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Congrès du PPE : pourquoi le champion  que se choisiront les droites de l’UE détiendra probablement les clefs des prochaines élections européennes
©Heikki Saukkomaa / Lehtikuva / AFP

Primaires européennes

Réuni en congrès à Helsinki, le Parti populaire européen (PPE) élit aujourd’hui son chef de file pour mener la campagne des élections de mai 2019

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico: Le Congrès du PPE se déroule ces 7 et 8 novembre à Helsinki, avec comme enjeu la désignation du Spitzenkandidaten comme enjeu principal, entre deux personnalités, un candidat allemand, Manfred Weber, et un candidat finlandais, Alexander Stubb. Quelles sont les enjeux de ce choix en vue des prochaines élections européennes ? 

Christophe Bouillaud : Tout d’abord, il faut noter que, sauf surprise de toute dernière minute, le Parti populaire européen (PPE) va effectivement désigner son candidat à la charge de Président de la Commission européenne. Cela ne va pas du tout de soi dans un contexte où certains gouvernements européens voudraient revenir sur l’idée même que les résultats de l’élection européenne jouent un rôle direct dans la nomination du Président de la Commission. Comme des élus du PPE sont au pouvoir dans un certain nombre d’Etats de l’UE, on aurait pu imaginer que le Congrès du PPE prenne acte de cette réticence montante. Or, aux dernières nouvelles, il n’en est rien. Il y aura bien à la fin du Congrès d’Helsinki un candidat du PPE à cette charge. 

Il faut noter que des autres partis européens se sont lancés dans la course sur le même modèle. Le Parti socialiste européen (PSE), le plus fédéraliste des trois grands partis historiques européens (PPE, PSE et ALDE), aura, selon toute évidence, son candidat, le Néerlandais Franz Timmermans, l’actuel vice-Président de la Commission Juncker, souvent d’ailleurs vu comme le grand stratège de cette dernière. Dans le camp fédéraliste, il est probable que les Verts européens en fassent de même. L’ALDE semble hésiter, mais pourrait-elle contredire son fédéralisme affiché? Même un souverainiste come l’Italien Matteo Salvini de la Ligue, actuel Ministre de l’Intérieur, s’auto-promeut candidat possible à la Présidence de la Commission. Autrement dit, il va être difficile une fois que le PPE et le PSE auront leur candidat respectif que la compétition entre partis européens, anciens et nouveaux, ne s’engage pas, et cela ne peut que déplaire à ceux qui auraient aimé qu’en 2019 on oublie ce qui avait été fait au nom de la démocratisation de l’Union européenne en 2014 (et très discrètement aussi en 2009). Une fois que vous aurez eu des débats télévisés entre les candidats des partis européens pendant la campagne, comme en 2014, les chefs d’Etat et de gouvernement seront bien en difficulté pour faire leur tambouille intergouvernementale à l’abri des regards. 

Par ailleurs, de ce point de vue, il faut bien comprendre qu’A. Stubb a été Premier Ministre de son pays et aussi Ministre à des postes importants. Cela contraste avec Manfred Weber, un apparatchik du groupe PPE au Parlement européen. Or, depuis deux décennies, le Président de la Commission a toujours été un ancien Premier Ministre de son pays… Cette règle non écrite semble garantir aux dirigeants nationaux que le Président de la Commission n’aura aucune velléité réellement fédéraliste, à la manière d’un Jacques Delors (1985-1995).  Si le PPE choisit A. Stubb, et comme le PPE sera arrivé en tête, il sera difficile pour les chefs d’Etat et de gouvernement de ne pas le nommer Président de la Commission. Par contre, si le PPE choisit comme prévu Manfred Weber, il sera toujours temps de l’abandonner au nom de la real politik des alliances nécessaires d’un camp pro-européen menacé par les extrêmes.  Je me demande bien sûr si M. Weber lui-même sait qu’il ne peut être qu’un paravent pour des stratégies de couloir, ou s’il s’illusionne sur son poids politique au cas où il serait le Spitzkandidaten. 

Pour ce qui est des politiques publiques suivies à l’échelle européenne, que ce soit Weber ou Stubb, il s’agira bien sûr de maintenir le statu quo actuel qui, dans le fond, convient très bien au PPE, ou au mieux de s’en éloigner à toute petite vitesse si le PSE l’exige pour prix de son ralliement.

Quelles peuvent être les conséquences de la désignation de l'un ou l'autre candidat pour Emmanuel Macron ?

Comme je l’ai dit, si c’est A.  Stubb, la négociation intergouvernementale est pliée d’avance, si, toutefois, le PPE arrive en tête des sièges comme prévu par toutes les prévisions actuelles, et bien dans ce cas-là, Emmanuel Macron n’aura pas grand-chose à dire, et les négociations se feront sur d’autres postes d’importance à pouvoir au sein de la nouvelle Commission ou  à la Banque centrale européenne. A. Stubb peut par contre braquer les Italiens, car il représente exactement comme Finlandais ultra-austéritaire le « succès de l’austérité » qui échappe à l’Italie depuis le début des années 1990. Par contre, si c’est le candidat allemand, Manfred Weber, il devrait être plus facile à Emmanuel Macron d’essayer de perturber le jeu. Comme il faudra sûrement faire une coalition PPE-PSE-ALDE pour dominer le Parlement, il pourra pousser ses pions, en exigeant que le candidat PPE s’écarte au profit d’un profil de plus haut niveau pour gérer la Commission. Et, naturellement, cela ne sera pas l’un des trois candidats Présidents du PPE, du PES ou de l’ALDE, pour ne vexer personne. Comme F. Timmermans est déjà grillé par sa participation à la vice-Présidence de Juncker, il ne reste plus que l’ALDE choisisse un candidat médiocre pour valider l’hypothèse.

Quelles pourraient en être les conséquences du point de vue de la droite française, Laurent Wauquiez ayant apporté son soutien à la candidature de Manfred Weber ?

Si mon analyse est exacte et si Manfred Weber est choisi, Laurent Wauquiez offre à Emmanuel Macron plus de latitude pour peser sur le choix du futur Président de la Commission européenne. 

Par contre, ce qui peut servir Laurent Wauquiez sera de pouvoir dénoncer ensuite la tambouille anti-démocratique auxquels se sera livré, avec les autres dirigeants européens, Emmanuel Macron. Il pourra dénoncer à cette occasion l’élitisme d’Emmanuel Macron. C’est un classique, mais cela peut toujours servir.

Si je me trompe, et si Manfred Weber dispose de plus de poids politique que ne le montre sa courte biographie toute européenne, et que les dirigeants nationaux se trouvent contraints de le nommer à cause du « respect de la démocratie », Laurent Wauquiez pourra se targuer de ce soutien. 

Mais, de toute façon, dans les deux cas, ce qui va compter pour L. Wauquiez, c’est le score des Républicains à l’élection européenne en France. 

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