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Coronavirus : technos, élus ou marchés financiers, tous nuls en anticipation ?
©KAZUHIRO NOGI / AFP

Préférence pour le présent

Face à l'épidémie de Coronavirus, les représentants politiques et les marchés financiers semblent se concentrer sur les présent sans véritable anticipation ou réflexions sur l'avenir et les futures perspectives de la crise.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico.fr : Alors que la crise du coronavirus prend de l'ampleur, représentants politiques et marchés financiers semblent porter leur attention sur le présent sans vraiment véritablement se pencher, pour l'heure, sur le futur. Pourquoi avoir cet arbitrage entre le présent et le futur ? En d'autres termes, pourquoi avoir fait fi de toutes prédictions ?

Mathieu Mucherie : Dans le monde dans lequel nous vivons actuellement, sortir du consensus est bien mal vu. Dès lors que vous exprimez un avis différent de celui du troupeau et des prévisions centrales et consensuelles vous vous exposer à un risque. En outre, puisque les paroles s'envolent les écrits restent, on va se souvenir essentiellement de vos erreurs et oublier les points importants sur lesquels vous auriez pu faire, de votre propre chef, des prévisions.

Je pense donc qu'il y a biais que la plupart des individus ont internalisé : c'est-à-dire qu'ils ont compris qu'anticiper une situation ou un problème éventuel ne valait pas vraiment le coup. Au contraire, il valait mieux ne rien faire et suivre le troupeau. un peu tout seul. D'abord, vous engagez moins de ressources et ensuite, vous prenez moins de risque que si vous aviez pour but d'essayer de comprendre ce qui se passe et ce qui pourrait se passer et à la fin vous êtes payés au même prix que le type qui aurait anticipé ou essayé d'anticiper la situation. Et évidemment en termes d'arbitrage rendement/risque c'est beaucoup plus intéressant de faire comme tout le monde, de dire comme tout le monde et de ne pas trop se projeter dans le futur.

Voilà pour le premier point, vient ensuite un deuxième point qu'il me semble important de souligner, c'est le biais de court termisme. C'est-à-dire, par exemple, le fait de continuer à avoir un taux d'actualisation hyperbolique. C'est quelque part le refus d'intégrer des taux d'intérêts nuls ou négatifs. C'est une maladie qui se développe notamment à cause du poids actuel des réseaux sociaux mais aussi à cause de tout un tas de médias qui nous poussent à penser à court terme.

Nous sommes donc dans une société court termiste, dans une société qui ne pourrait plus passer le test du chamallow, c'est-à-dire ce test que l'on fait passer aux enfants afin de savoir s'ils sont capables de résister à une stimulation à court terme pour avoir un plus grand plaisir à moyen ou long terme. Cette vision comptable et petite bourgeoise est aujourd'hui la réalité des grands groupes, notamment des groupes européens et s'applique donc également à la manière dont la crise du coronavirus a été traitée, perçue et donc finalement très peu anticipée.

En effet, cela fait très longtemps que l'on connaît les risques d'une épidémie globale mais on a refusé d'anticiper cette possibilité parce qu'elle semblait lointaine. En effet, puisque le risque n'était pas quantifiable, l'idée a été balayée ce qui explique donc la panique actuelle. Il aurait fallu engager des moyens préalablement afin que des experts se mettent autour d'une table et discutent de scénarios possibles mais ça n'a pas été fait. Or sans ce groupe d'experts capables d'anticiper divers scénarios, le décideur public est laissé face à lui-même avec sa vision uniquement court termiste.

Si c'est la vision à court terme qui domine dans la sphère publique, n'était-ce tout de même pas possible dans ce cas de figure précis d'anticiper la situation alors que l'on voyait l'épidémie progresser et ses conséquences de dérouler devant nos yeux en Asie puis en Italie ?

Outre le problème du court termisme ambiant je pense qu'un autre facteur explique le manque d'anticipation de l'actuelle crise du coronavirus en France : la réforme des retraites. En effet, le gouvernement était probablement trop accaparé par le fiasco qu'est sa réforme des retraites pour se préoccuper de l'épidémie de coronavirus.

Il y a également d'autres éléments qui expliquent la crise actuelle et ceux-ci sont propres à la communication technocratique française. Il y a eu, au début de l'épidémie en France, un vrai décalage entre le discours "officiel" et la réalité. La population se rendait bien compte que l'on courrait vers une crise, mais l'Etat continuait avec sa communication irréaliste. Se faisant, l'effet de panique s'est alors accentuée et la crise de défiance renforcée.

L'Etat est-il le principal représentant de cette vision à court terme ?

L'Etat français n'est pas le seul à avoir manqué de vision. Les financiers auraient, eux également, dû anticiper l'actuelle crise plutôt que de se vouloir rassurants.

Effectivement, ce manque de vision, cette incapacité à anticiper un éventuel problème se retrouve dans tous les domaines. C'est un problème généralisé. C'est un phénomène de société. Tant que la mode sera au moralisme et à la sous estimation systématique, rien ne changera. Ce qu'il faudrait, je crois, c'est remplacer cette langue de bois ambiante par une communication plus cash même si cela bien sûr est plus facile à dire qu’à faire… 

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