui ressemble le plus à celui que l’on vient de détecter et qu’on appelle donc nouveau coronavirus. Celui-ci semble être beaucoup moins contagieux mais qui lui aussi donne des pneumopathies graves.

Quelles sont les différences entre ce coronavirus et le virus du SRAS ?

François Bricaire :Le virus du SRAS et le virus qui sévit à l’heure actuelle sont tous les deux de la même famille : les coronavirus. Ils ont des communautés de structure et des communautés pour donner des phénomènes infectieux. Mais ils sont un petit peu différents l’un de l’autre, c’est pour cela que l’on parle de nouveau coronavirus. Mais tous les deux entraînent principalement des problèmes respiratoires.

Antoine Flahault : La grande différence avec le SRAS est essentiellement la contagiosité qui jusqu’à présent est presque peu démontrée. On a quelques rares cas de contagiosité inter-humaine même si c'est une maladie qui peut avoir d’autres formes de transmission. Celle-ci peut en effet se faire via un animal ou un aliment. C’est donc ici la grande différence avec le SRAS de 2003. Celui-ci était inquiétant car associé à une mortalité élevée et à des symptômes très graves entraînant dans la plupart des cas une hospitalisation. Finalement, ce type de maladie est évidemment très grave pour les gens qui en sont victimes mais elle est relativement plus simple à gérer que la grippe. En effet, les cas sont tellement évidents à repérer que par exemple avec le SRAS en 2003 dès qu’un malade arrivait sur le tarmac d’un aéroport, il était repéré tellement il était bruyant. Dans le cas du nouveau coronavirus, la dangerosité existe principalement pour le personnel soignant et les familles des personnes infectées.

On constate la multiplication du développement de virus, le nouveau coronavirus, le virus H7N9, le virus H5N1 ou encore le H1N. Doit-on s’inquiéter de la propagation de ces maladies infectieuses ?

François Bricaire : Tout d’abord, c’est un phénomène assez ancien. En effet, il y a toujours eu l’existence de pathologies infectieuses, d’éléments d’infectiologie. Seulement nous n’étions pas toujours capables de les observer. Or désormais, nous sommes dans une société qui les repère beaucoup plus facilement. En effet, on sait maintenant trouver dans nos laboratoires des virus qu’autrefois on ne savait pas identifier. A partir de là, est-ce qu’il faut nécessairement s’en inquiéter ? J’estime que non. C’est au contraire le fait que la science permet une détection plus aisée, plus rapide que l’on peut d’autant plus prendre des mesures adaptées pour lutter contre ce genre de phénomène. Certes ces virus sont dangereux et entraînent la mort mais pour autant cela a toujours existé. Les gens mourraient autrefois dans des circonstances inconnues ou indéterminées et on se demandait si un virus était en cause. Quand on ne savait pas, on se disait que c’était probablement un virus sans pour autant être dans la mesure de dire précisément duquel il s’agissait.

Antoine Flahault : Ce sont des virus assez différents les uns des autres. On pourrait mettre dans le même paquet les virus H5N1 et H7N9 qui sont des virus très dangereux pour l’homme mais sans aucune possibilité de transmission inter-humaine à présent. S’ils venaient à muter, on devra à ce moment-là réévaluer le risque. A ce jour, le risque est essentiellement lié à la contagion par les oiseaux. C’est pourquoi les risques sont essentiellement en Chine où le marché de la volaille est des plus importants. Le risque est là-bas pris très au sérieux. Mais en France, à l’heure actuelle, les risques sont moindres. Toutefois à l’échelle mondiale, il n’existe pas de potentiel pandémique. Pour le virus H1N1, c’est différent car les risques de transmission d’homme à homme existent. Donc effectivement la crainte existe.

Existent-ils d’autres virus émergents qui peuvent devenir inquiétants ?

