Congrès des maires de France : le lien social mis en danger à force de pression sur les communes<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Congrès des maires se tient du 24 au 26 novembre à Paris.
Le Congrès des maires se tient du 24 au 26 novembre à Paris.
©Reuters

Pacte de confiance

Le Congrès des maires se tient du 24 au 26 novembre à Paris. Consacré à "la force de proximité", ce traditionnel rendez-vous s'inscrit dans un contexte de crise économique et sociale qui accroît les attentes et besoins des citoyens. Mais avec la baisse des dotations de l’État, les maires pourraient se retrouver à leur tour boudés, alors même qu'ils restent pour leurs administrés le référent social ultime.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : La commune est-elle l'échelon le plus pertinent pour garantir la cohésion sociale ? A quels niveaux cette collectivité joue-t-elle un rôle important dans le quotidien des citoyens ?

Jean-Luc Bœuf : Alors que l'on a vu disparaitre les implantations de l'Etat et des entreprises et qu'il se pose dans certains territoires la question du maintien de La Poste, de la gendarmerie et du Trésor public le maire reste ce référent aisément identifiable et très accessible pour les administrés. Le maire et son équipe d'adjoints connaissant bien le terrain. Cela facilite l'intervention directe, la proposition d'intervention et parfois l'accompagnement des politiques décidées par d'autres comme l'ANRU. La commune n'est pas la seule à disposer de la capacité d'intervention mais elle peut proposer le meilleur niveau d'intervention.

La proximité de la commune est sa richesse. Cette notion de proximité s'exerce de façon pragmatique. Citons par exemple la question de l'ouverture de l'eau du robinet : la gestion de l'eau relève en effet de la commune ou de l'intercommunalité. On peut aussi citer la gestion de l'assainissement et la question de la voirie communale alors que chaque commune dispose en moyenne en France de 15 km de voirie. La commune fait aussi beaucoup de choses dans l'accueil des plus jeunes avec la recherche de solutions de proximité comme les assistantes maternelles agréés. L'accueil des nouveaux habitants se développe beaucoup et c'est du concret. Il y a par ailleurs des compétences historiques  dans les écoles primaires, maternelles, les crèches, l'entretien des bâtiments et la rémunération des ATSEM.

A l'heure où la carte des régions a été modifiée et que l'avenir des conseils généraux et même des départements est incertain, la commune est-elle finalement devenue le dernier rempart de la démocratie ?

Oui. Dans des sociétés en perte de repères la commune est un lieu immuable, le lieu où l'on se retrouve naturellement. La notion de réactivité et d'écoute permanente est importante. Les gens viennent voir les élus et ces derniers doivent apporter une réponse immédiate à leurs questions par exemple l'inscription dans les écoles communales et trouver des places en crèche. Les maires sont un rempart contre une technocratie à outrance.

La création de mégas administrations ne permettra jamais de traiter ce que j'appelle la gestion "du dessus de la pile" c’est-à-dire quand le maire rencontre une personne en difficulté. Si l'on est élu on est en capacité de traiter les priorités.

Selon le baromètre du Cevipof publié en janvier dernier, le maire est le seul élu auquel une majorité de Français accordent leur confiance (62 %). Comment expliquer que les citoyens restent toujours attachés à la figure de leur maire malgré la défiance de plus en plus importante à l'égard des politiques ? Le maire est-il un acteur de proximité au même titre que les commerçants, les enseignants, les médecins, etc. ?

Au-delà des appartenances politiques les gens identifient clairement le maire. Je suis frappé positivement de voir qu'après avoir sillonné son territoire le maire revient avec des demandes très concrètes auprès de leur administration. On ne gère pas une ville par textos. Si le maire sortant n'est pas présent lors d'une inondation par exemple et qu'un challenger est quant à lui disponible les gens vont plébisciter son concurrent.

Les collectivités subissent une réduction importante de leurs ressources financières, risquant de mettre en cause les services à la population et la capacité d'investissement du bloc communal.  Quelles pourraient être à l'avenir les conséquences sur les conditions de vie des citoyens si cet échelon était amené à connaître de sérieuses turbulences ? Peut-on imaginer dans cette hypothèse des révoltes des administrés notamment sur la fiscalité locale ?

Nous sommes dans un changement d'époque complet. Les vieilles recettes selon lesquelles le maire décide des besoins et ensuite va chercher les financements sont terminées car la crise de 2008 est entre temps passée par là. Les recettes des collectivités reposent sur trois choses : la fiscalité, les dotations et les emprunts. Les dotations sont en diminution, la fiscalité locale n'est plus à la fête et il est compliqué d'aller chercher l'emprunt. Les citoyens doivent accepter que l'état de la France et de ses finances publiques ne permettent plus de continuer sur le rythme sur lequel nous avons fonctionné depuis 50 ans. Ce changement de système nécessite de refaire des priorités. Il faut quand même continuer à investir en veillant à ce que les dépenses de fonctionnement soit inférieures aux recettes.

Les maires et leurs équipes vont donc être obligés de proposer une espèce de "pacte de confiance " et dire "je vais être obligé de procéder différemment et de rendre moins de services".  Il faut que les maires disent "on va faire moins avec moins". Cela peut par exemple passer par la fermeture d'une  médiathèque une journée par semaine,  une piscine qui ouvre moins ou encore remplacer du gazon par une pelouse synthétique dans les stades. Le fait d'avoir une ATSEM par classe n'est pas tenable à terme tout comme remplacer les agents immédiatement. S'engager sur la stabilisation de la fiscalité locale est un signal fort à donner aux citoyens. Si les gens ne peuvent plus payer leurs impôts locaux cela obligerait un peu plus à revoir les services rendus à la collectivité.

Au niveau politique, cette fois, quelles seraient les traductions concrètes d'une perte de confiance des citoyens à l'égard de leurs élus municipaux ?

Je suis optimiste. Encore une fois il faut que les élus soient capables de tenir un langage de vérité à l'égard de leurs citoyens. Les programmes anciens étaient basés sur des vieux modèles. Il faut une prise de confiance, une acceptation et que les élus reviennent devant leurs administrés en jouant carte sur table. Cela peut aller jusqu'à demander leur avis via des référendums locaux afin d'éviter autant que possible une révolte de leur part.

Propos recueillis par Julien Chabrout

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