François Bricaire : Je ne me veux pas alarmiste. J’estime que c’est un phénomène de la vie que de voir des agents infectieux se développer. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Ces virus se développent, changent. Ils sont susceptibles de déclencher des épidémies, de disparaître, de réapparaître. C’est la vie… Mais c’est vrai que maintenant des travaux scientifiques entraînent la création de virus hybrides, comme c’est le cas avec celui repéré en Chine. Ces travaux, évidemment, sont discutables voire contestables. Un virus que l’on crée si on n’arrive pas à le tenir parfaitement dans le laboratoire où il a été mis en place et s’il est dangereux, c’est un risque. Il faut faire extrêmement attention à ce type de manipulation scientifique. C’est jouer aux apprentis sorciers !

Antoine Flahault : On s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de maladies émergentes. Certes, on les regarde plus mais on les diagnostique aussi plus rapidement. Malgré tout, la plupart des experts pense qu’il y a une recrudescence liée à plusieurs phénomènes : l’augmentation de la taille de la population, les migrations humaines plus importantes ainsi que la déforestation qui expose davantage les hommes aux animaux infectés. Tous ces facteurs peuvent concourir à l’apparition de phénomènes épidémiques. Donc il faut redoubler de vigilance.

En comparaison avec le passé, et notamment le virus de la grippe espagnole, peut-on s’attendre à des virus aussi dangereux et mortels ?

François Bricaire : De ce point de vue-là, effectivement, on peut être craintif. Ce qui s’est passé en 1918 aurait parfaitement pu se reproduire avec un nouveau virus de grippe et cela peut toujours exister. Quand un nouveau virus de grippe apparaît, il est susceptible de déclencher un phénomène épidémique et s’il a des caractéristiques d’agressivité, ce qu’on appelle la virulence, et bien on peut déclencher un phénomène grave. C’est ce qu’on a craint en 2009 avec le H1N1. Fort heureusement, ce virus n’a pas été agressif. Certes, il a déclenché une pandémie mais pas une pandémie grave. Tant mieux.

Antoine Flahault : Le problème est que dans ce type de question, il y a une partie de la réponse. Personne n’est capable de vous dire que c’est impossible. Cela peut toujours se produire. Cependant, est-ce qu’il faut toujours s’en inquiéter ? Je pense que c’est à chacun d’en juger. Il existe tellement de risques qui nous entourent, qui sont patentent, prégnants, extrêmement tueurs comme le tabac ou l’alcool à haute dose, que l’on peut toujours s’inquiéter d’une future pandémie de grippe. Pour ma part, j’estime qu’elle est hautement improbable mais pas totalement impossible. Je pense qu’il faut savoir raison garder.

Comment lutter contre ces phénomènes ? Existent-ils des remèdes à ces virus ?

François Bricaire : Déjà le fait de les détecter est une avancée. Ensuite, il faut surveiller ces avancées épidémiologiques, analyser les caractéristiques ces virus. Par exemple, le virus H7N9 on sait que c’est un virus de grippe, qui est pour le moment animal et qui n’a été détecté que très accidentellement chez des humains. Il n’existe pas encore à notre connaissance d’adaptation humaine, ni de transmission d’homme à homme.Mais ce qui est essentiel à retenir, c’est que l’apparition de ces virus est la loi de la nature et l’homme est là pour essayer de s’adapter à celle-ci en la contrôlant s’il peut arriver à le faire. C’est pour cela qu’il doit faire de la surveillance, de la recherche scientifique et d’améliorer ses connaissances pour trouver des traitements et des vaccins.

Antoine Flahault : Si on regarde les choses d’un point de vue historique, on s’aperçoit que les maladies infectieuses tuent de moins en moins. La mortalité s’est considérablement effondrée dans tous les pays. C’étaient les premières causes de mortalité au début du XXème siècle, c’est désormais en toute dernière position, y compris dans les pays en développement. De plus en plus, les progrès de la médecine, les vaccins, les médicaments contre ces maladies ont permis de considérablement réduire leur mortalité et leurs séquelles. Le paradoxe est là : il y a de plus en plus de maladies émergentes, de nouveaux virus mais le génie humain déploie de plus en plus de capacité de réponse.

Propos recueillis par Maxime Ricard

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